Cheick Oumar Sissoko président de l’EMK: ‘‘pourquoi nous ne sommes pas d’accord’’

La décision prise par le M5-RFP de soumettre des propositions au Président IBK pour une sortie de crise crée des frustrations au sein du mouvement. En tout cas, le regroupement de Cheick Oumar Sissoko n’est pas dans cette logique et tient toujours à la démission d’IBK et de son régime. L’EMK n’a pas signé le document de proposition du M5-RFP. Dans une interview, Cheick Oumar Sissoko désavoue l’autorité de Mahmoud DICKO et dévoile l’intention de son mouvement à poursuivre le combat pour la démission du président IBK. Nous vous livrons l’intégralité de l’interview.

Lors de la conférence d’aujourd’hui (1er juillet 2020) il a été demandé de nommer un Premier ministre de plein pouvoir. Un Premier ministre que le Président de la République ne peut pas démettre. Nous avons appris que le document a été signé au nom de tous les regroupements du M5-RFP. Certains ont affirmé que votre regroupement ne l’a pas signé. Quelle est votre point de vue ?
Cheick Oumar Sissoko : Tu n’as pas bien expliqué. Le document explique que si on opte pour la transition, on accepte qu’Ibrahim Boubacar KEITA reste président, même si son pouvoir sera affaibli. Nous n’avons pas oublié notre objectif initial qui est la démission du Président. Nous avons tenu une grande réunion. Le contenu du document a été expliqué en français et en Bambara. Beaucoup se sont opposés à ce que nous donnions notre autorisation qu’IBK reste Président, même si son pouvoir sera affaibli. Beaucoup ont demandé que le M5-RFP reste sur sa position initiale. C’est ce qui a été expliqué lors de la conférence. Les autres membres du M5-RFP ont signé le document. Nous avons décidé de suivre la majorité. Aussi, au sein de notre mouvement EMK, il y a des échanges entre les membres. Les jeunes se mobilisent. Lors de la conférence, il y avait plus de 200 personnes. Les jeunes de EMK ont envoyé un document pour exprimer leur désaccord face aux propositions faites. Ils se sont mis d’accord avec les autres jeunes. C’est ce que je peux dire.
La journée d’aujourd’hui (mercredi 1er) a été très laborieuse, nous avons tenu beaucoup de réunions. Nous demandons que chacun soit attentif et que nous ouvrions les yeux face aux réalités du pays.

Issa Kaou DJIM a affirmé que d’ici au 10 juillet, le chef de l’État doit donner une réponse favorable à la proposition du M5-RFP. À défaut, les manifestations reprendront. Ce qui veut dire que le M5-RFP tient à l’exécution de ses propositions.
Cheick Oumar Sissoko : Je ne peux pas me prononcer sur ça, car nous n’avons pas signé le document. Au moment des discussions entre nous, il a été dit qu’il n’acceptera pas. S’il n’accepte pas pourquoi l’envoyer le document ? Cela n’était pas notre volonté de faire ces propositions à IBK, même si un de nos membres a beaucoup œuvré dans l’élaboration du document. Mais nous avons opposé notre désaccord par rapport à beaucoup de points. Si tu es membre d’un groupe, tu acceptes beaucoup de choses, mais tu refuses beaucoup de choses aussi.
Nous n’avons pas signé le document parce que son contenu n’est pas ce que nous cherchons. Certains diront que nous avons pris notre distance par rapport aux autres membres du Mouvement. Pour moi, ce sont les autres qui se sont éloignés de nous. Ils se sont démarqués de l’objectif initial, même s’ils continuent de soutenir qu’ils n’ont pas changé de position.
Après le travail que nous avons fait le 5 et le 19 juin, qu’est-ce qui démontre que nous sommes dans l’erreur ? Qu’est qui montre que la mobilisation n’était pas à la hauteur ? Qu’est-ce qui prouve que la mobilisation que nous avons fait n’était pas à la hauteur ? Rien du tout. Lors des deux sorties, tout le monde a été unanime à dire que le régime partira.
Nous avons dit, comment les Maliens peuvent être incapables de marquer leurs empreintes pour l’avenir du pays. Chaque fois, nous nous servons des idées d’autres personnes. Ceux-ci ont-ils l’amour du Mali plus que nous ? Ce sont eux qui connaissent les difficultés du Mali plus que nous ? Il appartient-ils à eux de préparer l’avenir du Mali en lieu et place de nous ?
L’Accord de Tamanrasset, l’Accord d’Alger I et II, l’Accord de Ouagadougou ne sont pas l’œuvre des Maliens. En 2012, ce qui s’est passé, c’est la même CEDEAO qui est venue à Bamako pour nous dire comment faire. Cette fois-ci, c’est eux qui viennent encore pour se mêler de notre affaire. Les présidents appellent nos membres. C’est Mahmoud DICKO qui se lève pour nous montrer la voie à suivre. Il faut que nous réfléchissions aussi pour savoir ce qui est mieux pour nous. Mahmoud DICKO est notre autorité morale, nous avons dit que c’est un musulman, un imam qui dirige la prière. Mais il n’est pas notre autorité politique.

Il se dit que c’est lui qui mobilise la population et que les autres sont derrière lui.
Cheick Oumar Sissoko : Qui vous a dit que c’est Dicko qui mobilise les gens ?

C’est ce que beaucoup de gens disent aujourd’hui.
Cheick Oumar Sissoko : Beaucoup de gens disent ça ? Nous nous sommes engagés dans le combat parce qu’ils sont venus nous rejoindre. Ce sont eux qui sont venus vers nous. Si c’est eux qui mobilisent la population, c’est nous qui avons été les premiers à sortir le 14 mai pour exprimer notre intention. Dans ces mêmes locaux, ils sont venus nous dire qu’ils partagent ce que nous avons dit. Et qu’ils veulent aussi organiser une conférence de presse pour dire la même chose. Donc, nous avons demandé qu’on se mette ensemble. S’ils peuvent pourquoi ils sont venus nous démarcher ? Pourquoi ? Les manifestants qui sortent, vous pensez que ce sont les gens qui prient dans sa mosquée ? Je ne dis pas qu’il ne mobilise pas beaucoup, mais il a juste tenu des propos que les Maliens aiment aujourd’hui entendre. Les Maliens souffrent. Aujourd’hui, toute personne qui sort et montre la voie à suivre pour leur bonheur, ils sortiront.

Donc, vous resterez sur votre position en demandant la démission du Président IBK, les Maliens vous suivent pour ça ?
Cheick Oumar Sissoko : Ce n’est pas ma demande. C’est la demande de mes militants. Sinon, j’allais signer le document. Ceux qui n’ont pas accepté que nous signions le document sont plus nombreux que ceux qui voulaient que nous signions. Cela veut dire que nous allons nous organiser maintenant et voir si nous pouvons travailler avec les autres membres du M5-RFP, ou si nous pouvons mener le combat seul. Nous avons beaucoup de militants.

Est-ce que ce n’est pas l’éclatement du M5-RFP ?
Cheick Oumar Sissoko : Non, le M5-RFP n’est pas éclaté. Le M5-RFP existe toujours et il y a d’autres regroupements qui y siègent. Nous sommes toujours dedans, mais notre combat est le départ d’IBK et de son régime. Mais les autres acceptent de travailler avec IBK. C’est ce que nous n’avons pas compris.

Est-ce que vous avez regretté aujourd’hui ? Parce que vous avez affirmé que vous menez votre dernier combat en mettant le pays sur la bonne voie. Est-ce que vous avez regretté pour ce dernier combat ?
Cheick Oumar Sissoko : Non, je n’ai pas regretté. Pourquoi je vais regretter ? Nous voulons juste que la vérité éclate. Nous nous remettons à Dieu et que la vérité éclate, nous verrons qui a raison. Nous avons dit que c’est la dignité qui différencie les êtres humains. Nous sommes sur la voie de la dignité.

Les Maliens vous suivent ?
Cheick Oumar Sissoko : Je ne sais pas ça, il appartient aux Maliens de dire cela. Je ne sais pas ça, mais les Maliens sont sortis suite à l’unique appel.

Quel appel ?
Cheick Oumar Sissoko : Que IBK et son régime démissionnent. C’est pour ça que les Maliens sont sortis.

Donc vous suivez cette voie jusqu’à présent ?
Cheick Oumar Sissoko : Oui, je suis toujours sur cette voie. Je suis avec les Maliens qui sont sortis pour exiger la démission d’IBK. Je ne suis pas seul. Je suis le Président de EMK et je suis ce que la majorité du mouvement soutient. Sinon, je pouvais signer le document. Les autres ont signé le document et c’est leur droit. Selon les textes de notre mouvement, le chef ne peut rien faire sans écouter les militants. Il faut d’abord que les militants réfléchissent pour donner la bonne direction à prendre. C’est ce travail que nous avons fait. Un chef qui ne fait pas cela cheminera toujours seul et imposera tout ce qu’il veut. Je ne suis pas dans ça aujourd’hui ni demain.

Ils disent que le Mali est membre de certaines organisations internationales dont l’ONU, la CEDEAO, l’Union africaine, et que nous devons les écouter. Si nous refusons d’écouter ceux-ci, le Mali sera comment ?
Cheick Oumar Sissoko :
Les écouter est ce que cela veut dire qu’ils connaissent le Mali plus que nous ? Est-ce qu’ils aiment le Mali plus que nous ? Tout le monde sait que l’État actuel du Mali ne les plait pas. Nous échangeons avec eux. Les ressortissants des autres pays viennent au Mali pour des intérêts. La marche du monde est basée sur l’économie et chacun se dirige vers où ses affaires peuvent prospérer. Les conditions actuelles au Mali n’encouragent pas les autres à venir.
Quel appel avez-vous à lancer aux Maliens de la diaspora et qui les servira pour toujours ?
Cheick Oumar Sissoko : Notre bien commun est le Mali. Pour la cause du Mali, nous devons nous mobiliser où que nous soyons. Il ne faut pas que nous oubliions cela. Il faut que nous travaillions pour ce Mali afin que nous vivons heureux et dans la paix avec tout le bonheur possible. Même si tu donnes ta vie pour le Mali, il n’y aura pas de regret après. Celui qui peut prier Dieu pour un changement au Mali doit le faire. Nous n’avons rien d’autre que le Mali. Que le Mali prospère, c’est ça notre dignité. J’ai dit que c’est cette dignité qui différencie les êtres humains. Pour cette dignité, nous devons nous battre pour ce pays qui est notre bien commun.
Les autres pays prospèrent et nous devons faire comme eux. Comment ces pays peuvent se développer et le Mali est toujours en retard. Comment les autres pays peuvent être propres alors que c’est l’insalubrité totale chez nous. Pour l’avenir du Mali, nous devons mettre l’accent sur l’éducation et la formation. L’éducation des enfants assure l’avenir du pays. Nous devons construire et équiper les centres de santé. Si la population est instruite et en bonne santé, l’avenir du pays est bien assuré. Même si en marchant, on ramasse du Diamant, si nous ne sommes pas instruits, si nous n’avons pas de bons comportements, si nous ne montrons pas de bonnes manières à nos enfants, le pays ne sera pas construit.

Transcription libre
MODIBO KONE

Info-Matin

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