PLUMES DE DEUX CONFRÈRES
Deux confrères chevronnés, tous sortis de la célèbre école du CESTI de Dakar, ont trempé la plume dans l’encre ces temps-ci pour parler de la Patrie, pour dire le Mali. Entre « Le Mali, Mon beau Pays » de Moussa Bolly et « Moi, Malien ! » d’Alassane Souleymane, on détecte d’un côté l’amour pour ce pays « Ancien berceau des Grands empires
Pays de bravoure, d’avenir, Université des savoirs » et de l’autre « Le beau Mali avec ses paysages de dunes de sables, de plaines, de falaises, de monts, de fleuves et rivières, de savanes et steppes, de forêts soudaniennes, etc. » Bonne lecture !
Le Mali, Mon beau Pays
Je suis né sur ce lieu
Pour adorer mon Dieu
Faire honneur à ma mère
Et te servir, toi ma chère patrie
La terre de nos ancêtres meurtrie
Ancien berceau des Grands empires
Pays de bravoure, d’avenir
Université des savoirs
Dont la diversité ethnique
Est un terreau fertile, unique
Résistante, sous les conflits croisés
Tu es toujours fièrement dressée
Tel un vieux baobab qui veut rester
Parmi ceux qui souhaitent t’arracher
Toujours ces convoitises, ces mépris
Mais sous les coups reçus de ces conflits
Souvent de la part de tes fils et filles
Tu restes, tu demeures appauvri
Pour sauver la mémoire de mon pays
Alors pour ton honneur, ton intégrité
Ton rayonnement, ta prospérité
Je défendrai chaque mètre carré
Maliba dans mon cœur
Tu n’as point de rivale
Et pour toi mon unique bonheur
Je peux renoncer avec honneur
A mes convictions mes aspirations
Pays de mes rêves, mon ambition
Mon encre, ma sève je te donnerai
Ton unité, je te restituerai
Ton humanisme, ta grandeur de jadis
Sans nul détour je te gratifierai
Sous la plume d’un humble journaliste
Ce calame de l’obscur destiné
Que je ne brandirai, oh grand jamais 10
Car j’ai choisi le Qalam
Dont l’encre bleue doit servir
A défendre ton honneur
Je serai ton médiateur
Car, ta gloire, ta grandeur
La plus grande des réussites
A laquelle je puisse aspirer
En tant que digne fils
De la mère patrie !
BOLMOUSS
Journaliste/Consultant en Communication/Critique
Kadiolo le 20 Août 2018
A ma patrie, le Mali !
Aux Martyrs de l’Indépendance et de la Démocratie
MOI, MALIEN!
Je m’appelle Alassane SOULEYMANE. Je suis citoyen malien. Je viens de Tondibi, dans la commune de Taboye, aux confins des plaines du Tilemsi et de la vallée du fleuve Niger et du grand Gourma, entre Bourem et Gao.
Pour moi quand je dis Tondibi, Tilemsi, Bourem, Gao, Taboye, Gourma, fleuve Niger, tous ces mots sont des référents à mes origines, ancrées dans ce Mali forgé le long des siècles par des empires et perpétué en un Etat unifié au sortir de la deuxième guerre mondiale et du processus d’émancipation politique et sociale des masses africaines vis à vis des empires coloniaux.
Pour quoi quand il s’agit de célébrer le 22 septembre, mon cœur ne peut que vibrer. C’est parce que dans ce monde divisé en Etats faibles et forts, au-delà des continents, je ne connais de place que le Mali. Le beau Mali avec ses paysages de dunes de sables, de plaines, de falaises, de monts, de fleuves et rivières, de savanes et steppes, de forêts soudaniennes, etc. Le Mali avec ses noirs, ses blancs, avec ses citoyens maliens tout court.
En grandissant j’ai appris au gré des notions apprises à l’école, des manifestations y afférentes, ce qu’est la fête nationale du Mali célébrée le 22 septembre.
J’ai assez d’émotion à me souvenir que s’il y a eu le 22 septembre, c’est que la Fédération du Mali a avorté malgré la forte volonté des acteurs des colonies du Sénégal et du Soudan Français à jeter les jalons historiques de la fédération des nations unies d’Afrique qui continue à être revendiquée par les peuples malgré toutes les vicissitudes de l’histoire qui a suivi, de la géopolitique mondiale et bien d’autres.
Pour la symbolique de la tentative historique de ces deux anciens territoires sous domination française que tout liait et lie encore, je ne peux taire ma chance d’avoir étudié au Sénégal, dans la prestigieuse Université Cheick Anta Diop. Les quatre années passées au pays de Kocc Barma, Lat Dior Diop, de Alboury N’Diaye, de Léopold Sédar Senghor, de Cheick Anta Diop m’ont permis de mesurer la chance immense auprès de laquelle citoyens maliens et sénégalais sont passés. Car nos deux nations ont tout pour être ensemble, ont tout à se donner, tout ce que ces frontières barrières artificiellement créées et entretenues empêchent et bloquent aujourd’hui. Avec « la fédération du Mali » avortée, l’Atlantique et le Niger ont raté une jonction qui aurait sûrement mené vers une Afrique Unie et une, et le Dakar Niger aurait été insignifiant devant l’opportunité historique qui s’offrait à Modibo et ses pairs des deux bords ; à nous aussi, leurs descendants.
Je dis cela parce que je ne peux oublier l’instruction que le Sénégal m’a donnée. L’amour aussi de ses populations et surtout de mes confrères. Comment taire ces cinq beaux mois que j’ai passés à la RTS en étant simple stagiaire mais tellement investi de la confiance de la rédaction que l’on m’a confié toute la rédaction sportive de Radio Sénégal le temps de la campagne des premières législatives de l’ère Wade. En l’espace de ce petit séjour, mes »compatriotes » sénégalais m’ont considéré comme un des leurs.
Au point que je ressens le besoin de vous faire cette confidence. Etant à la fin de mes études pour le diplôme supérieur de journalisme, je me préparais à rentrer. Un jour à la rédaction à Radio Sénégal, un des doyens de la presse sportive, et je dis son nom, Abdoulaye Diaw, pour lui rendre hommage pour sa carrière énorme et ce qu’il m’a apporté en un laps de temps, m’a apostrophé ainsi :
– – Alassane il paraît que tu t’apprêtes à rentrer au Mali
– – Oui doyen, hélas!
– – Ah bon. Mais pourquoi tu n’essaies pas de rester un peu au Sénégal. Quatre ou cinq ans. Tu es déjà bien intégré ici. Tu n’auras pas beaucoup de difficultés à t’insérer professionnellement.
– – Oui doyen, j’y ai pensé. Mais je me dis aussi que j’ai l’obligation de rentrer parce que c’est l’Etat qui m’a envoyé en formation, ici. Il y a un manque criard de journalistes professionnels mais aussi il y a le défi de l’organisation de la CAN 2002 que mon pays abrite.
– – OK. Si tu le dis. Tu as raison, la CAN ce n’est pas une mince affaire. On a besoin de main d’œuvre. Je te souhaite le meilleur. L’avenir est pour toi.
Le mois suivant, j’avais soutenu et je suis rentré au Mali
J’ai participé à la CAN en tant que reporter pour l’ORTM avant de retourner pour une année supplémentaire pour une maîtrise en communication et rentrer définitivement cette fois.
Je sais que cette anecdote n’est rien comparée à celles que d’autres maliens aujourd’hui anonymes ou réputés peuvent rapporter. Eux tous ont eu besoin de rentrer participer à la construction du pays.
Ils l’ont fait et continuent de le faire sans aucun doute.
Sans aucun doute depuis 1960, cela se passe ainsi. Nous avons tous un faible pour notre pays. Au point de considérer bon nombre de mes compatriotes comme des nationalistes. Mais les connotations un peu négatives données à ce terme ces dernières années conseillent de reconnaître que mes compatriotes sont simplement patriotes, aimant profondément ce pays pour la grandeur de son histoire et le brassage social solide et pacifiste.
Sans se mettre dans une posture anthropologiste, disons que mes compatriotes ont regardé leur pays, au fil des générations avec plusieurs phases :
– – La génération sous Modibo KEITA avait un regard de pionniers, de précurseurs en ayant eu la chance de voir les premiers pas du jeune pays (nouvelles unités industrielles, nouvelles institutions, nouvelle armée, etc., tout malien !).
– – La génération des 23 ans de Moussa TRAORE a eu le regard sur un certain immobilisme étatique. Le rêve s’est brisé ou s’est arrêté (coup d’état, régime militaire, ajustement structurel, instabilité scolaire, rébellion, etc.).
– – Les générations de la démocratie ont eu un regard de rénovateur de l’Etat (multipartisme, suffrage universel direct, pluralisme de la presse, libertés d’associations, libéralisme économique, etc.).
– Ces dernières générations qui se mêlent à celle de ceux qui viennent d’acquérir le droit de vote ont désormais un regard mitigé, voire figé, très pessimiste car le pays, pour la plupart d’entre eux, se disloque, court à sa perte. A peine le cinquantenaire célébré avec des perspectives d’avenir plus radieuses pour les cinquante prochaines années, tous les rêves semblent être stoppés net, entre cauchemar et hypnose.
Aujourd’hui pas besoin de le découvrir dans des articles ou livres, on le dit, on en parle en famille, au ‘’grin’’, dans les bus, des ‘’sotrama’’, sous les arbres à palabres, les Maliens ne savent plus où va leur pays.
La raison : la situation politico-sécuritaire depuis 2012
Six ans après le début de cette situation malheureuse, trois ans après la signature de l’Accord pour la paix, le doute persiste sur l’intégrité territoriale du pays.
C’est avoir peur de se couper la langue que de ne pas dire que les Maliens dans leur grand ensemble ressentent un malaise général quant à l’issue de ce processus avec la même question : où va leur pays, le Mali ? Oui où va notre pays ? Plus encore, le malaise est réel au sein des certaines communautés sédentaires sonrai, peulh, dogon, etc. qui se sentent délaissées face à d’autres communautés. C’est dans tous les débats et véritable secret de polichinelle. Il y a une peur de l’inversion sociale (et véritablement de l’inversion politique ?). Ces inversions sont loin des inversions normales mais plutôt aptes à déstabiliser les ordres socio-politiques normaux. Certains maliens, en certaines parties du territoire, se posent la question s’ils demeurent maliens encore. Une sorte de ‘’moi malien ?’’.
De plus en plus des voix politiques, intellectuelles s’élèvent contre le risque de dévoiement du processus de paix actuel, qui plutôt que de ramener toutes les parties sur le même chemin, risque de multiplier des chemins sans fin.
Les Maliens, dans leur for intérieur, sont plus que jamais rattachés à leur nation. Et sont prêts à tous les sacrifices pour la sauvegarder, voire la sauver. Mais ils ont besoin de repères, de leadership et d’une gouvernance cohérente alliant prise prudente de décisions, choix éclairé des hommes et orientations générales mesurées.
C’est ce Mali du 22 septembre 1960 auquel nous aspirons tous et auquel nous sommes dédiés. Corps et âmes.
Nous ne devons avoir aucun doute pour l’espoir, aucune place pour le désespoir. Pour cela nous devons voir la torche de la gouvernance, droits dans nos bottes, le bras levé, le poing ferme sur la torche. Nous avancerons, sans courir mais à pas mesurés, vers la paix des cœurs et des esprits.
En ce 22 septembre 2018, je suis plus que jamais malien et fier de l’être. Je crois en le Mali. Je crois à la paix. Mais elle est doit s’acquérir dans le courage, la vérité, l’amour et l’espoir.
Joyeuse fête du 22 septembre !
Bamako le 21 septembre 2018
Alassane SOULEYMANE
Journaliste