Editorial : Il faut savoir raison garder !
Des organisations de la société civile, sous la conduite des activistes, ont marché le mercredi 20 janvier. Objectif : demander le départ des soldats français du Mali. Elles accusent la France d’attiser la crise sécuritaire depuis 2012. Or, des spécialistes des questions sécuritaires préviennent que l’armée malienne seule ne peut pas faire face aux groupes terroristes. Leur présence sur toute l’étendue du territoire national prouve à suffisance l’incapacité des FAMa à contenir la guerre asymétrique sans l’appui des forces étrangères. Certes il y a des zones d’ombre qui entachent la collaboration entre le Mali et certains de ses partenaires, mais cela ne saurait justifier le sentiment anti-français. Au gouvernement de mettre en branle la diplomatie pour redéfinir le cadre politique et juridique de cette présence militaire au Mali.
Malgré l’incapacité politique et militaire du gouvernement d’assurer la présence de l’Etat sur toute l’étendue du territoire, certains citoyens sont obsédés par le départ de l’armée française. Pour quoi cette obsession ? Si la France quittait le Mali ? Ont-ils mesuré les conséquences d’un tel scenario?
Répondre à ces questionnements n’est pas une tâche facile, même pour les spécialistes des questions sécuritaires. Mais la gymnastique intellectuelle peut les conduire sur la voie de la théorie des suppositions. En attendant le résultat de l’acrobatie intellectuelle, sollicitons l’expertise des activistes qui se battent pour exiger le départ de l’armée française du Mali au nom d’un nationalisme démesuré.
Les acteurs de cette démarche mal conçue ne disposent aucun argument scientifique, politique, social ou économique pour répondre à l’épineuse question sur le départ de l’armée française du Mali. Plus grave, les contestataires ignorent le mandat et les conditions d’intervention de l’armée française au Mali depuis 2013.
Une chose sûre, c’est que si demain l’armée française quitte le Mali, le pays se transformera en Somalie. Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour cette « somalisation » tant sur le plan politique, militaire qu’économique.
Le départ de l’armée française sous la pression des activités n’est pas une solution à la crise. Au contraire, cela risque de détériorer la situation sécuritaire, faute d’anticipation et de planification. Aujourd’hui, force est de reconnaitre que l’armée et l’élite politique ne disposent pas d’aucune alternative pour faire face à l’absence de l’armée française.
Ces activistes devraient plutôt réorienter leur combat en mettent plus de pression sur l’Etat pour la mise en place d’un outil de défense en fonction de nos besoins.
Face à un Etat secoué par des scandales de corruption, incapable de répondre aux besoins des populations, le discours tenu par les terroristes a un réel écho parmi les populations marginalisées au Nord et au Centre du Mali.
Même affaiblis après l’intervention française en 2013, les groupes armés terroristes lancent des attaques contre l’armée malienne dans toutes les régions, profitant ainsi de la faiblesse de l’Etat. Cela prouve clairement qu’ils n’ont pas été totalement détruits. Les forces internationales n’échappent pas à cette folie meurtrière.
Pour les forces étrangères, 261 casques bleus ont été tués depuis 2013. La force française a enregistré, depuis 2013, 57 morts. Malgré les pertes, Barkhane dispose 5 200 hommes sur le terrain, avec 200 blindés, 4 drones, 6 avions de combat, une dizaine d’avions de transport et une vingtaine d’hélicoptères. La facture de cet engagement militaire est estimée à un milliard d’euros.
Aucune stabilisation n’est possible sans le retour de la sécurité. Et aucune force ne peut à elle seule la rétablir. Les autorités de la transition doivent s’impliquer davantage aux côtés de la France pour renforcer cette opération militaire. Cela est plus que jamais nécessaire pour le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Le président de la transition a compris la nécessité de cette présence militaire. C’est pourquoi, dans son adresse à la nation le 20 janvier, il a annoncé sa volonté de collaborer avec la France sur le plan militaire.
Aux activistes d’avoir raison garder en accentuant la pression contre la corruption et la mauvaise gouvernance et non de demander le départ de la force française.
Nouhoum DICKO
L’Alerte