Processus électoral : Jamais sans l’implication de la société civile

Au Mali, une place de choix est accordée aux organisations de la société civile (OSC) qui sont consultées sur toutes les questions d’intérêt national. Certaines d’entre elles ont développé une expertise avérée dans l’observation des élections générales et accompagnent toujours le processus électoral pour plus de transparence et de crédibilité. Ce, depuis l’avènement de la démocratie dans notre pays. Le projet de Constitution, dans son article 40, rappelle le rôle important des OSC et surtout leur mission de veille citoyenne dans le cadre de la démocratie.

 

«Les OSC exercent, dans le cadre de la démocratie participative, une mission de veille citoyenne dans les conditions déterminées par la loi», indique l’article concerné du projet de Constitution.

 

Le président de la Mission d’observation des élections au Mali (Modele-Mali), Dr Ibrahima Sangho, salue cette avancée dans le projet de Constitution qui reconnaît le travail de la société civile. Pour lui, cela donne le droit à la société civile désormais de prétendre à des financements et à beaucoup d’autres choses.

 

Le vice-doyen de la Faculté des sciences administratives et politiques (FSAP), Dr Abdoul Sogodogo, témoigne également qu’il y a des OSC qui ont reconnu que certaines de leurs observations ont été prises en compte dans la dernière loi électorale et dans le projet de Constitution. L’enseignant-chercheur soutient que cela veut dire que leur travail est reconnu par les autorités de la Transition.Dans le processus électoral, la société civile a trois principaux rôles, notamment la veille, l’alerte et le monitoring. Le spécialiste de la Mission d’observation électorale précise que le rôle des OSC est de rappeler aux autorités de la Transition leur engagement à respecter. Il s’agit aussi de veiller sur les missions de la Transition, voir si elles sont en train d’évoluer ou pas. «Si on sent que ce n’est pas suivi, ont fait l’alerte et des recommandations.

 

Le monitoring, c’est un peu pour suivre», explique le chef de la Modele-Mali. Et l’universitaire Sogodogo de renchérir que la mission des OSC peut être vue de deux façons. Pour lui, il s’agit d’observer l’ensemble du processus électoral pour faire des recommandations aux autorités en vue de son amélioration.

 

LÉGITIMITÉ- Le référendum pour la nouvelle Constitution est prévu pour le 18 juin prochain. Le constat est que le taux de participation aux élections a toujours été faible au Mali. En réponse, le vice-doyen de la FSAP évoque l’apport de la société civile qui pourrait inverser cette tendance. Pour lui, la société civile peut effectivement jouer ce rôle de sensibilisation et même d’une certaine façon de mobilisation pour le vote.

 

«Les organisations de la société civile peuvent expliquer le contenu du projet de Constitution aux populations pour qu’elles puissent, en toute conscience, dire oui ou non au projet de nouvelle Constitution», estime le chercheur.

 

Aujourd’hui, ce dont les gens ont besoin, suggère Dr Ibrahima Sangho, c’est de passer par les radios de proximité, les communicateurs traditionnels, les OSC pour vulgariser le projet de Constitution. Aussi faire des fora, des conférences publiques, du porte-à-porte pour expliquer ce qui est attendu par rapport au référendum du 18 juin prochain. Pour le premier responsable de la Modele-Mali, si les gens sont assez informés, sensibilisés et mobilisés, ils vont voter au maximum et on aura un fort taux de participation. «Le fort taux de participation est important parce que cela donne de la légitimité au projet de Constitution», fait-il remarquer.Dr Sangho estime que si le projet de Constitution est voté avec un taux de moins de 50%, cela voudrait dire que la majorité des Maliens ne sont pas d’accord. «Mais si ce projet de Constitution bénéficie d’un taux fort à hauteur de 70% à 80%, on peut dire que c’est la majorité des Maliens qui a voulu ce projet de Constitution», souligne-t-il, ajoutant que si les 70% des électeurs, qui sont plus de 8 millions, disent qu’ils sont d’accord avec ce projet de nouvelle Loi fondamentale, cela donne une forte légitimité à ce texte. Pour ce faire, le spécialiste suggère qu’il faut beaucoup d’informations, de communication, de sensibilisation et de mobilisation pour que les populations puissent sortir pour aller voter.

 

Dr Ibrahima Sangho regrette que les OSC qui font ce travail en général n’aient pas les moyens. Le gouvernement ne finance pas leurs activités, déplore-t-il. Ce sont les partenaires techniques et financiers (PTF) qui les financent, soit directement soit à travers des intermédiaires. Il rappele qu’en 2013, il y a eu un financement satisfaisant des OSC qui ont travaillé sur le terrain et ont pu mener des activités de sensibilisation, d’éducation civique et de mobilisation des citoyens.

 

«C’est la seule fois où, les élections ont pu atteindre le fort taux de participation de 49% au premier tour de la présidentielle. De 1992 à nos jours, les taux n’ont jamais atteint 50%», a souligne le président de la Modele-Mali. Pour lui, quand il y a élection, beaucoup d’acteurs doivent être impliqués, y compris la solidarité internationale.

 

D’après Dr Sangho, il faut faire parler la solidarité internationale pour que les PTF continuent à financer massivement les OSC de manière directe et pérenne sur le cycle électoral. Cela, afin qu’elles puissent entretenir les Maliens sur le processus électoral. «Ce n’est pas seulement quand il y a référendum qu’on doit parler de cela. C’est un cycle électoral. Il y a des choses à faire avant, pendant et après», détaille-t-il, insistant sur le fait que tous ces cycles doivent être occupés avec des ressources financières adéquates.

 

À ce propos, l’enseignant-chercheur déplore le fait que certaines OSC se laissent instrumentaliser par des acteurs qui peuvent être parfois des partis politiques ou même externes, parce qu’elles sont financées par des entités extérieures, qui peuvent avoir d’autres regards qui ont du mal à coïncider avec les réalités de chez nous. Pour Dr Abdoul Sogodogo, dans ces conditions, la mission d’observation est difficilement compréhensible par les populations.FORMATIONS NÉCESSAIRES- Pour arriver à des réformes politiques profondes, la relecture de la Constitution était nécessaire. Une des réformes phares contenues dans la nouvelle loi électorale est la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) avec comme missions, l’organisation et la gestion de toutes les opérations référendaires et électorales. Rappelant la loi électorale qui a été modifiée en juin 2022, le chef de la Modele-Mali se réjouit de la création de l’Aige. Selon lui, désormais au Mali, ce n’est pas le gouvernement qui va organiser les élections, mais plutôt l’Aige qui sera aidée dans cette mission par les autorités.

 

«Cela fait partie des réformes qu’on a toujours voulues dans le processus électoral depuis 1997 jusqu’à nos jours», fait remarquer Dr Ibrahima Sangho.

 

La réussite du référendum et des élections générales appelle sans nul doute à relever d’énormes défis. À ce niveau, Dr Abdoul Sogodogo livre des recettes pour que les organisations de la société civile puissent mener à bien leur mission.

 

Pour notre interlocuteur, il faudrait que les agents qui partent collecter les données, qui observent les différentes phases de l’élection (préélectorale, électorale et du contentieux), soient suffisamment outillés avec les formations nécessaires. Selon lui, cela demande un nombre de personnes assez important. Il estime que c’est le point faible de beaucoup d’organisations, faute de moyens.

 

Pour le vice-doyen de la FSAP, parfois ces OSC ont du mal à mobiliser suffisamment de personnel. D’après lui, il faudrait être en contact étroit avec l’ensemble des acteurs, notamment les différents organes de l’état qui sont dans l’organisation des élections que ce soit l’Aige, le ministère en charge des élections, les partis politiques et les candidats.

 

Dr Sogodogo explique que généralement, les OSC optent pour une approche qualitative de l’observation des élections. Ainsi, elles ciblent quelques zones où elles ont des personnes assez outillées qui peuvent leur rendre compte de ce qu’elles ont bien pu observer dans les bureaux de vote. Toutefois, il précise que nullement, leur rôle n’est de produire des résultats complets pour pouvoir les comparer à ce qui est fait par les autorités à travers le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

 

Souleymane SIDIBE

L’Essor

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