Présidentielle au Burkina Faso: listes électorales recherchent jeunes électeurs
Longtemps contrariée par l’épidémie de coronavirus, la révision des listes électorales en vue de la présidentielle de novembre 2020 au Burkina Faso se poursuit depuis le mois de mai. Mais l’opération, qui vise à enrôler 4,5 millions de nouveaux électeurs, peine énormément à intéresser les moins de 25 ans et les femmes.
Lancée le 20 février –puis suspendue de mars à avril en raison de l’épidémie de Covid-19–, la révision du fichier électoral qui a repris le 8 mai dernier est censée se poursuivre encore tout le mois de juillet.
Mais cette opération, dont le défi est d’inscrire 4,5 millions de nouveaux électeurs (portant ainsi leur nombre à 10 millions), semble mal engagée car à peine plus d’un million de personnes se sont fait enrôler au 23 juin, d’après les chiffres communiqués par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pis, celle-ci déplore la faible proportion des moins de 25 ans et des femmes parmi les nouveaux électeurs.
«Les nouveaux enrôlés sont autour de 1.100.000 personnes. Sur ces 1.100.000, les moins de 25 ans représentent à peine 19% des électeurs. Or, dans la population réelle, ils sont plus de 25% et ce chiffre est encore plus bas lorsqu’il s’agit des filles puisqu’il est de seulement 7% alors qu’elles représentent près de 69% du potentiel des jeunes à inscrire», a déclaré Newton Ahmed Barry, président de la CENI, au lancement de la révision des listes dans les circonscriptions électorales de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso le 23 juin.
Pour motiver les nouveaux majeurs à s’enrôler, la CENI multiplie les campagnes de sensibilisation dans les localités du pays et sur les réseaux sociaux, mais jusque-là sans réel succès.
Des jeunes désillusionnés
C’est un fait: de nombreux jeunes Burkinabè se sentent peu concernés par le processus électoral en cours. Une réalité qui ne devrait pas surprendre, selon l’analyste politique Siaka Coulibaly.
«Le désintérêt des jeunes pour les élections a été constaté depuis 2015 et se poursuit maintenant. La gouvernance et ses insuffisances expliquent en partie le divorce entre les jeunes et la politique. Il est donc probable que cette frange de la population ne vote pas massivement non plus aux élections de novembre», considère l’analyste burkinabè au micro de Sputnik.
Les réactions de jeunes internautes à une publication sur la page Facebook de la CENI mettant en lumière leur faible participation à l’opération d’inscription sur les listes électorales confirment bien l’analyse de Siaka Coulibaly.
«On ne voit aucun candidat capable de gérer la situation de crise actuelle. La gouvernance est criblée de failles», a déclaré, par exemple, Fakredine Ouattara, un internaute burkinabè.
Un autre internaute, Abdoul Sankara, estime quant à lui, que «les politiciens n’encouragent pas à voter». «Ce sont tous de grands menteurs qui ne viennent vers nous que lorsqu’ils ont besoin de nous. Et après, on nous oublie», a-t-il déclaré.
Certains s’insurgent cependant contre cette «désillusion ambiante». C’est le cas de Lamine Ouédraogo pour qui le vote se présente comme la clé d’une évolution à laquelle la jeunesse aspire. «C’est vrai que la jeunesse est déçue, mais que fait-elle pour le changement? La seule arme légale actuelle est la carte d’électeur. Si tu ne fais pas ta carte d’électeur pour faire valoir ton droit de vote, comment allons-nous parvenir au changement tant attendu? La jeunesse doit savoir une chose: quand on ne vote pas, les autres le font à notre place», a-t-il déclaré.
Des irrégularités signalées
Le 22 novembre, les Burkinabè seront appelés aux urnes pour élire leur Président lors d’une élection présidentielle couplée aux législatives. Ce scrutin, de l’avis de nombreux observateurs, revêt des enjeux cruciaux comme la consolidation de l’après-Blaise Compaoré par un «enracinement profond de la bonne gouvernance», mais aussi la lutte contre le terrorisme. Cet ancien Président a été chassé du pouvoir en octobre 2014 par une insurrection populaire après 27 ans à la tête du gouvernement.
Candidat à sa propre succession, le Président Roch Kaboré devrait faire face à une dizaine de concurrents, comme ce fut le cas en 2015.
Si la présidentielle de 2020 s’annonce plus serrée que la précédente –notamment avec la participation cette fois de proches de Blaise Compaoré, notamment Eddie Komboigo, qui n’avaient pas été autorisés à se présenter en 2015–, certains activistes craignent que les rapports récurrents de fraudes ou de tentatives de fraudes relevés ces dernières semaines, pendant la phase d’inscription, ne constituent des signes avant-coureurs d’une tension postélectorale.
De plus, l’insécurité engendrée par les attaques terroristes rend impossible l’opération d’enrôlement dans plusieurs localités du Burkina Faso.
Sputnik