Laurent Gbagbo, l’infatigable combattant

Le militantisme, la conquête du pouvoir, la prison, l’acquittement… L’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo aura triomphé de multiples combats au cours de sa longue et tortueuse carrière.

Détenu au quartier pénitentiaire de la Cour pénale internationale depuis le 30 novembre 2011, Laurent Gbagbo, 73 ans, est le premier ancien chef d’État à avoir été remis à la Cour puis acquitté. Mais sa remise en liberté a été suspendue, malgré la décision des juges de la CPI en date du 15 janvier, à la demande du procureur. Ce dernier, au cours d’une audience prévue vendredi 1er février, présentera ses arguments devant les magistrats de la chambre d’appel.

Animal politique

En détention depuis sept ans, Laurent Gbagbo, sous des airs bonhommes, cache une volonté de fer et une énergie féroce. En 2010, à l’issue de la présidentielle du 28 novembre, le président sortant de la Côte d’Ivoire refuse obstinément de s’avouer vaincu. Il tient tête pendant quatre mois à son ennemi Alassane Ouattara et à la communauté internationale, quitte à plonger le pays dans la crise. Les violences ont fait plus de 3 000 morts en cinq mois.

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Le 3 décembre, le Conseil constitutionnel, acquis à sa cause, proclame la victoire de Laurent Gbagbo avec 51,45 %, invalidant les résultats de la commission électorale, pourtant « certifiés » par l’ONU, et qui donnaient Alassane Ouattara vainqueur (54,1 %).

Encerclé dans sa résidence présidentielle d’Abidjan avec son épouse Simone son fils Michel et une poignée de fidèles, Laurent Gbagbo « se battra jusqu’à son dernier souffle », a prévenu l’un de ses proches au tout début de la crise post-électorale. Le 11 avril 2011, alors que les combats font rage depuis une dizaine de jours dans le quartier de Cocody, les soldats pro-Ouattara avancent au sol, appuyés par l’armée française et la Mission des Nations Unies (Onuci) et arrêtent Laurent Gbagbo. Il est conduit à l’Hôtel du Golf, quartier général et siège de campagne d’Alassane Ouattara, avant d’être transféré dans le nord du pays où il est assigné à résidence pendant huit mois, avant d’être transféré à La Haye.

Laurent Ggbagbo et son épouse Simone arrêtés dans leur résidence d’Abidjan, le 11 avril 2011. 

Militant syndical

Laurent Gbagbo a beaucoup appris de ses longues années d’opposition face au président Félix Houphouët-Boigny (mort en 1993), le « père de la Nation », longtemps premier relais de la France en Afrique subsaharienne. Né le 31 mai 1945, éduqué au séminaire et historien de formation, Laurent Gbagbo irrite rapidement le pouvoir par son activisme syndical.

Incorporé de force, emprisonné, il s’exile en France dans les années 1980, après avoir fondé clandestinement le Front populaire ivoirien (FPI). Membre de l’ethnie bété (ouest), exclue du partage traditionnel du pouvoir, il se lance ouvertement en politique en 1990 avec les premières élections marquées sous le signe du multipartisme : il devient alors le chef de l’opposition.

Le 18 février 1992, alors que le pays est marqué par des manifestations étudiantes, le Premier ministre Alassane Ouattara fait arrêter Laurent Gbagbo. Il est condamné à deux ans de prison, avant d’être libéré en août de la même année.

Habile vs. roublard

Son jour arrive le 26 octobre 2000 quand il accède à la présidence, dans des conditions de son propre aveu « calamiteuses », à l’issue d’un scrutin dont ont été exclus l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.

Laurent Gbagbo intronisé président de la Côte d’Ivoire le 26 octobre 2000. (Crédit : Issouf Sanogo)

Nationaliste farouche, Laurent Gbagbo résiste à la rébellion qui tente de le renverser en septembre 2002. Politicien habile pour les uns, « roublard » pour les autres, il parvient à garder son fauteuil face aux rebelles, à l’opposition et à une communauté internationale emmenée par la France, mais perd le contrôle du nord du pays, qui vivra des années coupé en deux.

Derrière cette tentative de putsch, il voit la main d’Alassane Ouattara qui dément. Celui qui se définit comme « l’homme du peuple » s’appuie sur ses jeunes partisans, les « patriotes », qui enflamment la rue. Les soldats français de la force Licorne tentent de maintenir un cessez-le-feu précaire tandis que Paris joue le rôle de médiateur pour essayer d’amorcer un processus de réconciliation. En vain.

L’armée ivoirienne lance en novembre 2004 une offensive pour reprendre le Nord. Jacques Chirac, Président français de l’époque, tente de dissuader Laurent Gbagbo de toute intervention sans y parvenir. Le 6 novembre, l’armée ivoirienne bombarde des soldats français basé à Bouaké, fief des rebelles du Nord. L’armée française riposte et neutralise l’aviation ivoirienne. La tension est vive à Abidjan, où les pro-Gbagbo prennent la communauté française pour cible. Si Laurent Gabgbo échoue à reconquérir militairement le nord, il se pose en héros de la fierté africaine face à la France.

Le président Jacques Chirac (C) et son homologue ivoirien Laurent Gbagbo (G), le 05 février 2004à Paris, à l’issue d’un déjeuner qui marque une réconciliation au plus haut niveau entre la France et son ancienne colonie. (Crédit : Patrick Kovarik) 

Un accord de paix est finalement signé en 2007 avec les rebelles de Guillaume Soro. Mais le processus politique reste bloqué avec pas moins de six reports de l’élection présidentielle, finalement fixée en 2010. Laurent Gbagbo se lance alors dans la course et retrouve au second tour Alassane Ouattara, qui a engagé une opération militaire pour le chasser du palais présidentiel.

Le président ivoirien Laurent Gbagbo serre la main du président burkinabé, Blaise Compaoré (c), et du chef rebelle Guillaume Soro à Ouagadougou en vue d’un accord de paix, le 4 mars 2007. 

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