À Bamako, les activités des pêcheurs, exploitants et extracteurs de sable et graviers frappées de plein fouet par la baisse du niveau des eaux du fleuve Niger

Baisse du niveau des eaux, dégradation de ses berges, le fleuve Niger subit fortement les effets du changement climatique. Une situation qui influe négativement sur les activités des pêcheurs, exploitants et extracteurs de sable et graviers.

À Bamako, le lit du fleuve Niger, surnommé le Djoliba, se rétrécit drastiquement, donnant l’impression qu’il est possible d’en faire la traversée à pied. Les espaces laissés par le retrait de l’eau sont occupés par des maraîchers qui cultivent des légumes comme le gombo, la tomate ou encore la salade. Une désolation et un triste spectacle pour le troisième cours d’eau le plus long d’Afrique (4 200 km dont 1 700 au Mali), après le Nil (6500 km) et le Congo (4700 km).

« Il y a moins d’eau aujourd’hui dans le fleuve Niger à Bamako qu’il y a 10 ans à la même période » confirme Diallo Kadiatou Sy, cheffe du département Protection et gestion des écosystèmes à l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN), une structure gouvernementale malienne. Les traits tirés, elle s’inquiète des conséquences du changement climatique sur le fleuve.

Le volume d’eau qui s’est écoulé à la station de Koulikoro, située légèrement en aval de Bamako, a baissé de 43% entre 2014 et 2017, passant de 13,40 à 7,23 millions de m3, selon la direction nationale de l’hydraulique (DNH), un service du ministère des Mines, de l’énergie et de l’eau.

En 2017, le tarissement a été causé par « un arrêt précoce des pluies sur les hauts bassins du Niger et du Sankarani, caractérisé par des niveaux d’étiages relativement bas », indique un document de la DNH.

« Entre la période avant 1970 et celle jusqu’à aujourd’hui, il y a un déficit pluviométrique annuel de l’ordre de 20 à 50%, soit 50 à 500 mm par an », rapporte au téléphone le Dr. Djibrilla Maïga, point focal de l’Autorité du bassin du Niger (ABN) au Mali, à ne pas confondre avec l’ABFN. Ce manque de pluies touche les régions sahéliennes, mais également désormais des régions plus humides au sud.

« Un profond déséquilibre écologique »

Cette forte baisse a entraîné des difficultés dans la gestion des eaux du fleuve par la Commission de gestion des eaux de la retenue de Sélingué et du barrage de Markala (CGESM). Se réunissant une fois par mois, elle doit arbitrer l’allocation des ressources en eau entre les usagers situés en aval des deux barrages.

« Le bassin du Niger subit ainsi depuis quarante ans un profond déséquilibre écologique, engendré par les effets conjugués du changement climatique mais aussi de la poussée démographique », estime Diallo Kadiatou Sy. Résultat : la population de la capitale Bamako, plus de 3 millions en 2019, ne cesse d’augmenter, nourrie par l’exode rural, de jeunes principalement.

La baisse du niveau des eaux due aux effets du changement climatique entraîne la diminution des zones de frayères (lieux de reproduction des poissons). Assis dans sa pirogue, dont il vient d’accoster aux berges, Moussa Doumbia, qui a appris à pêcher avec son père, revient après de longues heures de pêche sur les eaux du fleuve. Avec son visage renfrogné, le pêcheur d’une trentaine d’années n’a pas fait une bonne pêche. Celle du jour dépasse à peine une dizaine de kilogrammes. Selon lui, la rareté du poisson dans l’eau ne date pas de cette année. « Autrefois, nous pêchions beaucoup plus de poissons à la même période qu’aujourd’hui » lâche-t-il.

Concernant la baisse de la quantité du poisson dans l’eau, en plus des effets du changement climatique, le pêcheur Doumbia déplore la destruction des écosystèmes fluviaux, des endroits réputés être des zones d’accouplement pour les poissons. Ce que confirme le point focal de l’Agence du bassin du Niger au Mali qui estime que plus la surface inondée est grande, plus le poisson peut se reproduire et se cacher. « Si le fleuve tarit trop, les poissons vont mourir de chaleur parce qu’ils ont besoin d’une certaine température pour vivre », a expliqué le Dr. Djibrilla Maïga.

La rareté du poison dans l’eau fait que la pêche ne nourrit plus son homme. « C’est une petite quantité de poissons que nous pêchons maintenant qui nous permet juste d’avoir de quoi manger », assure Moussa Doumbia, qui envisage de se reconvertir dans le maraîchage.

Les pêcheurs ne sont pas les seuls à subir les conséquences de la diminution des eaux du fleuve. Elle affecte aussi le travail des exploitants et extracteurs de sable de Kalaban-Coro, affirme Adama Coulibaly, secrétaire administratif de l’association des exploitants et extracteurs de sable et de graviers du Mali dont le regard figé traduit toute son inquiétude. Exerçant le métier depuis plus d’une vingtaine d’années, il a indiqué que le sable est extrait à des dizaines de kilomètres des berges et transporté à l’aide d’une pirogue.

« On a trop de difficultés », assure-t-il, ajoutant qu’il faut vingt-quatre heures pour avoir un chargement de pirogue. « Il n’y a pas suffisamment d’eau dans le fleuve pour que les pirogues passent. Chaque année, il nous faut beaucoup de travaux (casser les cailloux) afin de dégager la route pour qu’on puisse faire passer nos pirogues », relate Adama Coulibaly.

Pour terminer, le secrétaire administratif de l’association des exploitants et extracteurs de sable et de graviers du Mali invite les Maliens à prendre soin du fleuve.

Abdrahamane SISSOKO/maliweb.net

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