La sécurité nucléaire mondiale améliorée grâce à un phénomène découvert par des physiciens russes

Des physiciens russes sont sur le point d’inventer un détecteur de neutrinos mobiles, une invention qui pourrait contribuer à la sécurité nucléaire mondiale – notamment en rehaussant le degré d’exactitude du contrôle des réacteurs nucléaires à distance.

Des scientifiques de l’Université d’Ingénierie physique de Moscou ont réalisé une série d’expériences qui permettront de multiplier presque par 1.000 l’exactitude du contrôle des réacteurs nucléaires à distance. Le principe de fonctionnement du dispositif susceptible d’améliorer le niveau de sécurité nucléaire repose sur un phénomène récemment découvert: la diffusion élastique cohérente des neutrinos. Le service de presse de l’Université a diffusé un communiqué sur les résultats de ces recherches soutenues par la corporation d’État Rosatom.

L’analyse du rayonnement de neutrinos est l’une des méthodes de contrôle de l’état des réacteurs nucléaires. Elle permet d’empêcher le vol des combustibles nucléaires qui peuvent être utilisés pour fabriquer des armes nucléaires illégales. Cette analyse est réalisée à distance de sorte que ne soit pas perturbé le fonctionnement des centrales nucléaires dont on pense qu’elles peuvent être la cible de malfaiteurs.

«Les neutrinos sont des particules élémentaires émises en grandes quantités lors des réactions nucléaires. Pour arrêter à coup sûr les neutrinos émis par un réacteur nucléaire, il faudrait un « mur » de plomb d’une épaisseur d’une année-lumière. On comprend donc pourquoi ils franchissent sans obstacles les enceintes de protection des centrales nucléaires. L’analyse du rayonnement de neutrinos permet de comprendre la composition isotopique de la réaction, d’une part, et ce qui se produit à ce moment-là au cœur de la zone active du réacteur, d’autre part», a expliqué Alexandre Bolozdynya, directeur du laboratoire de physique nucléaire expérimentale de l’Université d’Ingénierie physique de Moscou et responsable du projet.

Comme l’expliquent les spécialistes de l’Institut d’Ingénierie physique de Moscou, la formation de l’isotope 239Pu résulte de l’absorption d’un neutron par 238U à l’intérieur des réacteurs. Se trouvant dans un état excité, les 239Pu se désexitent par l’émission de neutrinos. Les détecteurs de rayonnement de neutrinos permettent de mettre en évidence la présence de cette substance ou d’enregistrer les changements de la composition isotopique dans la zone active du réacteur.

Les chercheurs de l’Institut d’Ingénierie physique de Moscou améliorent la méthode de contrôle des neutrinos et mettent au point un type de détecteurs d’émission biphasiques totalement nouveau. La conception de ces appareils repose sur l’effet de diffusion élastique cohérente entre neutrinos et noyaux lourds (CEvNs, pour coherent elastic neutrino-nucleus scattering). Ce phénomène, dont des physiciens soviétiques avaient eu l’intuition il y a plus de 40 ans, a été mis en évidence en 2017 au cours d’une expérience d’accélération de particules.Selon les chercheurs de l’Institut d’Ingénierie physique de Moscou, l’utilisation de l’effet de CEvNs permet de mettre au point un détecteur qui sera presque 1.000 fois plus sensible aux neutrinos contenus dans les réacteurs que les appareils existants. Les détecteurs actuels de neutrinos sont des constructions de plusieurs tonnes dont la taille est comparable à celle d’un réacteur de centrale nucléaire. Le nouveau détecteur sera, lui, de petite taille et mobile.

Les chercheurs ont achevé actuellement l’analyse des données recueillies au cours de la seconde observation de CEvNs de l’histoire. Selon eux, les résultats permettent de préciser considérablement le modèle théorique du phénomène. Lors de cette expérience, ce sont des noyaux relativement légers d’argon qui ont servi de cible aux neutrinos.

«Les propriétés de l’argon sont proches de celles du xénon qui est utilisé dans notre détecteur RED-100. Mais l’argon est beaucoup moins cher. Les données que nous avons obtenues ont montré que les gaz nobles peuvent être utilisés pour développer des détecteurs de rayonnement de neutrinos relativement compacts», a expliqué Alexandre Bolozdynya.

Selon les experts de l’Institut d’Ingénierie physique de Moscou, le détecteur qu’ils sont en train de développer retient déjà l’attention des responsables de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dans la mesure où son utilisation permettra de rendre l’électronucléaire plus sûr et transparent.Par ailleurs, les chercheurs soulignent que la sensibilité de ce nouveau détecteur permet de l’utiliser à des fins purement scientifiques. Par exemple, pour analyser le rayonnement de neutrinos du Soleil ou des supernovas ce qui permettra de mieux comprendre les processus qui se déroulent à l’intérieur de ces objets cosmiques.

Les chercheurs prévoient de procéder aux premiers essais de leur prototype à la centrale nucléaire Kalininskaïa dès l’année prochaine.

Le projet de mise au point du détecteur RED-100 est subventionné par l’État (Fonds scientifique russe N°18-12-00135). La société Science et Innovation (Naouka et Innovatsii) de l’entreprise publique Rosatom, finance les essais du détecteur RED-100 dont le but est de mettre au point une technologie efficace de contrôle à distance de la zone active des réacteurs des centrales nucléaires.

Sputnik

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