Manifestations en Géorgie: Moscou dénonce une “tentative” de coup d’Etat
La Russie a présenté vendredi comme une “tentative” de coup d’Etat occidentale les manifestations massives en Géorgie qui ont contraint le gouvernement à abandonner un projet de loi comparé par ses détracteurs à une législation russe répressive.
Après trois jours de manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes, le Parlement géorgien a finalement révoqué vendredi ce projet de loi, comme l’avait promis le gouvernement la veille.
Des centaines de personnes se sont rassemblées vendredi près du Parlement pour se réjouir de leur victoire, en brandissant des drapeaux de la Géorgie et des pancartes “Nous sommes l’Europe”.
Ce mouvement de contestation illustre la crise politique qui agite depuis plusieurs années la Géorgie, pays du Caucase candidat à l’Union européenne où une partie de la population redoute une dérive autoritaire sur le modèle russe.
Les manifestants comparaient d’ailleurs le projet de loi abandonné à un texte en vigueur en Russie sur les “agents de l’étranger” et utilisé pour faire taire les ONG, les médias et les opposants du Kremlin.
Mais la présidence russe a estimé que ce projet de loi décrié n’était qu’un prétexte, voyant dans le mouvement de contestation en Géorgie “la main” des Etats-Unis s’efforçant de provoquer “un sentiment antirusse”.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé que les manifestations étaient “orchestrées depuis l’étranger”, les comparant à la révolution de 2014 en Ukraine, que Moscou considère comme un coup d’Etat fomenté par l’Occident.
Le but est d’obtenir un “changement de régime par la force”, a-t-il assuré, sans toutefois étayer ses accusations.
Concrètement, le texte révoqué vendredi prévoyait de classer comme “agents de l’étranger” les ONG et médias recevant plus de 20% de leur financement de l’étranger, sous peine d’amendes.
L’opposition géorgienne a accusé le gouvernement de voter ce texte pour étouffer toute voix critique, comme le fait le Kremlin, et, plus largement, de saper les aspirations pro-européennes d’une frange importante de la population.
– “Victoire” –
Après le rejet du projet de loi par le Parlement, près de 300 manifestants, selon un correspondant de l’AFP, se sont rassemblés vendredi dans le calme devant le Parlement, avec une légère présence policière.
“C’est une victoire, nous avons gagné car nous étions unis!”, s’est réjoui Irina Chourgaïa, une étudiante de 21 ans, au milieu de manifestants brandissant des pancartes “Nous sommes l’Europe”.
“Le monde entier a vu que les Géorgiens sont unis et déterminés à être membres de la famille européenne”, a-t-elle dit à l’AFP.
Jeudi, la présidente Salomé Zourabichvili, une pro-occidentale critique du gouvernement mais dont les pouvoirs sont limités, a salué comme une “victoire” l’annonce du retrait du texte, en s’exprimant depuis New York.
Cela n’a pas échappé au porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a souligné vendredi que Mme Zourabichvili “s’adresse à son peuple non pas depuis la Géorgie, mais depuis l’Amérique”.
C’est donc le signe que “la main bien visible de quelqu’un cherche à provoquer un sentiment antirusse”, a ajouté M. Peskov, dans une accusation visant clairement Washington.
L’annonce du retrait du projet de loi controversé avait été saluée jeudi par Washington et l’Union européenne.
Après cette annonce et sur fond de méfiance envers le gouvernement, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées dans la soirée à Tbilissi, la capitale, pour une troisième soirée consécutive de manifestations.
Les deux premières nuits de protestations avaient été marquées par des affrontements entre policiers et manifestants ainsi que des dizaines d’interpellations.
La Géorgie, une ex-république soviétique défaite lors d’une courte guerre contre la Russie en 2008, ambitionne officiellement de rejoindre l’Union européenne et l’Otan.
Cette orientation avait été prise après la “révolution des roses” de 2003 qui avait hissé au pouvoir le pro-occidental Mikheïl Saakachvili.
Mais l’emprisonnement fin 2021 de M. Saakachvili et plusieurs récentes mesures controversées du parti au pouvoir ont jeté le doute sur ses aspirations pro-occidentales.
AFP