SUSPENSION DES SANCTIONS DE L’UEMOA CONTRE LE MALI : Qui veut fouler aux pieds l’ordonnance judiciaire?
Malgré que le juge communautaire de l’UEMOA s’est prononcé en faveur du « sursis à exécution » des sanctions financières décidées contre le Mali, les Chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de cette organisation n’ont jusqu’ici daigné appliquer le droit. D’où des inquiétudes d’un éventuel torpillage de la décision de la Cour de Justice.
Jeudi dernier, la Cour de justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), saisie par les avocats de l’Etat malien sur l’illégalité des sanctions du 9 janvier contre le Mali, a ordonné « le sursis à exécution » desdites sanctions.
En effet, le Mali a été suspendu des organes de cette organisation à caractère économique et financier, et frappé des sanctions de la CEDEAO comme le gel des avoirs financiers d’environ 150 personnalités liées à la « junte malienne », et « des sanctions additionnelles vigoureuses incluant notamment des sanctions économiques et financières’’.
Ces sanctions supplémentaires ont consisté le retrait des ambassadeurs de tous les États membres de la CEDEAO au Mali, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali, et la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres de la CEDEAO et le Mali, à l’exception des produits suivants : les produits alimentaires essentiels, les produits pharmaceutiques, les fournitures et équipements médicaux, y compris les matériels de contrôle du Covid-19, les produits pétroliers et l’électricité, et le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales de la CEDEAO ».
Cette décision de suspension des sanctions, intervenue à la veille du sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO à Accra le vendredi 25 mars dernier, n’a apparemment pas été un sujet crucial, au regard du communiqué final dudit sommet. Alors que l’instance suprême de l’UEMOA qu’est la Conférence des Chefs d’Etats est en même temps membres de la CEDEAO, cette dernière, la CEDEAO donc, a maintenu les sanctions à l’état, tout en restant muette sur l’application de la décision de Justice. De quoi susciter des interrogations sur un éventuel projet de torpillage de la décision de la Cour de la Justice par les Chefs d’Etat.
Quoi qu’on estime, cette décision sonne comme un véritable camouflet à la CEDEAO et ses Chefs d’Etats et de Gouvernement dont certains brillent par leur « animosité » vis-à-vis des autorités de la Transition auxquelles il est reproché de ne pas œuvrer pour un retour à l’ordre constitutionnel normal, après les 18 mois de Transition.
Cette ordonnance de suspension des sanctions par la Cour de justice de l’UEMOA, une première dans son histoire, est une victoire de la junte ». Celle-ci a été saluée par les peuples maliens et africains, déterminés à œuvrer pour une CEDEAO des peuples plutôt qu’à une CEDEAO des Chefs d’Etat.
Il faut rappeler que les discussions entre le Mali et la CEDEAO butent sur la durée consensuelle de la nouvelle Transition qui a démarré en principe le 26 mars dernier. Les 24 mois, proposés par les autorités de la Transition, ont reçu une fin de non-recevoir de l’organisation sous régionale qui campent sur un délai de 16 mois. Ce qui, illico, entraîne le maintien des sanctions dont les effets se font ressentir, car les produits de première nécessité prennent de l’ascenseur, surtout en cette veille de ramadan. Même si la direction générale du commerce et de la concurrence tente de convaincre de la non-rupture desdits produits.
Somme toute, c’est un rapport de force qui s’instaure, de fait, entre le Mali et la CEDEAO. L’application de cette décision judiciaire revient par conséquent à l’instance politique, la Conférence des huit Chefs d’Etats, de l’UEMOA.
Cyril Adohoun
Source : l’Observatoire