Un Nigérien écrit à Bazoum : « Monsieur le Président, (…) vous êtes dans l’erreur, vous n’avez ni la détermination d’un Ibrahim Traoré, ni l’opiniâtreté d’un Assimi Goïta »
Monsieur le Président, pour la sécurité du Niger, qu’il vous plaise d’entendre la vérité : Vous êtes dans l’erreur, car vous n’avez ni la détermination d’un Ibrahim Traoré, ni l’opiniâtreté d’un Assimi Goïta. On ne règle pas un problème avec celui qui l’a créé.
Je ne vous le cache pas, j’ai le cœur chargé d’amertume en constatant qu’entre ce que vous dites et ce que vous faites ou laissez faire, il y a tout un fossé, que dis-je, un vide total.
Depuis novembre 2021, vous avez informé le peuple nigérien que vous avez commandé de la Turquie des drones, des avions de combat, des véhicules blindés, des hélicoptères pour renforcer les moyens de guerre de l’armée nigérienne. En mars 2022, précisément du 9 au 13mars, vous vous étiez personnellement rendu en Turquie où vous avez consacré l’essentiel de votre agenda à visiter les firmes d’armement. Vous vous étiez notamment rendu à Tusas, un fabricant d’avions et d’hélicoptères de combat, à Nurol, fabriquant de véhicules blindés, à Roketsan, producteur de missiles guidés par laser et infrarouge.
Récemment encore, lors de la présentation des voeux de janvier 2023, vous avez à nouveau déclaré que 2023 sera l’année du tournant décisif dans la guerre contre le terrorisme avec l’acquisition de ces équipements commandés en Turquie. Or, cela fait 14 mois d’attente interminable. J’avoue que je suis perplexe face à ceux qui m’interpellent sur ce délai curieusement prolongé dans une situation d’urgence vitale pour le Niger où chaque heure compte. Je suis d’autant plus perplexe que j’ai découvert, ahuri, que la Turquie vient de livrer, précisément le 26 avril passé, un lot de drones, notamment des Beyraktar TB2 aux forces armées burkinabé.
Je dois vous souligner que le matériel militaire d’origine turque acquis par le Burkina Faso est évalué à 252 milliards de francs CFA et ce n’est que le 14 avril dernier que le parlement burkinabè a adopté la loi portant autorisation de ratification de la garantie souveraine au profit de International Business Bank du Burkina Faso en contrepartie de sa garantie bancaire dans le cadre du contrat d’acquisition de matériel de défense et de sécurité entre le gouvernement burkinabè et la société turque Baykar Makina Sanayi ve Ticaret A.S. Vous vous rendez compte, à peine 12 jours ont suffi au Burkina Faso pour clôturer les formalités d’achat et acquérir le matériel attendu. 12 jours ! Et vous, vous avez mis plus d’un an à tenir des discours sur la question. À croire, comme l’a dit un ami, que vous menez vos compatriotes en bateau.
Monsieur le “Président”
Comment pouvez-vous expliquer à vos compatriotes ce décalage entre la formidable contraction de délai du Burkina Faso et cette éternité qui caractérise ces commandes nigériennes auxquelles, je suis désolé de le dire, je commence à ne plus croire. Votre Premier ministre, qui s’est récemment livré à un exercice de propagande sur la situation financière et économique du Niger à Paris (France) dans le cadre du forum Afrique des investisseurs a fait savoir que le Niger présente une croissance de 11,5%. À quoi ça sert, sinon qu’à enrichir la corruption et à développer une économie criminelle ?
Qu’est-ce qui s’est passé dans le cas du Niger pour que les mêmes constructeurs militaires turcs livrent le Burkina Faso en moins d’un mois et que le Niger attende cette éternité sans être livré ? Je sais que vous ne saurez donner la réponse véritable ; une réponse que je crains être celle que je redoute. Est-ce vrai que c’est la France qui vous a ordonné d’abandonner ? Chef suprême des armées, je ne crois pas vous puissiez ainsi obtempérer à une sommation de la France ou de quelque pays que ce soit en mettant le Niger dans une situation de faiblesse militaire ? Je n’ose pas y croire car si tel est le cas, le Niger est du plomb dans l’aile. Je n’ose pas y croire même si nous comptons dans nos rangs un général comme Mohamed Abdou Tarka que la France doit décorer pour services rendus à la nation française. Son discours du 24 avril 2023, journée commémorative de la fête de la concorde au Niger, est un torchon propre à mettre le feu aux poudres. Le général Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des armées françaises n’aurait pas un meilleur discours pour dénigrer le Burkina Faso et le Mali.
Monsieur le “Président”
Dans un pays gouverné avec justice et patriotisme, le général Abou Tarka mérite la radiation dans le meilleur des cas possibles. Dans bien des cas, là où les gouvernants sont attachés à la quiétude sociale, à la paix et à tout ce qui est susceptible de garantir la sécurité de leurs compatriotes, Abou Tarka est bon pour la prison. On l’enverrait méditer pour de très longues derrière les barreaux afin que son exemple serve de leçon à d’autres étourdis du genre. Je le sais, Abou Tarka n’est pas un étourdi. Il a beau être un officier qui a acquis ses galons avec beaucoup de facilités là où d’autres officiers plus valeureux sont carrément bloqués dans leur carrière, il sait parfaitement à quoi il joue. Si les Nigériens ont vu dans son propos du 24 avril une menace à la paix entre le Niger et ses deux voisins, il n’en ignore rien. Il a agi à dessein pour une cause que les Nigériens soupçonnent aisément.
Comment pouvez-vous cautionner qu’un général d’armée parle ainsi au nom du Niger ? Si vous ne le sanctionnez pas aussi sévèrement que l’exige la faute commise, vous revendiquez implicitement être le commanditaire et/ou bénéficiaire de ce discours irresponsable, provocateur et potentiellement dangereux pour le Niger. Souvenez-vous, pour moins que ça, votre régime n’a pas hésité à faire radier le général Mahamadou Mounkaïla dit Limbo des effectifs de l’armée nigérienne en avril 2019. Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » ?
Monsieur le “Président”
Vous ne pouvez assurément pas gagner la bataille contre la corruption, encore moins celle contre l’insécurité et de la guerre contre le terrorisme. Vous n’avez ni la détermination d’un Ibrahim Traoré, ni l’opiniâtreté d’un Assimi Goïta. Vous êtes à mille lieues de la solution qu’il faut pour le Niger et vous devez admettre que vous êtes dans l’erreur. On ne règle pas un problème avec celui qui l’a créé.
Mallami Boucar
Source : nigerdiaspora.net