Entretien exclusif avec M. Joël Meyer, ambassadeur de France au Mali ” Barkhane et l’armée malienne ont neutralisé de nombreux terroristes ” “Les forces de défense et de sécurité ainsi que les services publics maliens doivent être redéployés à Kidal “
La relation franco-malienne, notamment en ses aspects liés à la lutte contre le terrorisme et à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation signé le 20 juin 2015, fait l’objet, depuis un certain temps, de vives critiques voire d’attaques de la part d’un secteur de l’opinion nationale.
Elles suscitent un agacement compréhensible auprès des autorités françaises même si elles sont très loin d’affecter, de façon si minime soit-elle, la dynamique coopération entre les deux pays.
Laquelle, au-delà du sécuritaire, s’étend à d’autres domaines stratégiques notamment l’eau potable, la santé, l’éducation, la formation professionnelle, l’énergie, l’agriculture, la justice, les finances, la décentralisation à travers l’AFD (Agence française de Développement). Sans compter les actions conduites sur le plan humanitaire, en particulier au profit des populations éprouvées du Centre et celui de la coopération décentralisée.
C’est pour faire un état des lieux de ce partenariat, à tous égards bénéfique pour le Mali, que nous avons approché l’ambassadeur de France au Mali, S.E.M. Joël Meyer. Il s’est volontiers prêté à nos questions.
L’Indépendant : Vous étiez déjà ici en poste, à d’autres fonctions, il y a quinze ans : que ressentez-vous aujourd’hui ?
Joël Meyer : Je mentirais si je disais ne pas avoir ressenti une profonde tristesse en suivant l’actualité tragique de ce pays, les ravages du terrorisme, les déchirements internes et l’effondrement de l’Etat de droit en 2012, et aujourd’hui les conflits dans le Centre. Les populations ont connu le pire et j’ai avant tout une pensée pour toutes les victimes de ces violences, parmi les populations civiles, les forces maliennes et parmi les forces internationales venues assister le Mali.
Je peux comprendre l’impatience parfois de l’opinion malienne, alors que la présence de la communauté internationale est forte mais que le pays continue de vivre des drames. Mais il faut voir aussi le chemin parcouru. En 2013, les terroristes menaçaient jusqu’à la capitale et avaient imposé leur domination radicale et brutale sur la majeure partie du territoire. Le Mali tel que nous le connaissons était en péril. Ce sont bien les Famas, les forces de sécurité intérieure maliennes, et les forces internationales, africaines d’abord, puis françaises, et enfin la Minusma, qui sont parvenues à juguler l’essentiel de la menace terroriste. Grâce à cette action décisive, la situation est aujourd’hui bien différente. Au Nord, les groupes terroristes islamistes ont cessé d’imposer leur loi. Un accord de paix a été signé avec les ex-groupes rebelles, accord dont la mise en oeuvre avance mais qui reste encore à concrétiser sur le terrain, bien sûr.
Au Centre, nous avons tous été les témoins horrifiés des massacres des derniers mois. La communauté internationale est déterminée à accompagner les autorités maliennes dans leurs efforts pour surmonter les défis dans cette région, comme on l’a vu avec le renforcement programmé de l’action de la MINUSMA, sur décision du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les Maliens se posent la question de savoir comment Barkhane, avec tous ses moyens militaires et humains, n’arrive pas à mettre fin au terrorisme au Mali. Qu’en dites-vous?
Je me permets de corriger ce jugement. Une véritable intensification des efforts a été opérée et de nombreux terroristes ont été mis hors de combat dans des opérations menées par Barkhane, avec leurs frères d’armes maliens. En 2018, près de 200 terroristes ont été neutralisés sur les quatre pays d’intervention de Barkhane, 600 depuis 2015. Il ne faut pas oublier aussi la libération d’otages maliens, fonctionnaires, comme en février 2019 à Dialloubé.
Je rappellerai également les nombreux cadres terroristes qui ont été mis hors d’état de nuire, dont, en février dernier, Yahia Abou al-Hamman, membre d’AQMI, soi-disant émir de Tombouctou et numéro deux de cette nébuleuse terroriste du JNIM. L’ont été également des responsables de la katiba Al-Mansour Ag Alkassam, du groupe Ansarul Islam dans le Gourma, du groupe Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) à la frontière avec le Niger. Toutes des organisations criminelles et terroristes déterminées à renverser l’Etat malien et coupables de multiples exactions sanglantes contre les populations civiles.
Ce sont des succès, avec ceux des Famas, qu’il faut mettre en avant.
Il faut avoir conscience que nous ne sommes plus, comme en 2013 lors de l’intervention de Serval, dans un combat frontal, où il s’agissait de stopper les terroristes qui menaçaient Bamako et de reprendre le terrain qu’ils avaient conquis. Il s’agit aujourd’hui d’une guerre asymétrique. Les groupes extrémistes ont adopté une stratégie de dissimulation au sein de la population, ce qui les rend difficiles à localiser ou à frapper, car le souci constant est d’éviter absolument de toucher des victimes innocentes. Les terroristes se protègent derrière les civils et leur mode d’action privilégié est désormais la pose d’engins explosifs improvisés.
En outre, on doit se rendre compte que la zone d’opération de Barkhane est aussi vaste que l’Europe. Et Barkhane, ce sont 4500 hommes. Vous réalisez le défi ! La nature régionale des enjeux requiert par ailleurs une réponse régionale, car les forces internationales n’ont pas vocation à rester éternellement au Sahel. Les succès futurs dépendront de la montée en puissance des armées nationales des pays du Sahel. C’est dans cette logique de partenariat, d’accompagnement, et de formation sur le terrain des armées nationales et de la Force conjointe du G5 Sahel, qu’agit Barkhane. A cet égard, l’armée malienne montre l’exemple, comme on l’a vu lors de la récente opération Aconit à la frontière avec le Niger. Je salue le courage des soldats maliens.
L’armée malienne ne parvient toujours pas à faire son entrée à Kidal. Nombreux sont ceux qui accusent la France d’être à l’origine de cette situation. Qu’en est-il exactement?
La France a toujours soutenu que la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali n’étaient pas négociables et que, par conséquent, les forces de défense et de sécurité, ainsi que les services publics de l’Etat malien, devaient être redéployés à Kidal. Leur retour constitue un élément important dans la mise en oeuvre de l’accord d’Alger. Nous le rappelons à tous, et particulièrement aux mouvements signataires. Ce retour doit se faire dans la concertation et en suivant les étapes prévues par l’accord – le processus de DDR est en cours et nous pressons vivement les parties signataires à mettre en oeuvre le plus rapidement possible un calendrier de redéploiement de l’armée reconstituée.
Par ailleurs, il est reproché à la France d’orchestrer le blocage de la mise en oeuvre de l’accord pour la paix aux fins de faire main basse sur les ressources que recèle le sous-sol kidalois. Des vidéos ont même circulé sur les réseaux sociaux pour prouver cette allégation. Que répondez-vous à cela?
Je n’ai d’autre réponse que d’affirmer que c’est complètement faux. J’insiste : aucune société française n’est propriétaire de concession dans le secteur extractif et minier au Mali.
Votre pays est aussi accusé d’instrumentaliser le terrorisme afin de déstabiliser le Mali et de justifier une présence militaire permanente dans ce pays et la sous-région sahélienne. Qu’en est-il?
Il faut reprendre l’historique. Si la France est intervenue militairement au Mali – une intervention encadrée par un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies –, c’est parce qu’il y a eu la menace terroriste et qu’il y a eu une demande d’assistance des autorités maliennes. Les autorités françaises ont répondu immédiatement de manière favorable parce que le Mali est un pays ami, et aussi pour éviter la constitution d’un sanctuaire terroriste au Sahel, aux portes de l’Europe. Donc, s’il y a un intérêt propre à la France, il est aussi partagé par la communauté internationale présente pour aider à la stabilisation de ce pays et au recouvrement de la paix. Il en va de la sécurité de nous tous,de notre sécurité collective. Voilà la raison de la présence de soldats venus de quatre continents, en aide au Mali.
Je reviens sur la notion de « pays ami» qui peut paraître une formule habituelle de « diplomate ». Les Maliens vivant en France et les Français d’origine malienne sont des dizaines de milliers. Leur présence et leur contribution à la vie publique française sont importantes, visibles et appréciées. Le Mali est donc familier à tous les Français. C’est pour cela qu’il y a eu un véritable élan national pour appuyer les autorités maliennes dans leur combat contre le terrorisme. Si les participations de la France à d’autres coalitions internationales, ailleurs, ont pu faire parfois débat, l’intervention au Mali a spontanément reçu l’aval de toute la classe politique française et des Français.
Nous ne souhaitons pas rester indéfiniment au Mali et n’avons aucun intérêt à le faire, audelà du devoir accompli. Je rappelle que trente jeunes soldats français ont sacrifié leur vie
ici. Il y a une mission, entendue avec les autorités maliennes, de lutte contre les groupes terroristes. Cette mission s’accomplira aussi longtemps que nécessaire et souhaité par ces autorités. Sur cette présence de l’armée française, le Président de la République du Mali a d’ailleurs été clair dans son dernier entretien à Jeune Afrique.
La Force conjointe du G5 Sahel a été lancée sous l’égide de la France. Mais à ce jour, elle n’a toujours pas les moyens de sa politique. Comment assurer son opérationnalisation?
La Force conjointe du G5 Sahel est d’abord née de la volonté des pays de la région d’affronter ensemble la menace terroriste qui les guettait, en portant à un niveau inédit la coopération entre leurs forces de défense et de sécurité. La France, l’Union européenne et la communauté internationale ont naturellement appuyé cet effort. Nous appelons tous de nos voeux que cette Force conjointe accélère son opérationnalisation. Mais il s’agit d’une initiative encore récente, âgée de deux ans et demi seulement. Sa montée en puissance se poursuit et son équipement aussi. Ses opérations sont complémentaires à celles des autres contingents présents au Sahel, puisque la Force conjointe a pour mission initiale de sécuriser les espaces frontaliers des pays du G5.
La France assiste beaucoup l’armée malienne pour sa montée en puissance. Mais celle-ci n’arrive toujours pas à prendre son envol faute de moyens aériens notamment. Pourquoi l’embargo sur la livraison d’armes au Mali n’est-il pas pleinement levé depuis 2012 ?
L’embargo, décidé suite au coup d’Etat, a été rapidement levé en 2012 lorsqu’il y a eu accord sur la présidence intérimaire. Et je dois bien préciser – parce que j’ai pu lire certains articles de presse mal renseignés- que l’accord de défense avec la France n’entame en absolument rien la capacité de l’armée malienne à acquérir des armements, au contraire.
Mais précisément que prévoient les accords de défense avec la France ? Certains disent qu’ils spolient le Mali…
Il y a deux textes aujourd’hui en vigueur, outre le courrier adressé par le président de la République du Mali à son homologue français en janvier 2013, en faveur d’une intervention militaire immédiate. Le premier texte est un accord spécifique, qui a suivi le courrier précité, et qui précise le statut des détachements français dans le cadre de leurs missions au Mali (Serval puis Barkhane). Le second accord est l’actualisation, en 2014, du traité de coopération en matière de défense entre nos deux pays. Il énumère les domaines de coopération : la formation, l’entraînement conjoint, l’accueil d’élèves et de stagiaires maliens en France, la cession éventuelle de matériels… c’est un accord-type de coopération. Il n’est nullement question de mainmise économique ni d’interdictions faites à l’armée malienne… Il n’existe pas non plus de clause imposant un monopole français dans le domaine de la formation.
D’ailleurs, plusieurs autres pays ont des actions de formation avec le Mali. L’Union européenne également.
Pourquoi la France demande-elle au Conseil de Sécurité des Nations Unies la prise de sanctions contre des individus ?
Il faut rectifier. Ce n’est pas la France seule qui propose ou décide. Mais un comité ad hoc, institué notamment par la résolution 2374 en 2017, et qui est une émanation du Conseil de sécurité des Nations Unies avec ses quinze membres. Les décisions de ce comité sont unanimes. En substance, elles visent les responsables, et leurs complices, d’activités faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité au Mali. Elles ciblent notamment ceux qui font obstacle à la mise en oeuvre de l’Accord, en particulier en apportant une aide, même indirecte, aux terroristes. Egalement ceux qui commettent des violations des droits de l’Homme, comme la traite des êtres humains. Toute personne faisant dans ce sens obstruction à la paix s’expose à des sanctions qui peuvent prendre la forme d’une interdiction de voyager, ou de gel d’avoirs.
Pourquoi presser à la mise en oeuvre de l’accord d’Alger sur le Nord alors que l’urgence c’est le Centre ?
Ce n’est pas exclusif. Il faut mettre fin aux violences dans le Centre mais aussi installer durablement la paix et la stabilité dans le Nord. Sinon, on reste dans la précarité, dans la fragilité. Cela fait le jeu des terroristes encore présents mais aussi des criminels de tous genres. La paix au Nord a ses ennemis, on l’a vu avec les attaques contre la Minusma en début d’année. Il faut mettre à profit l’accompagnement sans précédent et les garanties de la communauté internationale auprès du Mali pour mettre résolument en oeuvre l’accord de paix et de réconciliation. C’est la seule solution viable, pour reprendre les termes du Secrétaire général des Nations unies.
Mais le Centre fait l’objet d’attentions de plus en plus décisives. Et je me réjouis que par son mandat unanimement renouvelé il y a quelques jours, la MINUSMA puisse renforcer son action dans cette région du pays pour la protection des civils et pour l’accompagnement du retour de l’Etat.
Il faut aussi prendre acte de la détermination du Premier ministre et du gouvernement, sous l’autorité du chef de l’Etat, pour mettre en place une stratégie globale de réponse aux multiples défis apparus dans le Centre, le terrorisme, les violences intercommunautaires mais aussi les tensions sociales et économiques, des défis bien sûr souvent liés les uns aux autres.
Et pourquoi la France ne fait-elle rien elle-même au Centre ?
Elle intervient. Sur le plan sécuritaire, il s’agit moins d’une question de géographie que de nature de la mission. Barkhane n’est pas mandatée pour s’interposer par exemple entre des milices et des populations civiles. Barkhane, c’est la lutte contre le terrorisme mais lorsque la force française frappe les katibas dans le Macina ou dans le Gourma, cela desserre aussi l’étau contre les populations civiles du Centre. La France mène par ailleurs des actions de formation, dispensées auprès des militaires ou forces de sécurité intérieure qui sont amenées à servir dans le Centre. Elle appuie l’action de la justice malienne, et plus particulièrement de son Pôle judiciaire spécialisé, pour renforcer les enquêtes ouvertes à la suite des massacres commis dans la région.
Sur le plan du développement, ce sont au Centre des projets d’appui aux investissements des collectivités territoriales. Près de 140 projets sont ainsi programmés dans les domaines de l’éducation, la santé, l’eau, l’agro-pastoral, la protection civile et en matière de développement économique ; il existe aussi un programme spécifique pour les cercles de Douentza, Koro, Bankass et Gourma-Rarhous. Mentionnons aussi le projet ACTIF qui permet de former et d’insérer 3 000 jeunes de la région de Mopti dans des filières professionnelles offrant des débouchés.
Enfin, une assistance humanitaire d’urgence a été apportée aux populations déplacées dans le Centre, à travers l’action de l’ONG Première Urgence internationale. Les bénéficiaires de cette aide médicale, de 210 millions de FCFA, sont principalement les victimes des conflits dans le cercle de Bankass.
Je rappelle par ailleurs que la France a débloqué 1,8 milliard de FCFA depuis décembre 2018 en réponse aux besoins alimentaires et nutritionnels des populations de la région de Mopti.
Les opérateurs sont l’UNICEF, le PAM et la FAO.
On a l’impression que, dans la relation bilatérale aujourd’hui, le sécuritaire occulte les impératifs de développement, non ?
Il serait très regrettable de réduire le partenariat franco-malien au seul domaine sécuritaire. Le Mali fait partie des 19 pays prioritaires de l’aide française au développement. L’Agence française de développement y conduit plus de 50 opérations pour un engagement total de plus de 500 millions d’euros ! Avec l’engagement du Président Macron de porter, de manière générale, l’aide publique au développement à 0,55 % du PIB français, les moyens de l’AFD au Mali vont quasiment doubler ces prochaines années : en 2019, ce sont ainsi près de 150 millions d’euros de financements dont près de 87 millions de subventions.
De concert avec les autorités maliennes, des secteurs prioritaires d’intervention ont été définis par l’AFD et le service de coopération de l’ambassade. L’objectif est de répondre aux besoins fondamentaux des populations (santé, éducation et formation professionnelle, eau, assainissement, énergie, agriculture), d’appuyer la gouvernance (justice, finances, décentralisation) et de renforcer les capacités de la société civile (appui aux associations engagées dans l’action citoyenne).
Parallèlement à l’aide bilatérale, ce sont aussi des contributions françaises significatives aux interventions multilatérales (43 millions d’euros ces quatre dernières années à l’action au Mali du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme), notamment européennes (136 millions d’euros alloués par la France au Fonds européen de développement sur la période 2014-2020). Sans compter la quarantaine de partenariats, anciens mais actifs, entre collectivités territoriales maliennes et françaises.
Tous ces projets couvrent l’ensemble territoire malien.
Pouvez-vous nous citer des réalisations concrètes ?
J’en retiendrai quatre, d’envergure:
– Le projet Kabala d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako, qui permet d’augmenter la disponibilité en eau potable pour environ 1 million d’habitants de l’agglomération bamakoise (en partenariat avec l’Union européenne).
– Le doublement de la ligne électrique à haute tension entre la centrale hydroélectrique de Manantali (Est du Mali) et Bamako, projet également réalisé en partenariat avec l’Union européenne ;
– L’éducation, secteur crucial pour l’avenir du pays, avec la construction ou la réhabilitation de cinq lycées à Tominian, Djenné, Barouéli, Gourma Rharous et Bouillagui Fadiga à Bamako,
– La santé, avec la facilité santé pour le Nord Mali ayant permis la remise à niveau de 100 centres de santé dans les régions de Gao et Tombouctou pour améliorer l’accès aux soins des femmes et des enfants.
Et le partenariat économique privé ?
Oui, la coopération, c’est aussi un accroissement des investissements privés et la création d’emplois. La France est le deuxième partenaire commercial mais le premier employeur privé : 125 sociétés à capitaux français ou filiales maliennes de sociétés françaises sont implantées au Mali et emploient directement ou indirectement plusieurs dizaines de milliers de salariés. Les taxes qu’elles payent représentent près de 20 pour cent des recettes fiscales de l’Etat malien ! Les domaines d’activités et d’investissements de ces entreprises sont très diversifiés : la logistique, la communication, les infrastructures, la banque, la distribution des carburants, l’énergie (notamment en partenariat public/privé), l’agriculture…
La visite officielle en février dernier du Premier ministre français a mis en valeur le rôle pivot des fédérations d’opérateurs économiques – CNPM/MEDEF – et le potentiel des partenariats publics/privés, notamment dans la production d’électricité par le solaire. Un club « PPP » a d’ailleurs été créé. Des secteurs innovants ont été identifiés pour la coopération – l’amorce par exemple d’une filière de coton biologique. Il a été décidé aussi d’adapter les formations aux nouveaux besoins des entreprises, avec la création annoncée d’une académie numérique.
Il faut parallèlement saluer l’apport de la diaspora franco-malienne, notamment des jeunes et encore plus des jeunes femmes qui sont des battantes.
Autre sujet : la France va-t-elle restituer au Mali les biens culturels subtilisés pendant la période coloniale ?
C’est une initiative du Président français d’en étudier très concrètement la possibilité pour tous les pays d’Afrique. Un rapport a recensé un certain nombre d’oeuvres. Nous en avons déjà discuté avec les autorités maliennes. Une circulation des oeuvres peut être envisagée, la restitution mais également des expositions, des échanges, des prêts…
Je voudrais m’arrêter un instant sur les échanges culturels. Dans un contexte marqué par les problématiques de sécurité, il est d’autant plus important de montrer que le Mali, c’est aussi une création artistique bouillonnante et de grande qualité. Les artistes maliens sont les meilleurs ambassadeurs du Mali à l’international. L’Institut français au Mali les soutient, les aide à s’exposer, à se produire, à se professionnaliser. La prochaine biennale de la photographie en décembre 2019 à Bamako, coréalisée par le Mali et la France, ou encore la Saison Africa 2020 des Cultures africaines en France, témoigneront brillamment de la vitalité de la création malienne.
Le dernier sommet de la CEDEAO a entériné l’accélération de la mise en oeuvre d’une monnaie unique ouest–africaine. Comment vivez-vous la perspective de la fin du franc CFA, que d’aucuns décrivent comme un vestige de l’époque coloniale et un facteur de spoliation ?
Les Etats membres de la zone franc exercent librement leur souveraineté monétaire à travers les instances de gouvernance des banques centrales régionales. La France n’y dispose pas de droit de veto, je le rappelle. Je pense que jusqu’à présent les Etats membres ont trouvé avantage à pouvoir bénéficier d’une stabilité économique des échanges et de la convertibilité du franc. Mais la France a toujours assuré qu’elle était ouverte à toute proposition d’évolution si les Etats membres de la zone le souhaitaient.
Maintenant, il faut prendre acte de la décision prise lors du sommet de la CEDEAO. Ce qui est important, c’est que la monnaie unique soit un facteur d’intégration économique régionale.
Quel est le sens aujourd’hui de la célébration, dans quelques jours, du 14 juillet au Mali ?
Chaque célébration de la fête nationale nous invite, nous Français, à une réflexion sur l’état des valeurs qui ont fondé notre propre République : tout système, même dans les pays où la démocratie semble la plus aboutie, est perfectible. On peut toujours consolider la justice sociale, renforcer l’égalité des chances, développer la mission citoyenne et civique de l’école.
Mais s’il est une de ces valeurs qui s’impose aujourd’hui, c’est la solidarité. La solidarité est certainement le maître mot de notre relation actuelle avec le Mali, une relation résolument tournée vers l’avenir.
Réalisé par la Rédaction
Source: l’Indépendant