Sans Tabou: Putsch contre IBK, une autre tache noire de la démocratie
Alors que des mouvements de contestation des civils étaient en cours contre le régime du président Ibrahim Boubacar Keita, des militaires s’emparent du pouvoir bien que les actions se sont déroulées pacifiquement. Toutefois, ce coup de force est une autre tache noire de démocratie malienne. Ainsi, à l’espace de 8 ans, le pays pourtant cité en exemple enregistre deux coups d’État militaires. Après Amadou Toumani Touré, ce fut le tour d’IBK de jeter l’éponge, ce 18 août 2020.
La démocratie malienne fait encore face à une rude épreuve. Le mardi 18 août, une mutinerie conduite par des militaires ayant débuté dans la garnison de Kati se termine par un coup d’État contre le président Ibrahim Boubacar Keita. IBK démissionne, dissout le gouvernement et l’Assemblée nationale. Les militaires informent alors le peuple de la création d’un Comité national pour le salut du peuple (CNSP) pour une transition politique et civile avec l’ensemble des forces vives de la nation.
Cette action est une violation de la Constitution de 1992 qui assimile tout coup d’État à ‘’un crime imprescriptible’’ depuis l’avènement de la démocratie dans les 1990. Un avènement pour lequel les Maliens ont payé jusqu’au sacrifice ultime. Certains sont marqués à vie par des blessures des événements douloureux du passage de la dictature à la démocratie. C’était au nom de la liberté d’expression, un rêve interdit sous le pouvoir militaire. C’était également au nom de la stabilité dans la gestion des affaires publiques.
Hélas, depuis le décanat du président Alpha Oumar Konaré, aucun de ses successeurs n’a pu mener à terme son pouvoir. Ainsi, en l’espace de 8 ans, le Mali vient d’enregistrer son deuxième coup d’État : ATT en 2012 ; IBK en 2020.
Cependant, bientôt 30 ans de pratique démocratique, le constat est écœurant à plusieurs niveaux. Des hommes politiques qui sont investis de la confiance populaire trahissent leur serment politique. Les principes et les règles de gouvernance, de gestion du pays par le peuple et pour le peuple sont écartés au profit d’une gestion clientéliste, de favoritisme. Loin d’être enchanté par le coup d’État orchestré contre le président IBK, il faut reconnaitre que cet homme a contribué lui-même à fragiliser l’État par son incapacité de faire face à certaines pratiques avilissantes érigées en mode de gouvernance.
Malgré cet état de fait dénoncé par tout un peuple, c’est quand même déplorable que l’on en arrive à une novelle irruption des hommes en Kaki sur la scène politique. Car, cette attitude ne rime guère avec leur mission de préservation de l’intégrité territoriale et de veille sur la sécurité des personnes et de leurs biens. Peu importe la forme qu’ils cherchent à donner à cette action, elle sera vue et considérée par le monde comme un putsch. Et elle est une violation de notre constitution.
Parce que la démission donnée par Ibrahim Boubacar Keita depuis Kati est loin d’être volontaire et libre. Or, en la matière, la loi est claire et précise là-dessus : aucune démission sous la contrainte ou sous la pression n’est légale. Et les faits, les images et même les propos d’IBK affichent une mise en scène grotesque de sa démission.
« Si aujourd’hui, il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix ? M’y soumettre, car je ne souhaite qu’aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires », a déclaré IBK dans son bref discours de démission.
Par Sikou BAH
Info-Matin