Le vérificateur général face à la presse : Du renouveau dans la vérification des finances publiques
Le Vérificateur général du Mali Samba Alhamdou Baby a donné vendredi 02 août une conférence de presse dans ses locaux. Objectif : porter à la connaissance des professionnels des médias, le contenu de son récent rapport basé sur les vérifications de performance et de suivi des recommandations. Nous vous proposons l’intégralité de cette conférence de presse.
De façon générale, quel est le bilan des vérifications de votre bureau sur le rapport de 2018 ? Aussi, selon vous, quelle est l’opinion du citoyen malien sur le rapport 2018 du Vérificateur Général ?
Dans un premier temps, je tiens à vous remercier, chers amis de la presse, d’avoir répondu à notre appel. Toute chose qui témoigne de l’importance que vous accordez au bureau du Vérificateur général. D’abord, je tiens à vous faire un bref aperçu de ma vision à travers laquelle je tiens à conduire mon mandat à la tête de cette institution.
Comme vous le savez, j’ai été nommé le 11 avril 2018. J’ai prêté serment le 24 avril du même mois et pris fonction le même jour. Les travaux proprement dits ont débuté en juin 2018. Ce qui veut dire que le rapport annuel est le fruit de six mois de travaux. Ce rapport est alimenté essentiellement de six rapports de suivi, de deux rapports de performance et de deux rapports de vérifications financières.
Après avoir pris service, j’ai décidé de faire un examen approfondi du système de contrôle au Mali et missions assignées au Bureau du Vérificateur Général. En effet, après examen de l’environnement de contrôle, les deux structures de contrôleexternes, le Bureau du Vérificateur Général, comme structure de contrôle administratif indépendante de contrôle externe, et la section des comptes de la Cour Suprême, la gestion supérieure du contrôle des finances publiques, comme contrôle externe juridictionnel. Un autre type de contrôle, le contrôle interne au sein du gouvernement. Il s’agit notamment du contrôle général de gestion des finances publiques et des inspections sectorielles.
Après analyse des missions assignées au Bureau du Vérificateur Général, il existe quatre types de vérifications : la vérification financière, la vérification de performance, l’évaluation des politiques publiques et le suivi des recommandations. Et parmi ces quatre types de vérifications, durant ces quatorze ans, on n’a fait que les vérifications financières. Après ma prise de fonction, j’ai trouvé que (j’en profite pour rendre hommage à mes prédécesseurs)la vérification qui était importante était la performance au niveau national.
Ensuite, nous sommes sortis du budget pour aller vers le budget de résultats qui est une disposition communautaire, notamment dans la zone UEMOA. Et là aussi, il s’agissait de la performance. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de mettre un accent sur la performance au cours de mon mandat à la tête du Bureau.
Le second type de vérification sur laquelle je vais mettre un accent, c’est l’évaluation des politiques publiques. Cette dernière vérification ne peut se faire que par saisine du président de la République, du gouvernement ou du parlement. C’est un avantage pour le pays de faire l’adéquation entre les ressources et les moyens mis à la disposition de nos politiques, afin de voir si les objectifs des missions ont été atteints ou pas. Une approche qui aide le décideur à réaffecter les ressources en cas de besoin.
Le troisième type, c’est le suivi des recommandations. À ce niveau, il s’agit des normes internationales qui l’exigent à toutes les structures de contrôle externes. Cela a l’avantage de rendre une administration plus performante dans une amélioration continue. Après toute vérification, il est nécessaire de repasser vérifier si les recommandations formulées ont été prises en compte ou pas. Je tiens à signaler que la communication est aussi un axe de notre vision.
Maintenant, pour répondre à votre question, je dirais simplement que le rapport 2018 comporte dix missions de vérifications, dont six suivis, deux vérifications financières sur saisine des populations, parce qu’on a mis l’homme au centre de nos vérifications, et deux vérifications de performance. Les deux vérifications financières sur saisine de la population sont relatives à la Commune rurale de Baguinéda, ainsi que la vérification au niveau de l’Aéroport du Mali.
Quant aux deux vérifications de performance, elles ont porté sur le CHU Gabriel Touré et la Pharmacie Populaire du Mali. S’agissant de la seconde question, après la remise du rapport au président de la République et aux différents présidents des Institutions, comme l’exige la loi, j’ai rencontré les membres du Conseil national de la société civile pour leur faire un exposé sur le rapport.
Après cela, le 23 juillet, nous avons rencontré la communauté des partenaires techniques et financiers pour leur exposer le contenu du rapport. Très prochainement, nous serons avec la Commission des finances de l’Assemblée nationale. En tout cas, l’intérêt c’est la façon de porter à la connaissance des uns et des autres le contenu du rapport.
Au regard des irrégularités décelées au niveau de la Commune rurale de Baguinéda, peut-on conclure que les collectivités ne sont pas suffisamment outillées pour appliquer les règles de gestion des finances des collectivités territoriales ? Quelles sont les dispositions prises pour que le rapport soit accessible à un plus grand nombre de Maliens ?
Concernant la première question, certes il y a eu des déperditions au niveau de la Commune rurale de Baguinéda. Mais nous, on ne déduit pas, on a constaté que les irrégularités dépassent quatre fois le budget de cette commune. Cette commune est un cas, mais il peut y avoir d’autres communes qui gèrent bien leurs ressources. Raison pour laquelle nous ne déduisons pas que les communes ne sont pas outillées pour mieux gérer les ressources. Onne peut pas objectivement généraliser à partir d’un seul cas.
Concernant la seconde question, je viens de dire que nous avons tenu des rencontres avec les membres de la société civile, les partenaires techniques et financiers, aujourd’hui avec la presse, et très prochainement ave la commission des finances de l’Assemblée nationale. Aussi, nous passerons par certains canaux de sensibilisation et d’information pour rendre le rapport accessible à un plus grand nombre de Maliens.
Ce rapport 2018 comporte six missions de suivi des recommandations, deux rapports de performance et deux rapports de vérifications financières. Alors, pourquoi ce choix de plus de suivis des recommandations en 2018 ? Ce même rapport fait mention de certaines nouveautés comme des irrégularités financières et administratives, pourquoi ces changements ?
Les irrégularités financières, c’est pour rester dans le cadre légal et respecter les normes internationales de contrôle. Sur ce point, l’Article 17 de la loi est clair. Le Bureau, après avoir constaté des irrégularités qui portent préjudice à l’Etat, doit saisir la juridiction supérieure de contrôle des finances. Seconde chose, cette saisine ne fait pas obstacle à l’action pénale. Donc, nous, en restant dans les terminologies comme fraude, mauvaise gestion, on empiète sur les compétences soit du Pôle économique, soit de la Section des comptes de la Cour Suprême.
C’est pour ne pas empiéter sur leurs compétences qu’on a décidé de rester dans ce cadre. Nous, notre travail est de constater, mais nous n’avons pas le droit de qualifier. Concernant les suivis des recommandations, c’est pour rendre l’administration malienne plus performante et améliorer la gestion des finances publiques. Ce sont des exigences des normes internationales qui sont appliquées en la matière.
La vérification du CHU Gabriel Touré a révélé une contre-performance qui a pu causer des pertes en vies humaines. Est-ce que vous dénoncez ces pratiques au même titre que les irrégularités financières ? Aussi, au regard des constatations issues de la vérification de la Pharmacie Populaire du Mali, votre rapport évoque près de 5 millions de médicaments périmés non détruits. Ne pouvons-nous pas conclure que la Pharmacie Populaire du Mali pourrait distribuer des médicaments nocifs à la santé de la population ?
Du CHU Gabriel Touré à la Pharmacie Populaire du Mali, nous avons entrepris des vérifications de performance qui consistent à examiner de façon objective et fiable des activités et des programmes. C’est une manière de vérifier les critères d’efficience et d’efficacité qui ont été pris en compte.
Effectivement, on a constaté au niveau de la Pharmacie Populaire du Mali, plus de cinq millions de médicaments périmés entreposés au milieu de ceux qui n’étaient pas périmés. Une vérification est basée sur des preuves, c’est-à-dire sur des choses qu’on peut vérifier. Donc, nous ne pouvons pas dire que la Pharmacie Populaire du Mali a mis à la disposition de la population des médicaments périmés. Nous n’avons pas les preuves. Et aussi, cela n’est pas notre mission. Toute constatation mentionnée dans le rapport est vérifiable et nous avons les preuves pour cela.
Transcription F. DOZA
Nouvelle Libération