Bah N’DAW à Paris: ce qui a été dit et convenu
En visite de travail à Paris, dans le cadre d’un examen de la coopération franco malienne et d’échanges sur le Sommet du G5 Sahel prévu à Ndjamena au Tchad en février prochain, le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Bah N’DAW, a été reçu à l’Élysée, ce mercredi, par le Président MACRON, en compagnie du chef de l’État, de Florence PARLY, la ministre française des Armées, et de Jean-Yves Le DRIAN, le patron de la diplomatie française. De quoi a-t-il été question ?
Alors que le pays est en pleine résurgence du sentiment anti-français au sein d’une frange de l’opinion nationale et paradoxalement de succès militaires, cette visite que certains observateurs qualifient de grande répétition avant le sommet du G5 Sahel, était l’occasion donc de mettre les cartes des sujets qui fâchent sur la table.
Au cœur des discussions entre les deux chefs d’Etat, la collaboration entre armées malienne avec une réitération de son renforcement. Le Président de la Transition est resté constant sur ce sujet pendant que la polémique enfle pour demander le départ de Barkhane, comme en atteste la tentative de manifestation du Mouvement Yerewolo Debout sur les remparts du 20 janvier dernier à laquelle étaient invités des activistes d’Afrique et d’Europe.
Aussi, faut-il dire qu’à l’approche du sommet de N’Djamena, les résultats concrets sont scrutés. Mardi 26 janvier, l’armée malienne a annoncé avoir éliminé une centaine de djihadistes lors d’une opération d’envergure menée conjointement avec l’armée française en janvier dans le centre du Mali. « Une centaine de terroristes neutralisés, une vingtaine capturés et plusieurs motos et matériels de guerre saisis » durant l’opération Éclipse, menée du 2 au 20 janvier par l’armée malienne et la force française Barkhane, peut-on lire dans un communiqué. Dans notre pays, il s’agissait de « bouter l’ennemi hors de ses zones de refuge » dans le secteur Douentza-Hombori-Boulkessi, une région de forêts clairsemées et de brousses surplombées d’un massif rocheux où sont implantés des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jnim en arabe), une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaïda. D’autres groupes, liés pour leur part à l’organisation État islamique (EI), sont également présents dans la région.
Autre sujet brûlant, selon l’entourage du Président Bah N’DAW, la Transition dans notre pays, son rythme, ce qui a été fait et ce qui n’a pas été mis en œuvre.
c’est le respect des engagements concertant la conduite de la Transition. A ce niveau, l’enjeu est double : la passation du pouvoir à un président démocratiquement élu et la fin de la Transition aux termes des 18 mois tel que stipulé à l’article 22 de la Charte de la Transition : ‘’la durée de la Transition est fixée à dix-huit(18) mois à compter de la date d’investiture du Président de la Transition’’.
Sur le premier enjeu, il y a les assurances du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) : ‘’nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables consentis des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes capables de gérer au mieux notre quotidien et restaurer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés’’. Après avoir envisagé une période de transition allant jusqu’à trois ans, les colonels se sont engagés à le faire au bout de 18 mois.
A la suite des tombeurs du régime du Président IBK, Bah N’DAW, son message aux Maliens à l’occasion de la nouvelle année, a déclaré que « l’essence de la Transition [résidait] dans la préparation et la tenue d’élections incontestablement propres » et « tenues à date ». « Je suis l’ultime garant du processus électoral », a-t-il dit. « Je le dis clairement : personne ne prendra le processus en otage, mais, en retour, personne ne doit en être exclu », a-t-il ajouté.
Quant à la durée de la Transition, elle est réglée par la Charte de la Transition.
Seul engagement exécutoire dans l’immédiat, en suspens, c’était la dissolution du Comité national pour le salut du peuple comme promis à la CEDEAO. Une mission de haut niveau de l’organisation sous-régionale envoyée au Mali avait une nouvelle fois réclamé, le 12 janvier, que le CNSP soit « formellement dissous ». Le président Bah N’DAW avait alors informé ses pairs de la sous-région de « l’adoption d’un décret de dissolution du CNSP qui sera rendu public incessamment, ainsi que de la soumission dans les jours à venir de la feuille de route de la transition pour adoption par le CNT ». Le décret est daté du 18 janvier, il a été signé notamment par le Président de transition et le Premier ministre Moctar Ouane, informe l’Agence France-Presse, qui a obtenu mardi une copie auprès d’une source proche des militaires. Pour les plus ombrageux, la dissolution du CNSP est à rapprocher avec la visite du Président Bah N’DAW en France à l’invitation de son homologue Emmanuel MACRON. Ce, d’autant plus que l’exigence de dissolution de cet organe militaire remonte à longtemps. Aussi faudrait-il faire le distinguo entre une dissolution formelle (intégrale, sans équivoque…) tel que demandé par la CEDEAO et une dissolution légale (qui permet l’existence de facto du CNSP), tel que l’a fait le Président de la Transition.
C’est la première fois que Bah N’Daw est reçu à Paris. Il s’agit également de son premier séjour hors d’un pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Faut-il y voir le signe d’une reconnaissance internationale ? s’interroge le confrère le Point. Pour lui, la question mérite d’être posée alors que, la veille de cette visite officielle, l’organe formé par les militaires qui ont renversé en août dernier l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), a été officiellement dissous.
Les échanges ont été directs, selon Zeini Moulaye, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, mais cette première prise de contact s’est visiblement bien passée. L’entretien a été franc et nécessaire a conclu Bah N’DAW devant certains membres de son entourage.
Au-delà des questions sécuritaires et politiques, les échanges, fait-on savoir, ont tourné autour de la coopération bilatérale dans son ensemble.
Pour sa première rencontre avec un dirigeant hors CEDEAO, le Président de la Transition était accompagné de trois de ses ministres, celui des Affaires étrangères ainsi que ceux de la Défense et de l’Administration territoriale. Les colonels Sadio CAMARA et Abdoulaye MAIGA, tous les deux issus de l’ex-junte, ont également pris part à ce déjeuner de travail.
PAR BERTIN DAKOUO
Info-Matin