Soumaila Cissé, sur TV5-Afrique: « si les gens sont inquiets que je sois libéré, je ne comprends pas »

Quelques heures après sa libération, le Chef de file de l’opposition malienne, l’honorable, Soumaïla CISSE, président de l’URD, était l’invité de TV5-Monde ce vendredi 9 octobre 2020. En ligne depuis Bamako, l’ex-otage est revenu au cours cet entretien sur les conditions de son enlèvement, de sa détention, de sa libération, avant de se projeter sur son avenir politique.

TV5-Monde : Merci beaucoup d’être sur l’antenne de TV5-Monde. Tout d’abord dans quel état d’esprit êtes-vous, à l’heure où on se parle ? Est-ce que vous êtes en bonne santé ?

Soumaila CISSE : Je suis d’abord absolument bonne santé. Je suis dans un bon état d’esprit. Vous savez, quand on est libéré après ces longs mois, il faut être absolument positif. Je le suis. J’ai retrouvé ma famille et mes amis avec beaucoup de plaisir. J’ai trouvé quelque part le Mali avec beaucoup d’espoir et j’ai vraiment un sentiment de reconnaissance, beaucoup de remerciements pour tous ceux qui se sont battus pour qu’aujourd’hui soit.

TV5-Monde : Soumaïla Cissé, comment se sont déroulées vos conditions de captivité, est-ce que vous connaissiez vos ravisseurs ?

Soumaila CISSE : Non, je ne connaissais pas mes ravisseurs, j’étais en pleine campagne électorale quand j’ai été attaqué. Malheureusement, de façon absolument violente parce que mon garde-corps, Mohamed Cissé, a été tué le même jour.
Et j’ai été donc trimballé, transporter de lieu en lieu, depuis le delta central jusque dans le grand Sahara. J’ai été détenue pendant ces six mois, la plupart du temps, dans le Sahara en plus de 20 lieux différents.
Donc, je ne peux même pas vous dire exactement où. Du sud au nord, d’ouest en est, j’ai été trimballé dans tout le Sahara et j’ai vu tous les paysages possibles. J’étais dans les conditions bien sûr, le climat très austère, très difficile, une alimentation qui n’était pas adaptée que les féculents. Un isolement quasi permanent, un isolement physique et moral parce que j’étais toujours isolé seul dans mon coin. Et pendant beaucoup de moments, je n’avais pas les médicaments qu’il me fallait pour tenir. Ceci dit, je n’ai subi aucune violence, ni physique ni verbale. Mais les conditions sont ce qu’elles sont, elles sont difficiles.
J’ai passé de petits groupes en petit groupe et pendant toute cette période. J’ai voyagé ou été transféré, à moto en pirogue en pick up même à dos de chameau. Donc, j’ai vu un tout petit peu tout pendant cette période. Une période difficile pour le climat qui était hostile.

TV5-Monde : Donc, vous étiez seul ?

Soumaila CISSE : Bien sûr, moi j’étais seul, je n’ai jamais eu de compagnons parmi les otages. Un climat extrêmement difficile, souvent des orages très violents, du vent de sable. Donc, des conditions qui n’étaient pas très faciles.

TV5-Monde : Donc, vous n’étiez pas avec Sophie Petrona ou avec les deux autres otages italiens ?

Soumaila CISSE : Non, non, je n’ai rencontré Sophie Petrona que le lundi. Et les Italiens hier (jeudi) matin quand on allait à l’avion.

TV5-Monde : Est-ce que vous étiez au courant, lors de votre détention, de ce qui se passait dans votre pays et notamment du coup d’État militaire contre Ibrahim Boubacar Keïta ? Vous étiez au courant de ces infos ?

Soumaila CISSE : Oui, la chance que j’avais, c’est que j’avais une radio. On m’a offert une radio. Déjà, quand j’étais dans le Centre pendant les dix premiers jours. Et après, quand j’ai quitté, ils ont repris leur radio. Et quand j’ai été de l’autre côté, une semaine après, j’avais une radio. Et la radio, je l’ai gardé jusqu’à hier. Donc, j’écoutais régulièrement la radio. Donc, je savais, en tout cas, tout ce que les radios disaient, et j’étais au courant. Donc, j’appris comme ça le coup d’État au Mali, les différentes manifestations même à ma faveur. Les marches de soutien, des interventions des institutions, en particulier les parlementaires, des personnalités qui ont intervenu pour moi, ceux qui ont fait des interviews les grandes voix des petites voix.
Disons que cela maintenait un état d’esprit qui me rapprochait quand même de la réalité. Et me permettait aussi de tenir moralement. Je crois que c’est très important d’être informé et de ne pas avoir l’impression d’être coupée.
Vous savez, je pouvais passer toute une journée, ou même deux trois jours, quasiment seule, à part me donner de l’eau et à manger je n’avais rien à dire je n’avais rien je n’avais pas d’interlocuteurs. Donc, la radio m’a beaucoup aidé et m’a servi.

TV5-Monde : Soumaïla Cissé, des dizaines de jihadistes ont été relâchés en marge de vos libérations. Est-ce que vous comprenez l’inquiétude que cela peut susciter chez certains ?

Soumaila CISSE : J’espère qu’ils ne sont pas inquiets que je sois libéré. Je crois que c’est ça. Si vous voulez que je réponde à ce niveau-là, je pense que moi je ne suis pas inquiet d’être libéré. Maintenant, si les gens sont inquiets que je sois libéré, je ne comprends pas.

TV5-Monde : Soumaïla Cissé, est-ce que ça vous inquiète que des djihadistes ont été relâchés en marche de vos libérations ?

Soumaila CISSE : Je ne suis pas inquiet d’être libéré. Vous voulez que je vous dise quoi. Qu’il les reprenne et que moi je retourne là-bas ? Je ne pense pas, ce n’est pas une question qu’il faut me poser à moi. Il faut la poser à d’autres qui ne sont pas dans ma situation. Je suis un acteur de cette situation. Je suis libéré en contrepartie des djihadistes.
Vous voulez récupérer les djihadistes, ça veut dire si je ne suis pas content, donc je n’avais qu’à retourner là-bas.
Je pense que dans toutes les guerres, ils sont en train d’en libérer des djihadistes en Afghanistan, en Arabie Saoudite. Je n’ai pas de jugement de valeur à ce niveau-là.

Comment voyez-vous la suite de votre côté, notamment au niveau politique ?

Soumaila CISSE : Mais, au niveau politique, j’étais absent pendant six mois. La première chose que je dois faire en toute humilité, c’est de me mettre à niveau ; d’être informé de connaître les raisons pour lesquelles quelles décisions quelles autres ont été prises. La position de mon parti, comment il a évolué depuis ? Mes autres amis, les autres partis politiques. Ça fait vingt-quatre heures que je suis là, je crois que je dois prendre quelques jours pour être mieux informé. Connaître mieux les acteurs qui sont en place aujourd’hui que je ne connaissais pas. Je crois que c’est à partir de là, qu’on évalue et qu’on dessine un chemin, qu’il faut pouvoir suivre.
S’il ne s’agit pas de venir aujourd’hui pour dire, je vais faire comme-ci, je vais faire comme ça. Donc, il faut un minimum de temps pour pouvoir se positionner par rapport à une situation nouvelle complètement inattendue que nous vivons depuis le 18 août dernier. Et moi depuis hier.

Transcription libre Abdoulaye OUATTARA

Info-Matin

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