Petits pas vers la paix, grand pas vers la liquidation de la République

Le dimanche 14 mars dernier, un accord temporaire de cessez-le-feu d’un mois a été conclu entre les chasseurs traditionnels qui s’efforcent de sécuriser les populations, et des jihadistes de katiba Macina affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et donc à al-Qaïda au Maghreb islamique. C’était sous l’égide du Haut Conseil Islamique du Mali (HCI), mandaté par l’Etat pour mener la médiation.

Le gain immédiat de cet accord, c’est évidemment la bouffée d’oxygène qu’il apporte aux habitants du cercle de Niono. De même, il représente un petit pas vers la paix, tout comme l’ont été les différentes rencontres qui ont réuni les délégués de l’ensemble des communes du Cercle de Niono, les Donsos, les jihadistes, ainsi que l’État, à travers quatre départements ministériels.
Un autre gain certain de cet accord de cessez-le-feu, est qu’il donne un répit aux Forces armées maliennes (FAMa) qui doivent défendre, ratisser un territoire d’une superficie de 1, 241 million km2. Le précédent en la matière, est l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger de 2015 qui met un terme à l’état de belligérance avec les mouvements armés. Les FAMa seraient certainement débordées si elles devaient faire simultanément la guerre à des groupes terroristes et à des groupes rebelles.
C’est connu que chemin vers la paix est une succession de petits pas ; mais il y a lieu de réfréner certaines velléités triomphalistes, parce que certains termes de l’accord de cessez-le-feu sont sépulcraux en ce qu’ils sapent les fondements de la République. Les chasseurs traditionnels (Donsos) laisseront les jihadistes entrer dans les villages pour prêcher, est un des termes de l’accord. En l’acceptant, les médiateurs et les chasseurs ont ouvert la boîte de pandore. Parce que toutes les fois que ces prêches sont présents, l’application de la charia dans sa forme la plus ringarde n’est jamais loin. Nous en sommes presqu’à délivrer un exeat à ces jihadistes dont la position n’a jamais évolué. Le philosophe Baruch Spinoza disait à propos ‘’la paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice’’. Certes, il y a une absence de guerre fugace, mais peut-on gager sur la vertu, l’état d’esprit, la volonté de bienveillance de ces jihadistes coupables de crimes de brûler des récoltes, d’affamer et d’assoiffer des populations civiles prises en otage ?
Ne soyons pas naïf. Tous les habitants du cercle de Niono ne sont ni musulmans ni prêts à écouter les prêches des séides de Iyad Ag GHALY, encore moins subir leurs lois obscurantistes. En donnant l’exequatur aux jihadistes, l’on fait un grand pas vers la liquidation du principe de la laïcité consacré à l’article 25 de la Constitution du 25 Février 1992, jusqu’à preuve du contraire en vigueur : ‘’le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque, et sociale’’. L’article 4 de la même Constitution dispose : ‘’toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi’’. L’expérience d’un passé récent nous enseigne que la ‘’liberté de religion’’ est le cadet des soucis des jihadistes.
De même, l’accord de cessez-le-feu est en violation flagrante du principe selon lequel la République du Mali est indivisible ; d’autant plus qu’il consacre une division religieuse : une partie du territoire où la charia peut s’appliquer, sous le vernis de prêches, et une autre partie où elle ne s’applique pas. A moins que Farabougou ne soit le premier maillon d’une chaîne ! Et Iyad aura gagné son pari.
In fine, s’il est incontestable que toutes les guerres se terminent autour de la table de discussion ; mais certains accords sont plus toxiques que la guerre. L’Etat malien ne peut pas capituler au moins de passer sous les fourches caudines, en brodant pour brocanter sa loi fondamentale. La vigilance doit être de mise, sous peine d’avoir sur les bras une autre guerre inattendue. À bon entendeur…

PAR BERTIN DAKOUO

Info-Matin

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