«On risque d’assister à un vrai soulèvement en France» suite à la crise du Covid-19

Les Gilets jaunes ont à nouveau battu le pavé dans plusieurs villes de France lors de ce premier week-end de déconfinement. Pour François Boulo, avocat et porte-parole du mouvement à Rouen, le risque de grave crise économique que font peser le Covid-19 et le confinement pourrait mener à un «soulèvement».

«Il y a les Gilets jaunes, il y a eu la contestation contre la réforme des retraites, maintenant, cette crise du coronavirus. La colère se répand de plus en plus au sein de la société française», s’insurge François Boulo au micro de Sputnik.

Figure des Gilets jaunes, cet avocat n’est pas surpris par le retour rapide du mouvement dans les rues. Malgré l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, prononcée par les autorités, des centaines de Gilets jaunes se sont réunis dans plusieurs villes de France le 16 mai pour ce premier week-end de déconfinement.

Nantes, Montpellier, Paris, Bordeaux ou encore Toulouse: les sympathisants du mouvement ont à nouveau fait entendre leur colère.

«Je pense que dans la tête de beaucoup de Gilets jaunes, il y a effectivement une volonté de reprendre la contestation sociale en s’appuyant sur la gestion de crise catastrophique du gouvernement face à la crise du coronavirus», explique François Boulo.

Jean-Jacques, 52 ans et sympathisant depuis le début du mouvement, a confié sa détermination à nos confrères du Parisien: «Je suis révolté. La répression est toujours là, mais nous aussi. Il faudra compter avec nous ces prochaines semaines.»

La situation s’est tendue à Montpellier, où environ 350 Gilets jaunes s’étaient regroupés place de la Comédie. Un encerclement par les forces de l’ordre et un mouvement de foule plus tard, des coups de matraque ont été portés sur plusieurs manifestants.

Vers une deuxième vague du mouvement?

Reste que ce retour des Gilets jaunes s’est fait dans des proportions qui sont sans commune mesure avec les «actes» de l’automne et de l’hiver 2018, quand des centaines de milliers de manifestants arpentaient les rues de France. Dans de grandes villes comme Bordeaux ou Paris, les manifestants n’étaient que quelques dizaines le 16 mai. Un constat qu’explique François Boulo, notamment par des facteurs économiques:

«Je ne crois pas à un mouvement massif dans les jours qui viennent. Beaucoup de gens ont perdu des proches et/ou se retrouvent en difficulté sur le plan financier. Dans un premier temps, un certain de nombre de Français essaiera de faire rentrer à nouveau de l’argent, car pour eux, la priorité est de se nourrir et de se loger. En revanche, la colère est bien là et je pense qu’ils se mobiliseront plus tard.»

Citée par Le Point, une note du Renseignement français datée du 6 mai à propos de «l’impact du Covid-19 sur la mobilisation des mouvances contestataires» fait état d’un possible retour en force de la mouvance jaune: «Tout en continuant à se soumettre au même titre que le reste de la population à la mesure de confinement, les mouvances contestataires mettent à profit cette période d’“assignation à résidence collective” pour réfléchir sur “leurs manières d’agir” post-confinement. Les mouvances contestataires ainsi que certains Gilets jaunes appellent à des actions dès la fin du confinement.»

​En route vers la deuxième vague? Pour François Boulo, c’est probable:

«On risque fort d’assister à un vrai soulèvement en France. Surtout si, lorsque le drame économique va se faire sentir avec force, Macron conserve son logiciel, qui consiste à faire payer les classes moyennes et les pauvres et non les ultra-riches. Si tel est le cas, je pense que cela va très mal se passer.»

«C’est la seconde vague des Gilets jaunes qui se prépare!», lançait en écho Fanny, 30 ans, citée le 16 mai par Le Parisien. Et pour François Boulo, «l’attitude docile» d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Union européenne pourrait mettre de l’huile sur le feu de la contestation sociale en France.

L’avocat raille notamment le concept de «souverainisme européen» défendu par le locataire de l’Élysée: «Il ne peut y avoir de souverainisme européen, car il n’y a pas de peuple européen. Il y a différents peuples avec différents intérêts et la récente décision du tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe, qui s’en prend à la politique monétaire de la Banque centrale européenne, le montre plus que jamais. L’Allemagne est bien décidée à défendre ses intérêts nationaux. Cela montre bien que le concept de “souverainisme européen” défendu par Emmanuel Macron est totalement creux.»

Le porte-parole des Gilets jaunes à Rouen prend un autre exemple à l’étranger: l’Italie. Selon lui, le risque d’explosion sociale est moindre de l’autre côté des Alpes:

«Il y a eu une prise de conscience de beaucoup de citoyens en Italie sur la question de l’Union européenne lors de cette crise. On peut imaginer que le gouvernement de Rome fasse de même en s’affranchissant des carcans européens, ce qui lui permettrait de prendre des mesures réellement en faveur des plus pauvres et des classes moyennes et non plus des plus riches. Car c’est toute la question. Les traités européens empêchent de faire de tels choix politiques. Du côté français, Emmanuel Macron a toujours été du côté de Bruxelles.»

Sputnik

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