Couvre-feu: le Général va-t-il se laisser désobéir ?
Le 26 mars, le ministre de la Sécurité et de protection civile prend des décisions en rapport avec le couvre-feu. Il dit dans son communiqué : ‘’en application du Décret N° 2020-0170/P-RM du 25 mars 2020 instituant le couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national à compter du 26 mars 2020 de 21 heures à 05 heures, dans le cadre de la lutte contre le COVID 19, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile rappelle qu’il est formellement interdit de se déplacer aux heures indiquées.
II est dès lors recommandé à tous de faire leurs courses (achats et autres) et de rentrer à la maison avant les heures indiquées.
Toutefois, pour des raisons spécifiques, des dérogations spéciales de circuler sont accordées : aux services d’urgence de santé, de l’ORTM, de l’EDM, de la SOMAGEP et des opérateurs téléphoniques munis d’ordres de mission et de cartes d’identité professionnelles ; aux services de fret uniquement pour les produits de première nécessité. D’autres mesures dérogatoires pourront, en tant que de besoin, être consenties par les Représentants de I’État, territorialement compétents’’.
La mesure suscite aussitôt une avalanche de protestations venant d’abord des faîtières de la presse privée qui dénoncent une vision réductrice de la profession et un mépris notoire de la carte de presse qui tient lieu et place de laisser-passer. L’Ordre national des médecins du Mali ne tardera pas à leur emboîter le pas. Si une ‘’dérogation’’ a été accordée aux journalistes par l’octroi d’un ‘’laisser-passer’’ spécial signé du Directeur général de la Police ; les récriminations des blouses blanches ont été butées à un mur de silence, sinon de mépris ; les dérogations spéciales de circuler n’étant accordées qu’aux seuls services d’urgence de santé.
Mais dès le 30 mars dernier, l’affaire du passage à tabac du Pr Niani MOUNKORO, appelé d’urgence à l’Hôpital Gabriel TOURE, a attiré l’attention de la hiérarchie sur le nécessaire souci du respect des droits humains et l’application correcte de la directive. L’incident a fortement ému l’opinion nationale pour qui rien ne devrait justifier une telle dérive.
Si à travers des accommodements raisonnables, on a tenté, tant bien que mal, d’étouffer l’affaire du molestage et du passage à tabac de l’éminent Pr Niani MOUNKORO (en tout cas ça tourné au vinaigre selon les termes mêmes du Pr lui-même). Les communiqués de l’Ordre des Médecins du Mali et du ministère de la Sécurité et la Protection civile qui ont suivent s’efforcent de nier l’atteinte à l’intégrité physique du Gynécologue dont la réputation n’est plus à faire. Pour autant, le problème de fond, à savoir la liberté de déplacement des soldats engagés sur la première ligne dans la guerre contre le Covid-19, à savoir le personnel soignant, reste toujours en l’état.
Après une première interpellation du ministre de la Sécurité et de la protection civile, le lundi 30 mars, sur le caractère absurde de sa décision du 26 Mars, le Syndicat des médecins du Mali (SYMEMA) revient à la charge par une nouvelle lettre datée de ce lundi 6 avril. Le réquisitoire est sans appel : ‘’la santé est un droit fondamental et universel, par conséquent la prise en charge des autres maladies ne doit pas s’arrêter, au risque de voir plus de décès dans nos familles suite aux urgences non traitées que par le COVID-19. Le ministre de la Sécurité et de la Protection civile assumera l’entière responsabilité de ces décès.
Le SY.ME.MA exige sans délai que vous preniez les mesures idoines afin que les soldats de cette guerre sanitaire (Médecins/Agents de santé) puissent avoir libre circulation chaque fois que l’appartenance à ce corps est prouvée par une pièce authentique quelconque (Cane d’identité nationale, passeport, permis de conduire…)’’.
Pour terminer, le SY.ME.MA fait une sévère mise en garde en annonçant qu’il usera de tous les moyens légaux pour se faire entendre.
Le ministre Salif TRAORE pourrait alors être contraint à un rétropédalage, soit parce qu’il porterait, le cas échéant, la responsabilité de plus de décès dans nos familles suite aux urgences non traitées que par le COVID-19, soit parce que la justice le lui imposerait. Dans un tel cas de figure, la sagesse commanderait de prendre les devants en lâchant du lest.
Info-Matin