Abandon de la pratique de l’excision : Barouéli, le modèle idéal

Dans le cadre de son projet de promotion des initiatives pour l’abandon de la pratique de l’excision (FGM), Plan International Mali, en collaboration avec l’Equipe de Recherche et d’Appui pour le Développement (ONG ERAD), a organisé, du 28 janvier au 1er février 2019, une caravane de presse dans le Cercle de Barouéli, Région de Ségou. Sur 40 villages, 19 ont abandonné la pratique de l’excision dont 12 dans la seule Commune rurale de Konobougou. Cela, grâce aux interventions de Plan International Mali et l’ONG ERAD (chargée de l’exécution du projet sur le terrain).  Cette caravane s’inscrit dans le cadre de la célébration du 6 février, Journée internationale contre les Mutilations Génitales Féminines/Excision (MGF/Excision).

 

Durant 5 jours (du 28 janvier au 1er février), l’équipe de journalistes dépêchés par une bonne dizaine d’organes, venus de Bamako et Ségou, ont sillonné trois communes rurales,  dans le Cercle de Barouéli. Précisément, dans les villages de Sanando, Tissala, Dela, Konobougou,  Wélingara et Zanfina. L’objectif de cette caravane était de faire l’état des lieux des activités menées par Plan International Mali dans le cadre de son projet de lutte contre l’excision dans ces  zones d’intervention. Ce, afin de s’enquérir des réalisations et des difficultés liées à l’exécution du projet sur le terrain.

Faut-il le rappeler, depuis 2011, Plan international Mali intervient inlassablement dans la lutte contre la pratique de l’excision dans le Cercle de Barouéli. Selon une étude de base, réalisée en 2010, par l’organisation, dans ce Cercle, 82% des filles de 0 à 5 ans sont excisées.

En effet, le but du projet de promotion des initiatives en faveur de l’abandon de la pratique de l’excision, qui est à sa phase II, est de contribuer activement à la réduction du taux des Mutilations Génitales Féminines/ Excision (MGF/Excision) et promouvoir un environnement favorable pour la protection des Droits de la femme et de la fille au Mali.

Ainsi, l’évaluation finale des actions en 2016 a démontré que les interventions du projet ont permis de faire reculer la prévalence chez la tranche d’âges de 0 à 5 ans, l’excision de 40,3% dans le Cercle de Barouéli.

 

Ainsi, dans sa phase I (2010-2016), il s’agissait, entre autres, de réduire de 10% la prévalence des MGF/excision chez les filles de 0 à 14 ans ; d’accroître le nombre de villages d’abandon de 25 à 60 dans les zones d’intervention du projet ; de faire adopter une loi spécifique interdisant la pratique des MGF/excision.

Depuis plus d’une décennie, Plan International Mali et ses différents partenaires mettent en œuvre des activités de promotion des droits de l’enfant et de la femme et de la lutte contre la pratique de l’excision. Cet engagement a contribué au développement d’une expertise nationale en la matière. Cela, à travers un partenariat établi avec des organisations de la société civile, des structures gouvernementales concernées par la question de l’excision et des organisations internationales intervenant dans le domaine. Les différentes phases du projet de lutte contre l’excision de Plan International Mali ont contribué de manière générale et spécifique dans les zones couvertes par le Projet de lutter contre cette pratique. La première phase du Projet, exécutée au cours de la période 2010-2016, a permis de réduire la pratique de l’excision à hauteur de 72% dans l’ensemble du Cercle de Barouéli. A travers ce projet, Plan International Mali et ERAD mettent un accent particulier sur la sensibilisation, la communication pour le changement de comportements au sein des principales composantes de la société.

 

Les campagnes d’information, d’éducation, de sensibilisation et de communication comme leur cheval de bataille

 

Dans presque toutes les localités du Cercle de Barouéli, il y a eu un vaste programme d’activités phares axées, au fond, sur d’intenses campagnes d’information, de sensibilisation, d’éducation et de communication prônant lentement mais sûrement un véritable élan en matière de changement de comportements au sein des communautés. Ce fut le cheval de bataille de Plan International Mali et ses partenaires spécialisés et locaux dont l’ONG ERAD.

Pour amener, les gens à abandonner la pratique de l’excision, à travers son projet de lutte contre la pratique de l’excision, Plan International Mali et l’Equipe de Recherche et d’appui pour le développement (ERAD) ont accordé du prix aux stratégies basées sur la sensibilisation, la communication et l’information pour le changement social de comportements.

 

L’amélioration du niveau de connaissances des communautés locales comme passage obligé dans le cercle de Barouéli

 

Lors de la cérémonie d’abandon de l’excision dans le village de Sanando, Allaye Dolo, de l’Equipe de Recherche  et d’Appui pour le Développement (ONG ERAD), Coordinateur du projet d’appui à la promotion des initiatives en faveur de l’abandon de la pratique de l’excision, antenne de Barouéli,  a indiqué qu’avec l’appui technique et financier de Plan International Mali,  son ONG s’est pleinement engagée à améliorer le niveau de connaissance des communautés dans le cercle de Barouéli notamment dans les communes rurales de Konobougou, Kalaké et Sanando  sur les droits de l’Enfant, les conséquences de l’excision, les conséquences du mariage d’enfants  et d’autres violences basées sur le genre.

 

Mme Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, Chef du projet de promotion des initiatives en faveur de l’abandon de la pratique de l’excision, dira qu’à l’issue de plus de 10 ans de lutte, Plan International Mali et ses partenaires sont parvenus à faire abandonner la pratique de l’excision dans 87 sur 180 villages. Dans le Cercle de Barouéli 19 villages sur 40 ont abandonné l’excision. Selon elle, cette phase II du projet qui sera exécutée de 2017-2019, concerne non seulement l’abandon de la pratique de l’excision mais et surtout les mariages précoces.

 

Le rôle décisif d’une législation

 

Le Préfet du Cercle de Barouéli, Dieudonné Sagara, a souligné que la politique nationale de la lutte contre les violences basées sur le genre vise, entre autres, l’abandon de l’excision même si présentement aucune législation n’est en vigueur contre cette pratique.

Par ailleurs, il a mis l’accent sur la sensibilisation et l’éveil des consciences pour arriver à une « lutte ultime » en insistant sur la législation afin de donner plus de force à ce combat contre une pratique très néfaste pour la santé et l’avenir de la femme et de la petite fille.

Apprend-on, dans le Cercle de Barouéli, 6 cas liés aux conséquences de l’excision ont été pris en charge par l’ONG ERAD. Les victimes ont été soignées et totalement guéries.

Le Sous-préfet de Konobougou, Sékou Kanta, a indiqué que la lutte contre l’excision c’est pour le bien-être des populations en général et pour le bonheur des enfants en particulier. « Dans ma Commune, 12 villages ont carrément déposé le couteau d’excision. Même s’il n’y a pas une loi contre cette pratique, elle est quand même interdite dans les structures sanitaires par les autorités en charge de la santé du Mali », a déclaré face à la presse le Sous-préfet de Konobougou.

 

Une déclaration publique d’abandon de la pratique de l’excision

Le mardi 29 janvier, les caravaniers ont assisté à la cérémonie solennelle de déclaration publique d’abandon de la pratique de l’excision du village de Sanando, deuxième du genre dans la Commune rurale de Sanando. Un pas important grâce aux initiatives de Plan International Mali en faveur de l’abandon de la pratique de l’excision (Phase II).

Sanando est l’un des 9 villages couverts par l’ONG ERAD dans le cadre de la phase II du projet Promotion des initiatives en faveur de l’abandon de la pratique de l’Excision. L’ONG ERAD intervient au niveau de cette zone depuis 2011.

Les populations des villages couverts dans la Commune de Sanando ont reçu une large sensibilisation sur les méfaits de l’excision.

Le 2e Adjoint au Maire de la Commune rurale de Sanando, Souleymane Kéïta, fera savoir que du début du projet à nos jours, la lutte pour l’abandon de la pratique de l’excision a apporté des changements dans la compréhension et dans les comportements des communautés locales. « L’interaction entre le projet et les autorités communales dans la lutte pour l’abandon de la pratique de l’excision ; les débats sur l’excision sont devenus courants dans les villages ; nos constats prouvent que des abandons individuels de la pratique existent également », s’est-il félicité. Puis il ajoute : « J’ose croire que l’abandon par le village de Sanando fera un effet boule de neige dans les autres villages de la Commune ».

 

En réitérant le soutien des autorités communales de Sanando, il a demandé à tous les acteurs d’accompagner la population de Sanando désormais dans son projet d’une Commune sans excision ».

En tout cas, il ne fait plus doute que les femmes de Sanando se sont engagées pour l’abandon de la pratique de l’excision. Pour preuve, elles se sont massivement mobilisées, ce mardi 29 janvier, pour témoigner leur engagement. Selon le témoignage de Mme Diakité  Assitan Coulibaly,  Présidente des femmes de Sananko, elles sont parvenues à sensibiliser et impliquer les communautés à abandonner la pratique de l’excision.

 

Cependant, même si le village de Sanando a abandonné l’excision, Tissala son voisin, juste à quelques 2kms, en pratique toujours.

Le mercredi 30 janvier, les caravaniers se sont rendus dans la Commune rurale de Kalaké. Une Commune composée de 27 villages.

L’ONG ERAD et Plan International Mali interviennent dans 7 villages dont 3 ont abandonné la pratique de l’excision dont Dela et Zanfina.

Le Village de Dela tend vers l’abandon définitif de la pratique de l’excision. Conscients des méfaits et des conséquences de cette pratique, les hommes aussi bien que les femmes sont engagés dans ce combat.   Pour ce faire, ils insistent sur la bonne information afin de mieux sensibiliser leurs communautés.

Toujours dans la Commune rurale de Kalaké où nous avons rencontré, au Centre de santé communautaire une victime de l’excision qui a souhaité garder l’anonymat. C’est une jeune femme âgée de 20 ans, elle souffre de fistule.  Elle passe son état de convalescence au CSCOM de Kalaké où elle vient de subir une opération chirurgicale de son appareil génital. C’est à l’âge de 16 ans qu’elle s’est mariée. Elle nous a confié que c’est pendant son deuxième accouchement qu’elle a eu des complications. C’est Plan International Mali qui, à travers l’ONG ERAD, s’occupe de sa prise en charge. Cela, aussi bien du côté médical que de son insertion socioprofessionnelle. Une opération qui a coûté 100.000 FCFA.  Une fois guérie, elle sera accompagnée avec une enveloppe de 75.000 FCFA pour lui permettre d’entreprendre une activité génératrice de revenus.

 

Etapes de Wélingara et de Zanfina

 

C’est le jeudi 31 janvier que la caravane a fait les étapes des villages de Wélingara (Commune rurale de Konobougou) et Zanfina (dans la commune rurale de Kalaké).

 

A Wélingara, le constat fait sur place montre que les hommes ne sont pas encore prêts à abandonner la pratique de l’excision. Mais, les femmes sont engagées et décidées à leur faire changer d’avis.

Pour Mme Konté Oumou Konté de l’association Sabougnouma  des femmes de Wélingara, si la décision d’abandon de l’excision ne tenait qu’aux femmes, il n’y aurait plus cette pratique dans leur village. Malheureusement, les hommes sont encore très réticents.  Mme Konté Oumou Konté a perdu sa petite fille qui avait 3 mois suite à des complications liées à l’excision, il y a 13 ans de cela. D’où son engagement ferme à abandonner cette pratique. Elle nous confie que les femmes de Wélingara sont en pourparlers avec les hommes afin de les convaincre d’abandonner la pratique de l’excision.

De son côté, le village de Zanfina a déclaré publiquement avoir mis fin à la pratique de l’excision le 20 décembre 2018.

Dans le village de Zanfina, Commune rurale de Kalaké, une ancienne exciseuse, en l’occurrence Mme Assa Ballo, a déclaré publiquement avoir arrêté l’excision.  « Personne ne m’a forcé. Quand j’ai vu les images sur les conséquences de l’excision, j’ai décidé d’abandonner le couteau », nous a-elle confié.

Après avoir laissé le couteau, il y a 10 ans, Mme Assa Ballo s’est reconvertie dans l’Agriculture en s’occupant d’un 1/2 hectare.

Sur le terrain, l’ONG ERAD travaille en étroite collaboration avec le Comité local de l’abandon des pratiques néfastes (CLAPN), le Comité villageois pour l’abandon des pratiques Néfastes (CVAPN) et le Comité Communal pour l’abandon des pratiques néfastes (CCAPN) ainsi que les femmes leaders. Tout le travail est effectué sous l’œil vigilant de l’Unité de Programme de Barouéli, basée dans la commune rurale de Konobougou.

Il faut reconnaître que le Projet de lutte contre l’excision de Plan International Mali a contribué de manière générale et spécifique dans ses zones de couverture à lever le tabou et permettre le débat autour de la question de l’excision et cela jusque dans la quasi-totalité des familles. Son programme a aussi permis le transfert des compétences à des organisations communautaires de base pour une réponse locale de lutte contre cette pratique. Le projet a également permis aux populations des zones d’intervention de prendre connaissance des dangers et des complications sur la santé de la mère et de l’enfant. Une avancée remarquable est la signature des conventions d’abandon de la pratique de l’excision par les villages et les communautés toutes entières à travers des déclarations publiques.

 

Tout village qui s’engage à signer cette convention et qui pratique l’excision sera soumis à payer une amende de 75.000FCFA.

 

Salimata Fofana

 

Laseconde.net

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *