La France doit rebondir en Afrique

Lors de son voyage au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en RDC, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d’engager une nouvelle relation avec le continent africain, tentant de contrarier le sentiment d’une France en perte de vitesse. Reste à concrétiser ce souhait d’un nouveau départ.

La France ne va pas déserter l’Afrique, à l’heure où s’activent plus que jamais, sur ce continent crucial pour l’avenir du monde, tant les grandes puissances de la guerre froide (Russie, Etats-Unis) que des acteurs puissants comme la Chine, l’Inde et les Emirats, ainsi que la Turquie. Mais comment Paris peut-il tirer son épingle du jeu alors que monte, de Bamako à Kinshasa, un sentiment antifrançais nourri par l’héritage colonial et les égarements politiques mais surtout attisé par la démagogie de militaires putschistes en panne de projet, et par la propagande de la Russie ? Tel était l’enjeu essentiel du voyage, le dix-huitième en six ans sur le continent africain qui, du 1er au 4 mars, a conduit le président de la République au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo (RDC).

Il est difficile de reprocher à Emmanuel Macron de ne pas avoir senti le basculement de la jeunesse dans certains pays d’Afrique et la nécessité d’inventer de nouvelles relations avec un continent où les anciennes possessions françaises ont trop longtemps été considérées comme un domaine réservé. Le discours qu’il a prononcé en 2017 devant des étudiants à Ouagadougou affichait, au-delà de ses maladresses, une ambition de renouveau et de normalisation. La timide réforme du franc CFA engagée en 2019 et la politique de restitutions d’œuvres d’art sont apparues comme millimétriques, rapidement éclipsées par le fracas de l’échec sécuritaire de l’opération militaire « Barkhane » au Sahel et par l’image d’une France violemment congédiée du Mali puis du Burkina Faso.

Lourde tâche
Dans ce contexte, lourde est la tâche de contrarier le sentiment d’une France en perte de vitesse en Afrique. De Libreville à Kinshasa, M. Macron a tenté de s’y atteler en affirmant la volonté d’engager une nouvelle relation avec l’Afrique, faite d’« humilité » et de partenariats « responsables et équilibrés », notamment dans les domaines de la protection de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.

Mais l’annonce floue d’un « désilhouettage » des bases militaires, sur lesquelles repose largement, en réalité, l’influence française revendiquée, reflète le grand écart auquel Paris est sans cesse contraint. De même que l’itinéraire du voyage présidentiel, entre visite à deux figures personnifiant les vieux errements de la « Françafrique » (Ali Bongo et Denis Sassou-Nguesso) et incursion dans des pays symbolisant la recherche de « nouveaux partenaires stratégiques » (Angola et République démocratique du Congo).

Le refus de condamner clairement le soutien actif du Rwanda – pays avec lequel M. Macron mène une active politique de réconciliation – à la rébellion qui met l’est de la RDC à feu et à sang traduit les limites de la « franchise » revendiquée par le président français. D’autant qu’il n’hésite pas, au même moment, à souligner les responsabilités des dirigeants congolais dans l’insécurité qui règne dans leur immense pays.

Il faudra du temps, et bien plus que des petits pas et des discours, pour convaincre de la réalité de l’aggiornamento mis en avant par le président de la République. Pour prouver qu’une politique visant à sortir du pré carré postcolonial est réellement porteuse d’occasions, de vision nouvelle, et non de marginalisation, et trouve un écho réel. Alors que les concurrences économiques, politiques et d’influence s’exacerbent en Afrique, Paris ne peut rester à l’écart. Mais, en ce moment charnière, il reste à concrétiser le nouveau départ, le rebond de la politique française en Afrique.

Source: https://www.lemonde.fr/

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