Décryptage: Quelle place pour la politique dans un régime transitoire ?

Dans le contexte bouillonnant du Mali, une partie du peuple s’est détournée du champ politique alors que d’autres se claquemurent dans le silence.

Construire un chef-d’œuvre

Le concept de politique traduit l’idée selon laquelle l’homme politique est mu par une exigence de transparence pour gérer les affaires d’un Etat. Suffisamment traité par les philosophes grecs (Platon, Aristote, etc.), le concept de politique renvoie à l’idée que l’œuvre de l’homme politique prend sens dans la réalisation du bien commun. Dans ce sens, tout projet de société s’attèle à satisfaire les demandes des populations, Ganda-izey en Songhay. Dans le sens noble du terme, être politique, c’est donc défendre l’intérêt général. C’est construire un chef-d’œuvre où la paix, la démocratie, la dignité, la liberté et le bien-être prennent forme. Être politique, c’est servir son peuple plutôt que de se servir (Weber). Être politique, c’est invalider tout narratif ou toute action qui serait source de haine et de division. C’est être un homme d’État, sensible aux besoins et aux aspirations de ses concitoyens. Les présidents Modibo Keïta et Alpha Oumar Konaré restent exemplaires. Le 1er pour avoir conduit le Mali à l’indépendance. Le second, pour avoir régénéré la démocratie malienne au sens du débat constructif. Réaffirmons-le, la démocratie reste cet État dans lequel le pouvoir appartient à tous, où le peuple est écouté et entendu. Elle nourrit l’espoir. Malheureusement, au lieu de réinventer une autre manière de faire de la démocratie, nous avons œuvré à son échec. Enfin, loin de faire consensus au Mali, le concept de politique interroge les rapports de l’homme politique à la gestion quotidienne de la société. Mais, à défaut de changer le cours de l’histoire, certains hommes politiques se sont couchés devant les défis prétextant la dangerosité du contexte. D’autres sont devenus des punching-balls pour les tenants du pouvoir. C’est aussi vrai hier qu’aujourd’hui.difficultés des autorités de transition à réguler la crise énergétique. Autre lieu, autre contexte. Dans les régions en tension sécuritaire, les groupes narcoterroristes (EIS, GSIM), attirés par l’absence d’Etat, terrorisent, violent, humilient et tuent, parfois à vol d’oiseaux des camps militaires. L’accumulation de mauvaises nouvelles provenant des villages, dévastés par les narcoterroristes, rend l’ambiance sépulcrale pour les ressortissants de ces villages à Bamako. Les scènes sont impitoyables. La désaffection grandit. Où sont les droits de l’homme et la sécurité ? Ganda-izey ne désirent que la tranquillité et la paix.

Nécessaire débat politique

Finissons par là où cet article a commencé : la place des politiques dans une transition. On le sait tous : la place ne se donne pas, elle se prend quelle que soit la couleur du régime. Certes, le contexte actuel n’est pas propice aux politiques. Mais, il y a un fait explicatif du mutisme de certains : ils sont malmenés. Certes, les contextes géopolitiques actuels influencent la marche des Etats. Mais, rappelons que le jeu politique ne s’impose pas par le bon vouloir, mais par le contradictoire. Le débat politique s’impose pour être inventifs, et sortir de la routine. C’est le lieu pour incuber le droit d’avoir ses propres opinions, de pouvoir dire et écrire ses opinions dans le respect de la loi. Donc, rien ne nous empêche d’abandonner les politiques-sanctions, des maux sans fin et sans issue. Elles sont l’autre face de la guerre avec ses flammes ravageuses et ses ruses à la Machiavel. Elles suscitent indignation et dégoût. Elles aveuglent. Les conseils des muftis d’un soir sur l’état sécuritaire et politique du pays sont à prendre avec des pincettes, car ils attiseraient le feu. Certains sont enclins à donner le spectacle ; d’autres à agir contre le ridicule et le mal-être. Ne le prenez pas mal. Aujourd’hui, l’exécutif doit œuvrer pour faire la place aux politiques, aux citoyens, aux associatifs, aux syndicalistes et aux scientifiques. Car tout politique n’est pas qu’électoraliste ou démagogue. Mais, il peut aussi être un bâtisseur, un amoureux de son pays. Tantôt, un rai de lumière, tantôt un instant de révolte, tantôt un moment d’égarement, mais qui peut changer la vie des Maliens. N’est-il pas ça la politique ? Écoutons « running » de Norah Jones.

Ne devrait-t-on pas en ce sens amnistier les prisonniers politiques et lever les mandats d’arrêt ?

Mohamed Amara

Sociologue

Source : Mali Tribune

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