Mousseux anglais et Union Jack: c’est le jour J du Brexit
Le mousseux anglais est au frais à Downing Street et les drapeaux britanniques flottent devant le Parlement. Après trois ans de déchirements, le jour du Brexit est arrivé et le Royaume-Uni entame vendredi un nouveau chapitre de son histoire, qui reste entièrement à écrire.
Devant le Parlement de Westminster, les Brexiters jubilent et les europhiles déchantent en cette journée historique qui met fin à 47 ans de mariage houleux entre les Britanniques et l’UE, qui perd pour la première fois un Etat membre.
« Nous reviendrons », espèrent des manifestants pro-UE, béret aux couleurs européennes sur la tête. « Le Royaume-Uni s’isole lui-même du reste du monde. (…) Je pense qu’il faut l’appeler Petite-Bretagne », déplore Peter Benson, un comptable de 57 ans.
Pour le quadragénaire Wayne Green, en visite dans la capitale, c’est en revanche « un grand soulagement » car « l’UE est une arnaque ». Tout l’argent qui ne sera plus versé à Bruxelles « sera dépensé pour le peuple britannique », abonde Douggie Loveridge, en chemise aux couleurs de l’Union Jack.
– Mousseux anglais –
Brandissant le drapeau rouge, blanc et bleu, plusieurs eurodéputés britanniques europhobes ont quitté triomphants le Parlement européen à Bruxelles. « Goodbye! Nous ne reviendrons pas », a lancé l’une d’eux, Ann Widdecombe.
Dans la soirée, c’est devant le Parlement britannique, lieu de débats acharnés depuis le référendum de 2016 sur le Brexit, voté par 52% des Britanniques, que les partisans les plus farouches du Brexit savoureront leur victoire.
Les bâtiments officiels seront illuminés. A Downing Street, le Premier ministre Boris Johnson servira du mousseux anglais lors d’une réception tandis qu’une horloge lumineuse lancera le compte à rebours une heure avant le grand saut à 23H00 GMT (heure de Londres et GMT).
Mais ce clap de fin n’en est pas vraiment un, trois ans et demi après le référendum qui a semé la zizanie dans le pays.
Le jour a beau être historique, il n’entraîne pas de grand changement concret dans l’immédiat. Pour que la séparation se fasse en douceur, le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles européennes jusqu’au 31 décembre.
– « Etre indépendant » –
Le Brexit marque surtout le début d’une deuxième saison dans cette longue saga: celle des complexes négociations sur les liens qui uniront Londres et Bruxelles en matière commerciale, de sécurité ou de pêche après la transition.
Londres souhaite aboutir en un temps record, avant la fin de l’année, et exclut toute prolongation de la transition au-delà de 2020. Un calendrier jugé très serré à Bruxelles.
Boris Johnson, qui détaillera sa vision en début de semaine prochaine, a déjà clairement annoncé qu’il visait un accord de libre-échange du même type que celui signé par l’UE avec le Canada, sans alignement sur les règles communautaires, quitte à accepter des contrôles douaniers.
« Nous avons clairement dit que nous quitterions l’union douanière », a dit un porte-parole du dirigeant. « Le peuple britannique veut être indépendant ».
Mais Bruxelles, qui craint une concurrence déloyale, a d’ores et déjà prévenu: sans « conditions équitables » en matière d’environnement, de travail ou de fiscalité, pas de « large accès au marché unique ».
Plus alarmiste, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a mis en garde contre « la menace existentielle » que constituerait pour l’économie irlandaise un échec à conclure cet accord commercial.
– « Profonde tristesse » –
En attendant, Boris Johnson peut savourer comme une victoire la concrétisation du Brexit, après avoir été élu à une large majorité en décembre sur la promesse de le réaliser.
Il a réussi là où la précédente locataire de Downing Street, Theresa May, avait échoué: il a fait adopter sans encombres son accord de divorce renégocié à l’automne avec Bruxelles.
Le texte, qui a ensuite été voté dans l’émotion au Parlement européen, règle les modalités du divorce en garantissant notamment les droits des citoyens expatriés et en résolvant le casse-tête de la frontière entre les deux Irlande.
« C’est le moment d’un vrai renouveau et changement national », doit dire le dirigeant dans un discours à la nation, une heure avant le Brexit.
Le conservateur, qui réunit ses ministres dans la ville pro-Brexit de Sunderland, souhaite surtout « unifier » pour aller « de l’avant », une tâche s’annonçant difficile tant sont profonds les antagonismes au sein de la population.
Dans l’Ecosse europhile dont le Brexit a ravivé les velléités d’indépendance, la Première ministre Nicola Sturgeon a évoqué vendredi « un moment de réelle et profonde tristesse (…) empreinte de colère ».
Face au refus catégorique de Londres d’autoriser un nouveau référendum sur l’indépendance, elle s’est dite déterminée à amplifier la bataille.