Le Mali, un pays malade
Depuis près d’un demi-siècle notre pays est saisi d’une nervosité légitime. Des actes étranges posés par des personnalités, dont certaines en charge du devenir de la nation interpellent, irritent, exaspèrent, horripilent… Parce que des intérêts personnels, familiaux et affairistes semblent avoir été mis au-dessus de l’intérêt général, national. Parce que des loups semblent avoir été introduits dans la bergerie par le blanc-seing du berger… A qui se fier dès lors ?
La force des Institutions de la République repose sur la confiance des administrés plus que sur la crainte. Lorsque la confiance est entamée, la fin est proche.
Dans ce chaos médiatique où s’entrechoquent pêle-mêle arguties juridiques, intérêts financiers et enjeux politiques, il convient surtout de saisir le moment pour nous interroger en profondeur sur les causes structurelles de tant de désinvolture. Nous demander pourquoi l’appât du gain facile semble être un syndrome malien. Plus particulièrement, au nom de quoi certains de mes concitoyens pensent-ils que l’accession à des responsabilités étatiques leur donne tous les droits ?
Le droit d’aliéner les ressources nationales au profit exclusif de leur famille, celui de leurs amis. Quelle que soit la proportion du préjudice, c’est tout simplement la démarche qui est moralement insoutenable : des tickets de carburant détournés et offerts à des amis aux milliards de Fcfa détournés, le principe est le même. C’est juste l’opportunité qui diffère.
Vu sous cet angle, le Mali est malade. Profondément malade. La corruption, la concussion, les passe-droits, le mensonge, l’enrichissement illicite sont partout et à tous les niveaux. Ne nous voilons plus la face ! Les agents de la circulation se servent au vu et au su de tous les usagers. Les agents de douanes pactisent avec les commerçants véreux et les industriels indélicats qui jouent avec les nomenclatures des intrants pour accroître leurs marges bénéficiaires.
Les Professeurs d’Université font le grand écart entre le public et le privé. Les médecins des hôpitaux publics sévissent dans les cliniques privées… Les ingénieurs agronomes se déploient dans le système des Nations unies, à la FAO, ou dans les Institutions internationales pour réfléchir sur la meilleure manière de lutter contre la faim dans le monde. Pendant ce temps les milliers d’hectares de terres arables sont laissées à la merci du capital étranger qui se crée des boulevards de prospérité à travers notre misère qui est surtout morale.
La génération actuelle, la plus servile et la moins inventive
En vérité, les élites militaro-politiques et affairistes du Mali vivent à des années-lumière de la réalité d’un pays pauvre, mal gouverné, sans perspectives autres que des discours chimériques sur une émergence hypothétique.
Et une question qui fâche : Sommes-nous vraiment un pays indépendant ? La question est posée. Car de plus en plus la mainmise étrangère sur notre souveraineté est visible à l’œil nu. En plus, la circulation de l’argent…sale ( ?) achève de corrompre les rares poches de résistance au profit de prédateurs de tout acabit. Et la responsabilité de cet état de fait repose exclusivement sur le manque de courage de plusieurs dirigeants successifs qui ont mis la préservation de leur « pouvoir » au-dessus d’une véritable ambition de grandeur pour notre pays.
Et pour clore le tout, la génération actuelle de leaders est la plus servile et la moins inventive que ce pays a connue depuis 60 ans ! Et voilà que de nouvelles puissances qui se sont construites pendant que nous dansions s’invitent au banquet : les Indiens, les Chinois, originaires de pays vraiment émergents, s’installent et prospèrent devant nous. Chez nous !
Serions-nous des incapables au point de ne pas voir les opportunités qui les attirent ici ? Ou plutôt nos dirigeants ne leur facilitent-ils pas l’accès à ces opportunités qu’ils nous cachent moyennant subsides et dessous-de-table ? Le Mali est malade essentiellement de ses élites.
Ce pays est victime de la gourmandise d’une petite nomenklatura qui siphonne littéralement tout ce qui aurait dû faire l’objet d’un partage avec la majorité à travers un investissement massif dans les services sociaux de base : l’éducation, la santé, les infrastructures de transport, les aménagements hydro-agricoles.
Une minorité capte à son profit exclusif des moyens destinés au bien de tous : et on se partage les tracteurs, et les intrants, et on se destine les fonds pour ouvrir une route jusqu’à l’intérieur de la concession de son marabout ou de son féticheur.
Pour se donner bonne conscience mais aussi pour le compromettre à son insu…Ainsi fonctionne le « SYSTÈME ». Et l’on se tape des voitures d’un luxe insolent aux frais du contribuable. Un train de vie ostentatoire caractéristique des parvenus et des nouveaux riches…
Ramer à contre-courant
J’aimerais un jour d’ailleurs que l’on m’explique comment un agent peut se retrouver millionnaire après l’exercice de fonctions publiques. Je ne parle pas de milliards… Techniquement impossible au vu de la grille salariale en vigueur.
La société malienne est donc profondément malade. À nous tous de la soigner en commençant chacun par lui-même ! Il faut des hommes et des femmes de courage pour ramer à contre-courant et se décider à mettre de l’ordre.
Et d’abord restaurer au mérite et au travail son sens et sa noblesse.
Mettre un terme à la société de jouissance dont les Maliens sont si friands. Dénoncer le culte de l’apparence et le griotisme qui en est le levain.
Nous inspirer des meilleures pratiques à travers le monde en termes de gestion vertueuse et inspirée des revenus miniers et pétroliers pour donner à nos enfants une chance de vivre dans un pays organisé, travailleur, respectable et respecté.
Investir massivement dans l’agriculture et les petites industries de transformations. Le reste suivra. Au lieu de nous disputer les classements d’avant-dernier de la classe, selon la Banque Mondiale. Tels sont, à mon sens, les axes structurels d’une Révolution Pacifique à la malienne. Soyons ambitieux !
Sambou Sissoko
Nb: le titre et les intertitres sont de la Rédaction.
Le Wagadu