Afrique-France: un sommet sans chefs d’État africains pour tenter de renouveler la relation
L’activiste gabonais Marc Ona Essangui salue une nouvelle formule « innovante ». Mais le président de Tournons La Page International, s’interroge : « Est-ce que le casting réalisé permet à la France de changer de paradigme ? » Car, selon lui, le problème central vient de là : la France n’a pas su changer de politique à l’égard du continent depuis la décolonisation.
« L’Afrique a évolué en termes de générations, mais la France est restée coincée sur le même paradigme, c’est-à-dire : il faut défendre les intérêts, rien que les intérêts. La population africaine ne compte pas, estime-t-il. On impose des dictateurs, on soutient les dictateurs qui massacrent leur population et la vie continue. On privilégie les intérêts économiques, mais quand il s’agit d’évoquer les questions de démocratie, les questions de gouvernance, les droits de l’homme, la France ferme les yeux. » Très critique à l’égard de Paris, Marc Ona Essangui n’attend donc pas grand-chose de ce rendez-vous.
Et les grands absents, les chefs d’État africains, en attendent-ils quelque chose ? Au-delà, quel regard portent-ils sur cet événement qui va pour la première fois se dérouler sans eux ? La mise sur la touche a parfois été dure à avaler. « Au début, ça a été mal vu », confie hors micro une source diplomatique française. Chez certains, la page semble aujourd’hui tournée. Dans l’entourage d’un président d’Afrique centrale, on salue même l’initiative. « L’innovation est toujours la bienvenue dans ce genre de grand-messe qui était devenue un peu désuète et mal perçue par une large partie des opinions publiques en Afrique, juge un de ses conseillers. C’est un beau coup de com’ pour Macron. À sept mois de la présidentielle, il n’avait pas trop envie de s’afficher avec certains chefs d’État. »
Une lecture de l’événement qui revient chez un conseiller d’un président d’Afrique de l’Ouest : « C’est une opération de relations publiques à la veille d’échéance électorale, tacle-t-il, ça ne nous fait ni chaud ni froid. De toute façon, ils [les deux présidents] se parlent. » Un ministre ouest-africain se fait lui plus sévère. « Je trouve ce sommet vain alors que l’un des enjeux de lutte contre le terrorisme, c’est justement de restaurer les États », juge-t-il avant de conclure : « Je ne crois pas que l’on puisse fonder les relations internationales sur autre chose que des relations inter États ».
Je ne dis pas que c’est seulement de la communication. Pour moi, ce que fait aujourd’hui le président Macron, c’est mettre en confiance l’ensemble des opérateurs économiques africains de façon générale pour leur dire : «Vous pouvez compter sur nous, nous sommes prêts à vous accompagner, à accompagner vos États, mais pour vous accompagner, vous, acteurs de développement économique de vos pays.»
RFI