Insécurité au centre du pays: Les groupes d’autodéfenses en ordre de bataille contre le terrorisme
Dans le souci d’atténuer la souffrance des populations rurales et rétablir la confiance entre les populations du Centre du pays, les groupes d’autodéfense peuls et dogons jadis sujet d’interminables conflits intercommunautaires ont procédé à une déclaration d’Accord de coopération en novembre dernier. Ledit accord consistait pour les deux groupes d’autodéfense d’unir leurs forces pour faire face aux groupes terroristes.
Des villages calcinés, du bétail emporté, des biens spoliés, des exactions attribuées aux différents groupes armés, des engins explosifs improvisés enfouis le long des chemins des foires, des check-points des groupes d’autodéfense de part et d’autre sont entre autres facteurs de détresse des populations recensées par notre équipe de reportage sur les questions sécuritaires dans le Centre du pays.Pour rompre avec le stigmate attribuant des cas d’exactions aux groupes d’autodéfense et d’éviter toute équivoque concernant l’ensemble de la communauté peule sidérée par des préjugés d’actes terroristes, le groupe d’autodéfense Dogon (Dana Ambassagou) avec à sa tête son chef d’état-major Youssouf Toloba et le mouvement Peulh Yimbe E Yadibe (Ami et Sympathisant) dirigé par Sékou Allaye Boly, chargé de mission au ministère de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale ont mis en place une coopération pour des opérations de patrouille mixte et de ratissage dans le centre afin de lutter contre les groupes terroristes de la Katiba Macina de Ahmadou Kouffa affiliée à Al-Qaïda et à l’EIGS (Etat islamique) qui sèment la terreur depuis près d’une décennie dans ces zones.
La situation sécuritaire est relativement calme eu égard à la présence des FAMa et aux actions des mouvements d’autodéfense, après l’attaque barbare de Kani Bonzon enregistrant plus de 12 morts. “Aujourd’hui nos FAMa mènent des opérations dans ces zones notamment sur la route nationale (RN 15) qui est l’une des routes qui endeuillaient plus de nos populations”, confie Amadou Lougué, président du Conseil local de la jeunesse de Bandiagara.Pour Almaoud Ongoïba, porte-parole de Dana Ambassagou, le rôle que joue le mouvement est purement patriotique et cadre conformément avec les principes de l’Etat en se référant sur l’article 22 de la Constitution qui stipule que “la défense de la patrie est un devoir pour tout citoyen”. Tout en déplorant l’influence culturelle coloniale, qui fait croire que la sécurité et la protection du territoire national n’incombe qu’à l’armée régulière alors qu’aujourd’hui la crise sécuritaire a démontré que les chasseurs ont bel et bien leur place dans le dispositif sécuritaire en renfort à l’armée régulière, ce qui aura d’ailleurs besoin de réformes au sein du dispositif sécuritaire.
Lors de la visite du ministre de la Réconciliation, Ismaël Wagué à Dandoly dans la région de Bandiagara, les deux mouvements ont promis d’unir leurs forces et combattre de façon conjointe le terrorisme, nous confie Almaoud Ongoïba, porte-parole Dana Ambassagou bien que plusieurs notabilités restent dubitatives.
Face à cette décision, la désapprobation d’un membre de l’association Monobemo (Soyons unis) en langue dogon dont nous tairons le nom pour des raisons sécuritaires, ne s’est pas fait attendre. Selon lui, seul l’Etat a le droit d’être le garant de la sécurité et non une milice quels qu’en soient ses idéaux. Il n’a pas caché sa crainte de voir un jour cette milice se substituer à l’Etat.
Monobemo est l’une des associations médiatrices et précurseur dans la résolution des accords entre les GAT et les villages signataires. Estimés mal compris, ces médiateurs sont souvent ciblés par les groupes des chasseurs qui les accusent de mèches avec les terroristes et les terroristes en retour s’en prennent à eux prétextant de collaboration avec le gouvernement. Ils se trouvent donc entre le marteau et l’enclume.
En revanche le président de la jeunesse de l’association Peulh Taabital Pulaku, Moussa Dicko remet en cause le processus d’union des deux entités. “La majorité de la communauté peule ne se reconnaît pas dans cet accord, car c’est une initiative salutaire certes, mais qui va au-delà des deux associations, il aurait souhaité le désarmement de tous les groupes d’autodéfense en passant par une révision dudit accord en impliquant l’ensemble des cadres et érudits des deux communautés et l’amener à l’échelle nationale afin que l’Etat soit le garant de cet accord”, clame-t-il.Nos tentatives de joindre M. Sékou Boly sur la question sont restées vaines. Toutefois, la situation sécuritaire dans les régions du Centre s’améliore progressivement. Certes l’armée multiplie sa présence de façon régulière dans les villages reculés, même dans les environs de 23 h à zéro heure. Mais il faut reconnaître aussi qu’il reste encore beaucoup à faire, jugent des paysans rencontrés.
Mamadou Tapily
(Stagiaire de retour du Centre du pays)
Source: Mali Tribune