Tchad: la polémique enfle après la mort de membres présumés de Boko Haram en prison
La semaine dernière, 44 membres présumés de Boko Haram, arrêtés au cours des opérations militaires qui ont eu lieu fin mars dans la région du lac Tchad, ont été retrouvés morts dans leur cellule. Après les réserves de la société civile, la Commission nationale des droits de l’homme a décidé d’ouvrir une enquête.
Avec notre correspondant à Ndjamena, Madjiasra Nako
Selon les conclusions du rapport d’autopsie du médecin légiste commis par le procureur, que RFI a pu consulter, la mort collective des détenus est due à une consommation d’une substance létale ayant produit un trouble du rythme cardiaque. Les conclusions font aussi mention d’autres complications qui pourraient faire l’objet d’une enquête et d’analyses appropriées.
Des analyses pour expliquer ce qui s’est vraiment passé, c’est ce que revendique depuis quelques jours la société civile. Du coup, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a décidé d’ouvrir une enquête.
« Rien ne prouve le suicide collectif ou l’assassinat »
« Quarante-quatre personnes dans une prison, c’est inquiétant. Ce n’est parce que ces gens sont des terroristes qu’on les tue. Si l’armée tchadienne avait voulu les tuer, elle les aurait tués en brousse. Nous sommes dans un État de droit. Il n’y a rien qui prouve aujourd’hui qu’il y a eu suicide collectif ou assassinats… Je répondrai à cette question lorsque nos enquêtes prendront fin », estime Djidda Oumar Mahamat, le président de la CNDH.
Sans remettre en cause les premières conclusions du médecin légiste, l’organe du gouvernement en charge de la protection des droits de l’homme cherche à établir les responsabilités. Selon certaines sources, les conditions de détentions des prisonniers seront pointées dans le rapport à venir.
La thèse du suicide ne convainc pas
On sait que de tradition les membres de Boko Haram ne se suicident pas parce que, eux sont partisans d’un islam beaucoup plus rigoriste que celui qui est pratiqué dans cette zone du lac Tchad. Le seul cas de suicide qu’on connait chez Boko Haram, c’est les opérations kamikazes. L’idéologie de Boko Haram dit à ceux qui partagent les opérations kamikazes qu’ils vont aller au paradis. Deuxième élément, puisque les gens sont décédés dans la prison au Tchad ont été arrêtés sur le terrain, puis transférés à Ndjamena, on ne voit pas dans quelles conditions ils auraient pu accéder à des médicaments alors qu’ils étaient sous bonne garde. Par ailleurs, il y a beaucoup de prisonniers de Boko Haram au Niger, au Tchad, au Cameroun et même au Nigeria, et on n’a pas documenté de cas où ils se seraient donnés la mort. Troisième élément, pour l’instant à notre connaissance, ce ne sont pas vraiment des gens qui sont dans la haute hiérarchie du mouvement, qui ont des secrets à cacher et qui pourraient préférer mourir avec le secret plutôt que de se laisser capturer.
Seidik Abba, spécialiste de la région du lac Tchad