Flou informationnel, thèses conspirationnistes, complexité de la situation… Entre mythes et réalités, comment démêler le vrai du faux ?

Plus qu’une thèse, c’est la croyance populaire du moment. Le Mal, c’est une certaine communauté internationale qui ne manque pas d’arguments afin d’assujettir un pays africain qui a pris la décision de prendre son destin en mains. Une évidence quasi absolue qui ne saurait échapper à tout citoyen avisé.

Sauf que la complexité de la situation devrait aussi inviter tout un chacun à mettre de l’autre côté de la balance un certain nombre d’ingrédients que sont : le doute, la nuance, la bonne mesure, la lucidité, entre autres. Car, si la seule thèse du complot international s’avèrerait, la refondation tant voulue a déjà du grain de sables dans sa machine à moudre.

Il est difficile dans le contexte actuel de garder la tête froide et de s’adonner à une analyse la plus objective possible. Il l’est encore davantage, lorsque cette analyse prend le contrepied de la croyance populaire du moment, croyance qui semble être quasiment érigée comme une norme de gouvernance dans les hautes sphères de l’État. A force de croire en la thèse du complot, inconsciemment, la pensée unique s’instaure et une certaine paranoïa s’installe. Le doute raisonnable est un concept lointain, incompréhensible, une idée balayée d’un revers de la main dès qu’elle égratigne la théorie du moment.

Un impair communicationnel à corriger

Le problème de toute thèse complotiste est, bien qu’elle puisse être vraie souvent, difficilement justifiables par des preuves. De ce fait, elle peut faire mouche auprès d’une opinion publique réceptive à toutes diatribes anti étrangères, mais peut buter également sur des réalités têtues. L’impression ressentie par beaucoup, c’est que quelque part, le Mali aura trouvé ses hommes providentiels. Or, la situation du pays est d’une telle complexité qu’il serait salutaire de s’abstenir de tenir des discours vantant esprits visionnaires contre une partie non négligeable de l’humanité qui voudrait mettre des bâtons dans les roues d’un Mali marchant résolument vers son indépendance.

L’indépendance, parlons-en. Serait-elle un concept qui se conquiert de manière si totale que l’on peut s’en vanter un jour ?

Indépendance, Souveraineté, Démocratie, plus que des concepts, sont des idéaux, jamais acquis, mais toujours perfectibles et adaptables. Même les super puissances que l’on cite très souvent comme exemples n’ont pu acquérir la totalité de leur indépendance. Oui. Il ne faut jamais omettre de souligner le coté très relatif de ces idéaux, en précisant aussi l’immensité du chantier de la refondation au Mali. Toute chose qui devra nous inviter à plus d’humilité et aussi à tenir le langage qui sied dans un contexte où les Maliens ont besoin de prendre connaissance de la situation réelle du pays. Cela est certainement le sens profond de la Transition en cours : Sensibiliser et conscientiser les Maliens sur les périls qui menacent leur pays tout en les exhortant à une remise en question permanente, quitte à sacrifier le temps dévolu pour la Transition.

Un seul exemple est assez éloquent pour illustrer le décalage entre le verbe communicationnel du gouvernement et la réalité du terrain. C’est l’instauration d’une journée de « souveraineté retrouvée » pendant que des rebelles fêtent chaque année leur déclaration d’indépendance, défilé militaire à l’appui, et que le pays fait face à une menace terroriste toujours fortement présente. Sans oublier d’autres défis tout aussi importants comme la Sécurité alimentaire ou encore la Santé.

Que dire alors de ces pseudo soutiens du gouvernement qui, en mépris souverain de tout esprit d’analyse et de pondération, se muent en experts militaires et en géopoliticiens aguerris afin de magnifier les actions de la Transition ?! Cette dernière n’a point besoin d’un réseau parallèle de communication à ceux des canaux officiels. L’art de l’expression, c’est aussi savoir se protéger et de savoir préparer sa combinaison anti-critique en évitant justement de tomber dans l’excès. Pour éviter tout amalgame, il serait certainement souhaitable que le gouvernement déclare qu’il n’est lié à ses videomen, ni de près ni de loin.

En réalité, il est utile de s’interroger sur la pertinence de toute réforme institutionnelle et politique alors que des bases telles que la prise de conscience sont reléguées au second plan. Lorsqu’une masse critique du pays comprendra que le devenir du pays c’est d’abord eux, alors l’ennemi de l’extérieur se heurtera à un véritable Tata.

Ahmed M. Thiam

L’Alternance

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