Au Mali, nuage d’incertitudes sur la réouverture des classes

La grève persistante des enseignants au Mali, qui demandent une augmentation des salaires, et l’impréparation des établissements scolaires à faire appliquer les gestes barrières renforcent la menace d’une année académique compromise. D’octobre 2019 à février 2020, les écoles n’ont ouvert que pendant trois mois.

Pas de reprise effective des cours le 2 juin prochain au Mali sans que le gouvernement n’ait réglé certains préalables indispensables. Au nombre de ceux-ci, la loi portant revalorisation des salaires des fonctionnaires adoptée deux ans plus tôt. Alors que les autres couches socioprofessionnelles profitent depuis janvier 2020 des avantages de ce texte, les enseignants en sont exclus. Muré depuis dans une revendication latente, le syndicat des maîtres réclame «justice» et en fait son ultime priorité.

C’est dire que rien n’est encore certain à l’heure où la reprise des cours est une réalité dans d’autres pays de la sous-région ouest-africaine.

Les raisons de la fermeture

C’est le 17 mars dernier que le gouvernement malien avait opté pour la fermeture des écoles sur toute l’étendue du territoire national. Motif évoqué: «Minimiser le risque de contamination au Covid-19.» Au lieu de trois semaines, les élèves ont passé plus de deux mois à la maison.

Cette fermeture est intervenue dans un contexte d’instabilité marqué par les multiples grèves successives des enseignants.

«Nos enfants n’ont pas bénéficié de plus de trois mois de cours. C’est inquiétant. L’année risque d’être compromise», redoute Moussa Fané, de l’Association des parents d’élèves.

Il est donc à croire que la réouverture des classes, annoncée tambour battant, relève de l’utopie. Même si le Premier ministre, Boubou Cissé, dans son adresse à la population s’est voulu persuasif, plusieurs acteurs du secteur dénoncent une «fuite en avant». D’autant des problèmes majeurs attendent encore d’être réglés.

Certes, l’application jugée «sélective» de la loi susmentionnée s’est heurtée à une réaction immédiate des syndicats d’enseignants, paralysant l’école malienne pendant de longues semaines. Jeudi 13 février 2020, la gigantesque dernière marche de protestation, initiée pendant la grève par le syndicat sur le boulevard de l’Indépendance et dans différentes capitales régionales du pays, a été violemment dispersée.

Et il ne semble pas que la psychose du Covid-19, ajoutée à la période de ramadan largement observée dans un État qui compte 90% de musulmans, ait émoussé les ardeurs des syndicats de l’enseignement. «Les choses vont reprendre et nous allons encore et encore battre le pavé», promet à Sputnik Yaya Sanogo, enseignant du fondamental qui ne supporte pas la volte-face du gouvernement malien.

​«La loi vaut pour tout le monde. Les autres corps professionnels ne valent pas mieux que les enseignants. J’invite le gouvernement à se ressaisir et à faire bénéficier de cette loi aux professeurs avant qu’il ne soit trop tard», argumente Adama Fomba, porte-parole des enseignants, à Sputnik.

À ces maux s’ajoute la délicate question des arriérés de salaire. Selon des sources officielles, les enseignants cumulent quatre mois d’impayés. Comme si les retenues sur le salaire brut ne suffisaient plus, le gouvernement a décidé de passer à une étape plus contrastée: le gel des paiements. Alors même que cette option ne repose sur aucune norme réglementaire.

«Il y a une volonté manifeste du Premier ministre de nuire aux professeurs du Mali. Son attitude est du pur mépris», s’indigne Adama Fomba, visiblement sceptique quant à une issue immédiate.

Le responsable syndical affirme sa fermeté: «Tout combat a un prix à payer. Nous avons décidé de nous battre et nous allons nous battre.»

Quand le Covid-19 s’invite

Côté parents d’élèves et autres acteurs de l’école, c’est la peur bleue. Au moment où le gouvernement peine à freiner la chaîne de contamination au Covid-19, envoyer son enfant à l’école équivaudrait à l’envoyer à l’abattoir:

«Je n’enverrai pas mes enfants à l’école tant que le gouvernement ne prendra pas de mesures rassurantes contre la pandémie», insiste dans une déclaration à Sputnik Moussa Koné, parent d’élève à Kalaban-Coura, un quartier de la rive droite de Bamako.

Lui préfère les cours en ligne organisés par le gouvernement depuis l’annonce du premier cas de Covid-19 fin mars au Mali. Cependant, cette mesure n’a pas eu grand succès du fait que très peu d’élèves détiennent un smartphone et un ordinateur.

Selon un conseiller technique au ministère de l’Éducation qui s’est confié à Sputnik, des partenaires techniques et financiers du Mali sont sollicités pour la mise à disposition de kits de lavage des mains et de gel hydroalcoolique dans les établissements scolaires.

Ces menaces persistantes semblent donner raison à ceux qui soutiennent que la réouverture des écoles au Mali n’est pas pour demain.

Sputnik

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