Vaccin contre le Covid: l’annonce de Pfizer suscite l’espoir mais la prudence est de mise

Pfizer a annoncé lundi que son candidat vaccin était efficace « à 90% » contre le Covid-19. Une annonce qui suscite beaucoup d’espoir à travers le monde, mais qu’il faut prendre avec prudence. Il ne s’agit encore que des résultats d’analyses préliminaires et beaucoup de questions sont sans réponses.

Ce candidat vaccin de Pfizer est l’un des 11 en cours d’essai clinique de phase 3 – la dernière – pour évaluer l’efficacité du produit sur des dizaines de milliers de personnes. Ils sont 44 000, répartis en deux groupes : l’un reçoit le candidat vaccin, l’autre un placebo. Les volontaires rentrent ensuite chez eux.. et on compare le taux de contamination entre les deux groupes. Ce qui a été annoncé… ce sont les données de 94 participants tombés malades en vérifiant qui parmi eux a reçu le placebo et qui a reçu le vaccin Pfizer a pu annoncer qu’une personne vaccinée a 90 % de risque en moins d’attraper la maladie.

il reste cependant des questions : l’échantillon est petit et surtout cette analyse a été réalisée 28 jours après l’administration du vaccin. L’efficacité sera t-elle la même des mois plus tard ? On ne le sait pas encore, ni si cela marche aussi bien avec toutes les personnes vaccinées, qu’elles soient jeunes, âgées, bien portantes ou souffrant de comorbidités. Là encore, il faudra attendre.

Les prochaines étapes

il y aura une nouvelle analyse quand 164 participants auront attrapé le Covid-19 pour voir une nouvelle fois comment ils se répartissent dans les deux groupes. En cas de succès, Pfizer demandera une homologation. Processus qui peut durer des semaines. Si tout se passe bien, le laboratoire veut distribuer 100 millions de doses d’ici la fin de l’année réservées prioritairement au personnel soignant. Il faut encore savoir que ce vaccin nécessite deux doses et que sa distribution sera compliquée à mettre en oeuvre partout car il doit être conservé à moins 80 degrés.

Une vague d’espoir

Mais l’annonce a immédiatement provoqué une vague d’espoir et un bond des Bourses mondiales, dix mois seulement après le séquençage du coronavirus, une prouesse scientifique.

Surtout qu’un autre vaccin expérimental, développé par la société américaine Moderna et dont on attend les résultats dans les prochaines semaines, utilise la même technologie nouvelle, à base d’ARN messager. Et le monde attend aussi les résultats d’un autre vaccin très avancé, développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford.

« C’est une bonne nouvelle », se félicite Stéphane Paul, membre du comité vaccin Covid-19 des ministères de la Santé et de la Recherche, interrogé par Olivier Chermann, du pôle France de RFI. Il appelle néanmoins à la prudence. « La limitation de tout ça, c’est que les résultats et l’analyse qui a été faite, c’est après deux mois. C’est-à-dire qu’aujourd’hui la seule chose qu’on peut dire c’est que ce vaccin protège pendant deux mois 90 % des gens qui l’ont reçu. » Dès lors, une question se pose, estime Stéphane Paul : « quelle est la sécurité de ce type de vaccin sur le long terme ? Et ça, il n’y a que le suivi des patients qui va nous permettre de le savoir. »

Le défi de la production

Pour les Américains, qui ont précommandé 100 millions de doses, cela signifie que les premières vaccinations pourraient commencer avant la fin de l’année, à condition que l’innocuité soit confirmée, d’ici la semaine prochaine. Pfizer a alors prévu de déposer une demande d’autorisation à l’Agence américaine des médicaments (FDA), qui devra trancher si le vaccin est sûr et efficace.

Dans l’Union européenne, qui a préacheté 200 millions de doses et négocie pour 100 millions d’autres, le vaccin pourrait être disponible « début 2021 », selon une source européenne. D’autres pays – Japon, Canada, Royaume-Uni – ont également passé commande auprès de Pfizer, et la demande initiale est assurée de dépasser l’offre, Pfizer prévoyant de pouvoir fabriquer 50 millions de doses en 2020 et 1,3 milliard pour 2021.

Un accès inégal au vaccin ?

Les ONG s’inquiètent depuis des mois de la monopolisation des doses par les pays riches, ainsi que du prix auquel Pfizer vendra le vaccin. « Le vaccin sera efficace à 0 % pour les personnes qui n’ont pas les moyens d’y accéder ou de se le permettre », a réagi Robin Guittard, porte-parole d’Oxfam France.

« Nous faisons face à un hiver très sombre »

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a jugé l’annonce « encourageante ».

Le président américain Donald Trump a salué une « excellente nouvelle » mais accuse sur twitter l’agence américaine du médicament d’avoir retardé l’annonce de ce résultat pour qu’il intervienne après l’élection présidentielle américaine.L’homme qui le remplacera à la Maison Blanche le 20 janvier, Joe Biden, a évoqué un signe d’ « espoir », tout en prévenant que la « bataille » était encore loin d’être gagnée. « Ce vaccin, même s’il est approuvé, ne sera pas largement disponible avant plusieurs mois. Les défis qui nous attendent sont toujours immenses et croissants. Nous faisons toujours face à un hiver très sombre. Les projections indiquent toujours que nous pourrions perdre 200 000 vies supplémentaires dans les mois qui viennent, avant qu’un vaccin soit largement distribué. Donc nous ne pouvons pas sous-estimer le travail important qui reste à faire d’ici là pour que notre pays traverse la pire vague de la pandémie à laquelle il fait face. » En attendant, il a imploré les Américains de porter le masque « l’arme la plus puissante contre le virus » et qui n’est « pas une posture politique ».

Γ♦ Pfizer, un mastodonte des laboratoires pharmaceutiques

Pfizer est connu dans le monde entier pour le Viagra. La pilule bleue, en forme de losange, vendue à des milliards d’exemplaires aux hommes souffrant de troubles de l’érection. Commercialisé depuis 1998, le Viagra a été le produit phare du laboratoire américain. Jusqu’à ce qu’il perde son brevet et l’exclusivité de sa production.

Pfizer est aussi aujourd’hui le fabricant du médicament contre l’anxiété Xanax. De l’anti-cholestérol Lipitor, de l’anti-inflammatoire Celebrex. Bref, le numéro 2 mondial de l’industrie pharmaceutique a les reins solides.

Même s’il est distancé, ces dernières années, par ses concurrents Merck et Johnson et Johnson. Ils investissent davantage dans la recherche et le développement de nouveaux traitements.

Comme d’autres géants du secteur, AstraZeneca ou Sinopharm, Pfizer s’est lancé dans la course aux vaccins. Et a investi 2 milliards de dollars. Il annonce devancer ses concurrents.

L’administration Trump a donné plus de 6 milliards de dollars aux laboratoires américains, pour développer le vaccin contre le Covid. En espérant secrètement qu’il soit accessible au grand public avant l’élection du 3 novembre. Coïncidence ou non, les résultats concluants de Pfizer sont communiqués juste après l’annonce de la défaite du président.

Source: RFI

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