Poussée à un retrait précipité du Mali: La France opte pour un changement de paradigme dans la coopération militaire avec l’Afrique
La France veut changer son fusil d’épaule en matière de coopération militaire avec l’Afrique. L’annonce a été faite par le président Emmanuel Macron, à l’occasion de son traditionnel discours aux armées, à la veille de la célébration de la fête nationale du 14 Juillet.
Évoquant, à l’occasion, le futur de Barkhane qui aura désormais le Niger pour point d’ancrage au Sahel, le locataire du palais de l’Élysée a rappelé « le défi logistique » que vit aujourd’hui la force française poussée à un retrait précipité du Mali après huit ans de présence, en raison de la brouille diplomatique entre Paris et Bamako. Ce, dans un contexte de montée en flèche du sentiment anti-français au sein d’une opinion africaine devenue très critique à l’égard de l’ancienne puissance coloniale relativement à la présence et au rôle de ses troupes engagées sur le terrain des opérations en Afrique. Et quand la France n’est pas accusée par les Africains de duplicité dans la lutte contre le terrorisme, c’est son impérialisme sous une forme plus feinte, aux relents de néocolonialisme, qui est mis en avant pour lui tailler des croupières au point de renforcer aujourd’hui le ressentiment des populations dans son ancien « pré-carré ».
Le président français fait preuve de réalisme
C’est dire si au-delà de la question militaire, c’est toute la politique africaine de la France qui est aujourd’hui en question. Et cela, l’Élysée semble l’avoir compris. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président français, Emmanuel Macron, fait preuve de réalisme en cherchant à s’adapter à la nouvelle donne. Mais la France avait-elle vraiment le choix ? Tout porte à croire que non. Car, après un peu plus de soixante ans d’indépendance pour la plupart de ses ex-colonies, les réalités ont changé. Les mentalités aussi ont beaucoup évolué avec un éveil jamais égalé des consciences et une implication de plus en plus grande des populations dans les questions politiques qui ne sont plus du seul ressort d’une certaine élite. Mais, il y a aussi le rôle de veille citoyenne joué par une société civile émergente et qui n’a jamais été aussi sûre de sa force, avec des populations africaines de plus en plus intéressées à voir clair dans la gestion de la chose publique.
De ce fait, elles sont devenues de plus en plus critiques et exigeantes envers leurs propres dirigeants qui ont de moins en moins de marges de manœuvre dans la prise de certaines décisions qui engagent le destin de la Nation. De même, ce que la France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, pouvait se permettre, il y a de cela une quarantaine d’années, elle ne peut plus le faire de la même manière, aujourd’hui. Autrement dit, l’ère des coups d’État à la Bob Denard est complètement révolue. Il y a donc nécessité de s’adapter à la nouvelle donne, car les rapports entre États ont changé. Les populations avec, et les besoins aussi.
Bamako a été un déclic pour la France
Aujourd’hui, par exemple, la préoccupation majeure des populations africaines, surtout en Afrique de l’Ouest, reste la question sécuritaire. Et pour beaucoup de ces populations, dont certaines ont été consciemment ou inconsciemment formatées dans le mythe de la toute-puissance de l’ancienne puissance coloniale, si la France n’arrive pas à venir à bout du terrorisme, c’est qu’elle ne joue pas franc jeu. Certains vont même jusqu’à la charger ouvertement de complicité avec les terroristes. Toute chose qui ne fait qu’exacerber le sentiment de rejet de la France par des populations marquées au fer rouge par la récurrence des attaques meurtrières des forces du mal.
De toute évidence, l’on peut dire que le courroux de Bamako a été un déclic pour la France. Une sorte de remise en cause qui justifie cette volonté de redimensionnement de la coopération militaire avec l’Afrique. Et si Macron ne le faisait pas, tôt ou tard, il faudrait le faire. Mais au-delà, ce n’est peut-être pas seulement l’ensemble du dispositif militaire français en Afrique, qui a besoin d’être repensé mais bien plus, en termes de réalisation de projets structurants visant à une véritable autonomisation de l’Afrique. Et cela vaut aussi bien pour la France que pour toutes les autres puissances, qu’elles soient occidentales, asiatiques, etc. Mais ce combat est d’abord celui de l’Afrique qui devrait, pour une fois, savoir tirer la couverture sur elle, et qui a aujourd’hui plus que jamais, véritablement besoin de prendre son destin en main.
Cyrille Coulibaly
Source: Le Nouveau Réveil