Portrait. IBK : un destin hors du commun

Accusé, au milieu des années 90, par une certaine presse, de n’avoir pas de diplôme, Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK est, pourtant, l’un des plus beaux fleurons de l’intelligentsia malienne, voire africaine.  Retour sur le parcours atypique d’un homme politique…atypique.

Avec sa taille moyenne, sa forte corpulence, sa joie de vivre et ses éclats de rire qu’on peut entendre à des dizaines de mètres, Ibrahim Boubacar Keïta, alias « IBK », ressemble – trait pour trait –  à son grand-père maternel, Tiémoko Traoré, plus connu sous le nom de « Tiémoko Bélébélé », entendez « Tiémoko le colosse ». Ou « Tiémoko Néguédiourou », à cause de sa fonction de télégraphiste.
Né à Koutiala, un certain 29 janvier 1945, il est considéré comme l’un des plus beaux fleurons de l’intelligentsia malienne. Comme en témoigne son parcours, pour le moins, impressionnant. Son père, Boubacar Keïta, était un célèbre économiste. Mais le jeune « Ibrim », lui, opte pour des études de Lettres, d’histoire et de sciences politiques.

Major de sa promotion au concours général de l’AOF et de l’AEF

C’est sur les conseils d’un pédagogue de renom, Sory Diakité, qu’IBK réussit, sans peine, son passage en sixième. C’était en 1958. Puis, ses études fondamentales à Koutiala. Avant de poursuivre ses études secondaires à « l’école des grottes » d’Hamdallaye. C’est, encore, sur les conseils de Mr Diakité, qu’il se présente au concours général de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF), regroupant 14 pays. Major de sa promotion, au Soudan français d’alors, le jeune « Ibrim » s’envole pour la France où, il intègre le Lycée Janson Desailly.
Obéissant aux vœux de son père, il retourne au Lycée Terrasson de Fougères (actuel lycée Askia Mohamed de Bamako) où, il s’inscrit en série « Lettres classiques » (Latin et grec). Une série, tellement, redoutée à l’époque que le jeune IBK se retrouve seul à potasser dans cette discipline. Brillant et studieux, il n’aura aucun mal à décrocher son baccalauréat. Avec la mention « Excellent ».
Il s’envole, de nouveau, en France pour, cette fois-ci, des études en ethnologie, archéologie, et en histoire classique et moderne. Après une licence dans ces différentes disciplines, Ibrahim Boubacar Keïta décroche une maîtrise en sciences politiques. Avant d’entrer à l’IMRC (Institut d’Histoire des Relations Contemporaines) à la Sorbonne. Puis, il entame une carrière d’enseignant à PARISTOL-BIAC, toujours à la Sorbonne où, il dispense des cours sur les institutions africaines.
Peu après, il entre au Centre National de Recherches Scientifiques (CNRS) de Paris où, il retrouve un compatriote : Mr Youssouf Tata Cissé. De retour au pays en 1990, il est recruté par la Communauté Economique Européenne comme expert, pour son bureau de Bamako.
Commence, alors, pour lui d’interminables missions dans le septentrion malien. De Labzanga à Diré, en remontant à Kidal, il est tantôt avec les ONG ; tantôt avec les populations rurales, frappées de plein fouet par les périodes de soudure.

Une ascension fulgurante

Un an après, c’est à dire en 1991, il rejoint les rangs de l’Adema. A l’issue de son congrès constitutif, il est élu-  sur proposition d’Alpha Oumar Konaré et de Dioncounda Traoré – secrétaire aux Relations Extérieures du tout – nouveau parti politique d’alors. Depuis, son ascension devient fulgurante.
Au lendemain du 8 juin 1992, date de l’investiture d’Alpha Oumar Konaré à la magistrature suprême de notre pays, IBK est nommé porte-parole et conseiller diplomatique du nouveau président de la République. Considéré, à tort ou à raison, comme le dauphin naturel du « locataire du Palais de Koulouba », IBK l’aide à former son gouvernement, piloté par Mr Younoussi Touré.
Quelques mois plus tard, IBK est nommé ambassadeur du Mali en Côte -D’Ivoire, au Gabon et au Niger. Avec résidence à Abidjan. Laurent Gbagbo, opposant farouche de feu Félix Houphouët Boigny à l’époque et ami d’IBK lui interdit d’exposer leur amitié au grand jour. Au risque de s’attirer les foudres du « vieux bélier ». Ou d’entacher les relations diplomatiques entre le Mali et la Côte -D’Ivoire.
C’était mal connaître IBK. Un homme réputé fidèle, très fidèle en amitié.

Un geste, hautement, patriotique

Nommé Premier ministre après la démission fracassante de Younoussi Touré, Me Abdoulaye Sékou Sow rappelle IBK au pays. Et le nomme ministre des Affaires Etrangères. Une anecdote relate qu’à l’aéroport de Bamako-Senou où, il venait de débarquer, on lui enjoint l’ordre d’attendre qu’on vienne le chercher. Erreur. IBK rentre chez lui, par ses propres moyens.
Mais à la démission de Me Abdoulaye Sékou Sow, le destin ouvre – de nouveau – les bras à IBK : il est nommé Premier ministre, alors qu’il participait, à Addis – Abeba, à une session sur le budget.
Premier ministre, IBK l’a été. Et un très bon chef de gouvernement. Malgré les coups bas, dont il faisait l’objet, il a réussi à sauver du naufrage, le mandat du président Konaré.
Face aux marches et aux contremarches, organisées par l’opposition pour déstabiliser le régime du président Konaré, IBK adopte la politique de la « carotte et du bâton ». La suite, on la connaît : grâce à la poigne, dont il a fait montre, à l’époque, le président Konaré a réussi à sauver le mandat du président Konaré. Avant de se présenter, contre ATT, à l’élection présidentielle de 2002.
Considéré, comme le vainqueur du scrutin par ses partisans, IBK monte au créneau pour appeler ses partisans au calme. Partisans prêts à mettre le pays à feu et à sang. Du moins, disent-ils, si leur candidat n’est pas « remis dans ses droits ».
C’est ce geste, hautement, patriotique qui l’a rehaussé dans l’estime de ses concitoyens. D’un seul geste, il a évité une tragédie à son pays. Un geste qui porte, en lui tout seul, la marque des grands hommes.
La suite, on la connaît. A la présidentielle de juillet 2013, IBK a été plébiscité. Avec un score inédit dans les annales politiques du Mali : 77,6 % des voix au second tour.
A l’issue des deux tours de la présidentielle du 29 juillet dernier, rebelote : IBK est, de nouveau, réélu pour un second mandat de cinq ans. Il l’a remporté avec un score de 67,17 % des voix, contre 32,83 % pour son challenger Soumaïla Cissé. Résultats rejetés par ce dernier. Parce que, dit-il, « entachés de fraude ».
« Nous n’avons observé aucun cas de fraude, mais des irrégularités procédurales », indique Cécile Kyenge, chef de la mission d’observation de l’Union européenne.

Oumar Babi

Canard Déchaîne

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