Sans Tabou: justice, vent de liberté ou de révolte ?
Un mardi, comme tant d’autres dans la grande Histoire ! Mais, un mardi qui faute de faire l’histoire sera l’histoire, celle d’une nation divisée et déchirée, d’une démocratie désarticulée et désertée, d’une République ébranlée dans ses fondements dans un pronunciamiento (qu’on a voulu vernir d’une trompeuse légalité) et menacée dans son existence par un obscurantisme forcené qui ambitionne d’installer des califats partout au Sahel.
Au-delà de ces angoisses et frayeurs de géopolitique sous régionale, le Mali de ce mardi 2 mars, de la confession d’un avocat rapportée par Me TAPO, c’est le Mali, nouveau, qui marche sur la tête. Un Mali nouveau qui lénifie le crime imprescriptible et déifie les putschistes et leurs complices. « Ceux qui ont fait le coup d’Etat (crime imprescriptible) n’ont pas encore été amnistiés et c’est eux qui se plaignent d’un hypothétique coup d’état orchestré par de simples civils sans armes. », argument l’avocat Me Kassoum TAPO, ancien Bâtonnier et ancien Garde des sceaux.
En cause ? Le refus du Procureur général de la Cour de la d’Appel de Bamako de signer les ordres de mise en liberté provisoire et par conséquent son refus d’accepter la décision souveraine de la Chambre d’accusation qui, statuant ce mardi 2 mars, dans la fameuse affaire dite de tentative de déstabilisation des institutions du Mali, a décidé purement et simplement d’annuler la procédure et les mandats de dépôt et d’ordonner la mise en liberté immédiatement des prévenus. Arrêtés depuis 70 jours, Vital Robert DIOP, directeur général du Pari mutuel urbain (PMU) ; Aguibou TALL, directeur adjoint de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (AGEFAU) ; Mamadou KONE, payeur général du Trésor et Souleymane KANSAYE, receveur général du District, deux hauts cadres du Ministère des Finances se voient ainsi privés d’une liberté que, par-delà leurs avocats, beaucoup de connaisseurs du droit estiment de ipso jure (c’est-à-dire, nous a-t-on expliqué, de plein droit).
Estimant que les réquisitions de l’Avocat général (Bandiougou DIAWARA qui a choisi de requérir suivant sa conscience d’aller dans le même que Alou NAMPE qui avait demandé la relaxe pure et simple, parce que le dossier est sinistrement vide), le Procureur général Arizo MAIGA, sur ordre et injonction du ministre de la Justice a décidé de se pourvoir contre la décision courageuse de la Chambre d’accusation. Le ministre et son procureur, dans le secret de leurs bureaux peuvent s’opposer aux décisions de justice. Affirmatif, nous expliquent ceux qui savent le droit. Dans le cas présent, le Ministère public a-t-il le bon bout en s’opposant à la libération des prévenus ?
L’élasticité du droit sur le sujet précis est sujet à polémique entre la défense des détenus conduite par Me Kassoum TAPO et le Ministère public. Pour quelle fin ? En tout cas pas dans l’intérêt de ceux-là qui depuis 72 jours maintenant croupissent en prison pour un crime que peu de Maliens sont disposés à leur imputer. Rasta est peut-être une grande gueule, un insolent, un incorrigible provocateur et un emmerdeur comme tout. Mais, il n’est pas de fange des traitres et comploteurs. Il n’est ni vil ni vulgaire. Peut-être vilain adversaire, mais un bon patriote. Vouloir le tremper dans un complot uniquement pour le salir et le détruire ne procède pas, à notre avis, de la saine vertu que les Maliens (ceux d’hier et d’aujourd’hui) se font de la justice. Justice qui est d’essence divine, l’autre attribut et nom de Dieu.
Notre créateur, Allah qu’on ne peut tromper a dit dans le Coran : « Ô vous qui croyez ! Soyez fermes dans l’application de la justice et soyez les témoins d’Allah, quand bien même ce serait contre vous-mêmes ou contre vos parents ou vos proches parents. Que ce soit un riche ou un pauvre, Allah est plus attentif à eux que vous ne l’êtes. Ne suivez donc pas de vils désirs pour que vous puissiez agir équitablement. Et si vous êtes ambigus dans votre témoignage ou si vous l’éludez, souvenez-vous qu’Allah est Très Conscient de ce que vous faites. » (Saint Coran, chapitre 4, verset 136)
Notre prophète Mohamadou Bounou Abdoulahi (Kissi a ni nema be a kan) a dit : « Il y a sept catégories de personnes que Dieu abritera sous Son ombre au Jour où il n’y aura aucune ombre à part la Sienne. L’une d’elles est un dirigeant juste. » (Sahih Mouslim). Et Dieu a dit : « Ô Mes serviteurs! Je me suis interdit l’injustice à Moi-même, et Je vous l’ai également interdite. Ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres. » (Sahih Mouslim)
Comme on le voit, la justice représente la rectitude morale et l’équité, et signifie que chaque chose devrait occuper sa place légitime. La justice sans la justice est donc de ce point de vue un immonde arbitraire.
Ce dossier dans lequel la défense n’a cesse d’évoquer l’intolérable interférence du gouvernement met à nu, outre la perception renforcée d’une justice aux deux visages, l’éveil de conscience d’une magistrature qui a longtemps avalée les couleuvres de l’injustice qui, de plus en plus ose dire non. Cette révolte larvée qui commence par les hauts magistrats du Parquet doit interpeler que le sentiment populaire qui émerge quant à l’injustice et à l’arbitraire dont sont victimes les victimes de la Transition, Ras Bath et ses compagnons de cellule… Au moment même où la principale cible, en tout cas l’une des principales cibles, de cette cabale, à savoir Boubou CISSE nargue les enquêteurs en jouant à cache-cache avec eux. « Je suis à Bamako en lieu sûr » a-t-il osé dire aux médias, et rien n’est fait pour le retrouver, tandis que son frère Aguibou TALL est en prison, parce qu’il est du même sang : a te kouloun koun na, a te kouloun djou la ! Quid de Rasta et des autres qu’on est parti prendre dans leurs lieux de travail ?
Depuis quand et où si ce n’est au Mali de cette Transition une poignée de beaux parleurs, de frimeurs et radins peuvent-ils s’accorder pour renverser avec leur bouche un régime militaire ? Le Procureur général Arizo MAIGA et son patron ont intérêt à trouver rapidement une bonne explication à cet acharnement politico-judiciaire. Ils feraint œuvre utile pour l’apaisement social, dans ce contexte exacerbé d’insécurité qui progresse vers les centres urbains avec toutes les angoisses et tensions imaginables, comme le dit le poète faute d’écouter dans le vent l’herbe qui sanglote et crie justice, de tendre l’oreille dans le calme douillet de leurs bureaux pour entendre se lever la grogne des « juges » du Parquet qui refusent désormais l’incrédibilité, la servilité et la compromission.
L’engagement d’un bras de fer dans le contexte actuel est loin d’être conseillé à un État qui se bat et se cherche sur plusieurs fronts à la fois. Surtout que les raisons avancées pour justifier la cabale relative au marabout et à la viande au Palais (viande séchée nigérienne qu’on appelle Klissi selon les réseaux sociaux) n’ont semble-t-il pas convaincu les Maliens. Ou au nom de l’apaisement social, accepter de libérer les détenus sous contrôle judiciaire et laisser l’affaire mourir de sa belle mort, et s’il faut payer les droits d’auteur à Issa Kaou N’DJIM.
A bon entendeur…
PAR SIKOU BAH
Info-Matin