Fathi Bachagha (ministre libyen-GNA): «Notre camp politique respecte la trêve»

Fathi Bachagha, le ministre de l’Intérieur du gouvernement d’Union nationale libyen de Fayez el-Sarraj est notre invité ce matin. Il est considéré comme l’homme fort de l’Ouest libyen. Fathi Bachagha était ce dimanche à Berlin en marge de la conférence internationale sur la Libye. Il nous donne son point de vue sur le processus politique et sécuritaire actuellement en cours dans son pays sous l’égide des Nations unies et affirme que son camp politique respecte la trêve.

RFI : Quelle est votre première réaction après les conclusions de cette conférence de Berlin ?

Fathi Bachagha : Les gens en Libye ont mis la barre très haute et s’attendaient à ce que beaucoup de choses ressortent de cette conférence de Berlin. Personnellement, je savais que les conclusions ne seraient pas à la hauteur des attentes libyennes.

Justement, d’après vous, quelles sont les attentes des Libyens ?

Ils s’attendent à ce que la communauté internationale s’unisse pour soutenir de toutes ses forces la solution politique en Libye. Actuellement, la communauté internationale est toujours divisée sur la question. Chaque pays possède sa propre vision de la solution. Il y a aussi des forces régionales qui soutiennent l’idée d’un pouvoir militaire en Libye. Ces pays régionaux possèdent une forte influence auprès de la communauté internationale et cela ne sert pas l’intérêt des Libyens. Le peuple aspire à la stabilité, à vivre dans un État puissant, mais loin de la dictature militaire et familiale.

Êtes-vous engagé à respecter la trêve qui doit conduire à un cessez-le-feu durable ?

Nous tenons à un cessez-le-feu tant que la partie adverse s’y tient. Si elle viole la trêve, notre réponse sera très forte.

Lundi soir, la trêve a été rompue. Qui a été responsable de cette violation intervenue juste après la conférence de Berlin ?

Khalifa Haftar. Malheureusement, il a envoyé à Tripoli des forces dont il prétend qu’il est le commandant en chef, mais en réalité il s’agit de milices qui violent la trêve sans qu’il y ait forcément un ordre qui vienne de sa part ou sans qu’il en ait connaissance. Dans tous les cas, il demeure responsable.

Allez-vous commencer réellement la dissolution des milices et quels sont les mécanismes pour la mettre en œuvre ?

Bien sûr. Dissoudre les milices est une demande du peuple libyen. En ce moment, il y a des discussions sécuritaires qui traitent de la nécessité de dresser une liste de ces milices en partant de l’Est où elles sont en nombre important. Il y a les milices des tribus, les milices qui prétendent garder les sites pétroliers, celles qui ferment actuellement les terminaux pétroliers. Nous faisons donc un inventaire, on doit ensuite les classer : il y a des milices dangereuses, d’autres qui sont avec l’Etat ou qui sont extrémistes. Un extrémisme religieux ou un extrémisme lié à la criminalité. Après une discussion avec les Américains, nous avons défini 14 points pour classer ces milices.

C’est une idée américaine donc, mais les milices de l’ouest libyen sont beaucoup plus nombreuses ?

Il y a toujours cette idée reçue comme quoi les milices n’existent que dans l’ouest du pays. Ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de milices dans l’est libyen. Ce n’est qu’après le 4 avril, que nous avons découvert qu’il y en a vraiment beaucoup. À l’Ouest, les milices sont toutes identifiées. Il est donc plus simple de les classer : on a des milices qui ont combattu à Syrte, aux côtés de la coalition internationale, contre le terrorisme. On a aussi des milices qui défendent actuellement la capitale. Mais celles-là, nous ne les appelons pas milices, ce sont plutôt des groupes armés. Le classement qui nécessite le plus de temps et qui est vraiment difficile concerne les milices de l’est libyen.

On vous accuse d’avoir conduit les milices de Misrata en 2014. Aujourd’hui, votre nom est cité pour diriger les forces de Misrata dans le cadre d’un nouvel appareil sécuritaire dit de garde nationale. Qu’en est-il ?

Je n’ai jamais intégré une milice ou un groupe armé, je suis un officier de l’armée de l’air. J’ai démissionné en 2011, et j’ai rejoint le conseil militaire de Misrata. On dit toujours que je suis un chef de milice, mais ce n’est pas vrai, j’étais à la direction militaire de Misrata en qualité d’officier démissionnaire des forces de Kadhafi. Je suis actuellement ministre de l’Intérieur et je resterai à mon poste jusqu’à ce que le dialogue politique libyen aboutisse et que les Libyens se mettent d’accord sur une brève période transitoire avec un nouveau gouvernement. Si je suis appelé dans le prochain gouvernement, je servirai mon pays, sinon je sortirai en les remerciant de ne pas m’avoir choisi.

Mais l’idée de la garde nationale n’est-elle pas une idée ancienne remise sur la table ?

Si, auparavant, cette force devait s’appeler la sécurité nationale. Elle portera maintenant le nom de la garde nationale. Dans cet appareil sécuritaire, on intégrera les groupes armés conformément au classement en court. Nous avons un classement en trois couleurs pour les milices et les groupes armés : vert, orange et rouge. La milice classée verte par exemple intégrera la garde nationale. Pour l’instant, ce n’est qu’une idée. Nous allons définir le cadre général de cette idée au cours de ce dialogue.

On dit que vous êtes l’architecte de l’accord qui permet à la Turquie l’envoi des mercenaires syriens en Libye. Le président français Emmanuel Macron a appelé son homologue turc à cesser cette manœuvre. Quelle est votre réaction ?

La France est un Etat et nous, nous sommes un autre. Ils sont libres de nous critiquer, mais nous savons comment répondre aux critiques de Macron.

RFI

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