Réconciliation et réparations de torts en milieu touareg : Un mécanisme inspirant

Vivre en communauté ne va pas sans frictions, sans heurts. L’ampleur des crises intracommunautaires est fonction des mécanismes propres aux communautés à adresser ces crises et à mettre en place des mécanismes de réparation. Chez les Touaregs, le mécanisme est inspirant.

La communauté touarègue dispose en son sein d’une panoplie de pistes de solutions ou de mécanismes pour résoudre des problèmes intercommunautaires et ou intracommunautaires au Mali.

La communauté touarègue est restée très conservatrice. Vu de l’extérieur, elle est unie et homogène. Mais à l’interne, il existe une multitude de confédérations, de tribus, de fractions bien hiérarchisées et structurées.

Selon Alhousseyni Ag Aratan, descendant d’une lignée de notables de l’Adrar des Ifoghas dans la zone de Gao, “il y a des tribus dites vassales dont le rôle est de travailler pour les autres groupements, avec comme activité principale : l’élevage. Les tribus nobles, principalement des guerriers, ont pour fonction de protéger les autres tribus vassales ; chacune possède une clientèle d’Imghad qui lui verse un tribut. On peut citer dans ce lot, les forgerons et les griots”.

Les médiateurs

A côté, il y a les nobles appelés les chérifiens chez d’autres, les Ineslemen, qui sont des tribus maraboutiques (Ndlr : au singulier ineslem signifie musulman) comptant des lettrés en langue arabe, instruits en religion islamique. Cette stratification n’est pas liée à la couleur de la peau, car aussi bien les nobles que les castés se rencontrent chez les communautés de peau noire et blanche et chacune de ces communautés joue un rôle, précise Alhousseyni Ag Aratan.

Par exemple, chez les Kel Essouk dans la ville de Djebock, une localité située à une centaine de kilomètres au nord-est de Gao dans la Commune de Ouatagouna, préfecture d’Ansongo, lorsque les conflits interviennent, les autorités traditionnelles sont reconnues et respectées. Il leur incombe de les résoudre, nous explique notre interlocuteur Alhousseyni Ag Aratan.

Et de poursuivre : “L’on a les tribus maraboutiques qui sont connues pour la gestion des conflits. Avec l’islam, il y a l’arrivée des khalifes, des marabouts qui sont habilités à régler les conflits intracommunautaires et intercommunautaires. Il faut savoir que ces conflits peuvent être juste des oppositions d’idées, d’intérêt, de personnes (…).

Nos interlocuteurs sont unanimes sur le fait que la communauté touarègue voue un grand respect aux autorités coutumières. C’est sans doute la raison pour laquelle ces dernières échouent difficilement dans la résolution de litiges.

 

Litiges et réconciliation

Les conflits ne viennent pas au hasard. Très généralement, les animaux sont à la base des conflits et il est important pour chacun ou chaque communauté de pouvoir se défendre, explique Mohamed Ag Ousmane, éleveur à Gossi (Ndlr : localité située dans le cercle de Gourma-Rharous et la région de Tombouctou, à 160 km au sud-ouest de Gao), qui a vécu le processus de résolution d’un conflit entre éleveurs il y a plusieurs années.

“Lorsque que j’étais petit, je me suis intéressé à un conflit entre deux éleveurs qui a fini par des affrontements. Un jeune et un vieillard. Les premiers intervenants pour calmer le jeu étaient les hommes de caste. Ensuite, c’est arrivé auprès des légitimités traditionnelles qui à leur tour ont mis en œuvre tous les mécanismes possibles pour les réconcilier. Aucun résultat ! Comme ils étaient de la même tribu, ils ont été interpellés par leur chef de tribu qui, pour mettre fin au conflit, a dû sanctionner le jeune qui avait tort. Ils ont invité tout le monde à la demeure du jeune et ont abattu tout le bétail et préparé ; puis sont rentrés chez eux sans manger”, confie-il.

A Tarkint, une Commune du Mali, située à 70 km au nord-est de Bourem et à 123 km de Gao, Almoustapha Ibrahim, homme de caste pense que “tant que les gens vivent en communauté, il y a chaque fois des malentendus, des torts qui sont causés, des conflits qui interviennent et il y a des mécanismes de réconciliation. En général dans la communauté touarègue dès qu’il y a du tort, ce sont les marabouts qui sont des chefs religieux, des patriarches qui sont reconnus à cet effet dans le cadre de la réconciliation de certains litiges. Quand l’on va vers eux automatiquement, ils interpellent les différentes parties concernées. Généralement, leur décision n’est pas contestée. Donc les concernés comprennent et se réconcilient entre eux”.

Almoustapha Ibrahim ajoute qu’en dehors des religieux, il y a les légitimités traditionnelles et les chefs de fraction qui interviennent aussi souvent dans la résolution des conflits ou dans les règlements de certaines situations en plus des notabilités appelées personnes sages ou ressources.

En milieu touareg, la réconciliation n’est pas l’affaire d’une seule personne ou d’une seule tribu. Des chefs religieux aux chefs de fraction, jusqu’aux légitimités traditionnelles et personnes de bonne volonté, tous ont un rôle à jouer dans l’apaisement des contentieux et conflits pour le maintien de la paix et de la cohésion au sein des différentes communautés touarègues au Mali.

 

Aminata Agaly Yattara

Reportage réalisé dans le cadre de la collaboration réseau SKBo Deutsche Welle Akademie avec le financement de la coopération allemande BMZ”

SourceMali Tribune

 

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