Mali : Première session de la nouvelle Assemblée nationale sans Soumaïla Cissé : Une absence qui marquera l’institution de sa lourdeur.

Les députés élus à la nouvelle Assemblée nationale, à l’exception notoire du plus illustre d’entre eux, l’honorable Soumaïla Cissé, ont tous signé l’acte de présence. Ils sont convoqués du reste en session extraordinaire le 11 mai.

À l’exception d’une infime minorité, les députés de la nouvelle législature, dans leur écrasante majorité, ont été « élus » par des tricheries et des fraudes criardes qui déshonorent leurs mandats. Sans aucun doute, les cocardes et les écharpes, leurs signes distinctifs officiels seront infestés de poux et de punaises, mais leur cran dans le déshonneur les empêchera de se gratter en public.

Ce ne serait pas le cas de Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition capturé le 25 mars dernier par des groupes au ban de la République du Mali.

Quarante-cinq jours après, on ne sait toujours pas précisément en quelles mains il se trouve, même si une certaine communication en langue peulhe attribuée à un proche de Amadou Kouffa, le gourou de la Katiba Macina, a un temps retenu les attentions. Mais l’éventualité que le chef de file de l’opposition malienne ait été l’objet du rapt de ce groupe djihadiste n’a pas beaucoup prospéré. L’opinion nationale croit beaucoup plus à une élimination programmée par le pouvoir en place, qui aurait pactisé avec les ravisseurs de l’honorable député alors en campagne. Quatre jours après son kidnapping musclé (son garde du corps a perdu la vie lors de l’opération, d’autres membres de sa délégation ont subi des blessures et lui-même aurait été blessé à la main), il sera tôt de même élu dès le premier tour des élections législatives, preuve qu’il n’est pas n’importe qui.

Sa haute stature, doublée de son expérience au service du peuple, fera que son absence à cette session sera fortement ressentie. Il y a de quoi. Un pays ne peut se consoler alors que le chef de file l’opposition parlementaire se trouve être prisonnier sans que l’on sache entre les griffes de qui. Aucune minute de compassion à l’entame des travaux de la nouvelle législature ce lundi ne saurait évacuer le stress. L’atmosphère sera lourde.

D’autant que le Malien lambda ne comprend plus, et ne peut admettre non plus que les groupes djihadistes traqués par l’armée nationale malienne et les forces étrangères au Mali Barkhane, G5 Sahel…), puissent se mouvoir librement comme un poisson dans l’eau, sur un territoire aussi surveillé. De surcroît, avant l’enlèvement de Soumaïla Cissé, de façon très officielle, mais discrète, des négociations avaient été engagées avec Amadou Kouffa pour une trêve, par l’intermédiaire de Me Hassan Barry et le colonel Malamine Konaré. Ce qui atteste que les autorités maliennes, ne serait-ce que par le biais de la Sécurité d’État, savent parfaitement où gît le groupe de la Katiba Macina. D’autre part, le commando qui a procédé à l’arrestation du chef de file de l’opposition, avait d’évidence des informations précises sur son itinéraire, informations provenant de sources au parfum de tout, en tout cas pas des proches de Soumaïla. Il y a comme un air de connivence, oui, qui turlupine plus d’un.

Tout compte fait, malgré quelques montages aux fins de communication de masse, on ne sait toujours rien de l’état de Soumaïla Cissé. Au point que sa soeur cadette, avec une sensibilité tout à fait fraternelle dont on sent à mille lieux le poids de l’émotion, a dû s’adresser directement à IBK, le suppliant de tout mettre en oeuvre pour obtenir la libération de son frère. S’exprimant à la suite de sa tante, Bocar, le fils de Soumi, révèle sur BBC : « Nous ne savons pas qui a enlevé Soumaila Cissé. Nous n’avons pas pu communiquer avec lui. Nous n’avons aucune preuve de vie. On a été à plusieurs fois rassurées par le gouvernement du Mali, par la MINUSMA. Mais au-delà, nous n’avons pas d’informations sur des négociations.» Toutes proportions gardées, les citoyens développent des suspicions parce qu’ils sont tout simplement inquiets. Retrouvera-t-on jamais Soumaïla Cissé? En vie? La convocation de la nouvelle Assemblée nationale en session extraordinaire attise les angoisses. Soumaïla Cissé est le grand absent au sort incertain. Mille prières qu’il retrouve vite la liberté et les siens.

Kader B. Maïga

SourceLe Combat

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