Imbroglio au conseil malien des chargeurs : Transition ou illégalité ?
Incongruité, caducité, illégalité, illégitimité ! Ces mots déjà très forts ne suffisent, à eux seuls, pour décrire ce qui se passe au Conseil malien des chargeurs. Le silence des autorités de Transition ne s’explique en aucun cas face à une situation où tous les ingrédients sont réunis pour asseoir une transition afin de procéder au nettoyage des textes qui présentent beaucoup de lacunes et entrainent ainsi des contentieux électoraux, comme on risque de le vivre encore si rien n’est fait jusqu’au prochain scrutin qui se prépare. En plus, le mandat de l’actuel président, Ousmane Babalaye Daou, est arrivé à son terme depuis le 18 mai 2020 et selon les textes, l’élection du président et d’un nouveau bureau doit intervenir quatre mois avant la fin du mandat en cours. Ce qui n’a pas été fait, les élections étant prévues pour le 24 avril prochain. Quatre candidats sont attendus, pendant des membres de la Chambre consulaire, avec comme tête de file Abdoulaye Samaké, demandent une transition avec force argumentaire.
Le mandat de l’actuel président du Conseil malien des chargeurs étant caduc depuis le 18 mai de l’année dernière, c’est seulement maintenant qu’on songe à organiser un nouveau scrutin sur fond de divisions. En effet, malgré l’effervescence dans les états-majors de quatre candidats déclarés, une partie des membres consulaires estiment qu’il y a nécessité d’instaurer d’abord une transition pour procéder à la relecture des textes, au lieu d’aller directement à des élections qui seraient sources de contentieux.
Les quatre candidats attendus sont : Bakissima Sylla, Boureima Mounkoro, Souleymane Baba Traoré et le président sortant, Ousmane Babalaye Daou qui est en train de passer sa 13è année au poste de président du Cmc. A chacun des candidats nous donnerons la parole, au moment opportun.
Mais déjà, cela augure de sérieuses empoignades et surtout des contentieux électoraux comme on en a vus lors des élections passées car les sources de conflit se trouvent encore bien présentes dans les textes jugés inappropriés et inadaptés. Raison pour laquelle une partie des membres consulaires demande avec insistance une Transition pour relire les textes avant d’organiser de nouvelles élections. Ils ont comme chef de file Abdoulaye Samaké dont le Cmc est son bébé pour avoir œuvré à sa création.
Rappelons que, pour moins que ce qui se passe au Conseil malien des chargeurs (Cmc), un Collège transitoire fut installé à la Ccim, il y a de cela six ans. Mais cette période transitoire a été mise à profit pour réaménager les textes, notamment à travers le Décret N°2014-0641/P-RM du 21 août fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali. Ce qui a permis d’éviter les fraudes massives sur le fichier électoral parce qu’on a pu distinguer les vrais électeurs des faux qui, par le biais du vote par procuration pouvaient faire passer un candidat très contesté parce que dépourvu de légitimité.
Pourtant, à l’époque, des voix s’étaient élevées pour dénoncer la situation au Conseil malien des chargeurs qui méritait le même sort. Mais puisque dans ce pays, très souvent, les décisions administratives c’est comme chez le coiffeur, donc selon la tête du client, la Transition a été refusée au Cmc, les élections ont été organisées dans la grande confusion au Conseil malien des chargeurs, avec de très mauvais textes et par ailleurs mal appliqués. Ce qui a permis à Ousmane Babalaye Daou, qui était déjà en poste depuis cinq ans, de rempiler, malgré les protestations et le feuilleton judiciaire qui a suivi son élection controversée. Son mandat de président, tout comme celui du bureau sortant, est caduc depuis le 18 mai 2020.
Arrivé aux affaires le 16 avril 2008, Babalaye est dans sa 13ème année au poste de président du Conseil malien des chargeurs. Malgré la situation délicate dans laquelle se trouve plongée cette chambre consulaire, il est encore candidat pour un troisième mandat. Alors que, comme nous le rappelions ci-dessus, les réformes apportées aux textes lors de la transition à la Ccim ont permis d’y introduire la limitation des mandats. Pourquoi pas au Cmc ?
En plus, la relecture des textes de la Ccim a permis l’instauration d’une délégation régionale à Bamako. Le Cmc devrait pourtant en faire autant parce que le district de Bamako, au même titre que les régions, doit avoir une délégation régionale.
Toutes les conditions sont donc réunies pour installer un Collège transitoire au Conseil malien des chargeurs afin de procéder au toilettage des textes. Lors de la 6è Assemblée consulaire du Cmc, tenue les 10 et 11 juin 2011 au Centre international de conférences de Bamako, la deuxième résolution concernait la relecture des textes dans un délai de trois mois. Ainsi est donc libellée cette résolution : “La prise de dispositions immédiates par le Bureau en vue de la relecture des textes fondamentaux du Conseil dans un délai de trois (03) mois.” Patatras !
C’est dire que ce besoin a été clairement exprimé par les membres du Conseil des chargeurs, mais le président du Conseil malien des chargeurs, chargé de l’application des résolutions de l’Assemblée consulaire, a donc failli. De 2011 à nos jours, il a coulé de l’eau sous le pont de l’Histoire et si Ousmane Babalaye Daou n’a pu procéder à la relecture des textes en tant que président, il est logique que des voix s’élèvent pour demander qu’un Collège transitoire s’en occupe. En plus, il est malvenu que les prochaines élections soient organisées sur la base de ces textes décriés. Cela ouvrirait la voie à des contestations, voire des contentieux électoraux dont le Mali doit se passer à l’heure actuelle. Les Autorités nationales de Transition sont en place pour résoudre ce genre de problèmes qui ont trop empesté la vie nationale.
A qui va profiter le blocage et les contentieux électoraux dont les feuilletons judiciaires peuvent durer des années ? Naturellement, le président en place et son Bureau car, comme le prévoit le Décret n° 99-426/P-RM du 29 décembre 1999, notamment en son article 22 : “Lorsqu’une contestation n’est plus possible et que les résultats des élections sont devenus définitifs, la nouvelle Assemblée consulaire est installée dans les quinze (15) jours qui suivent. Jusqu’à cette installation, l’ancienne Assemblée consulaire reste en fonction”.
Définir de façon plus précise la notion de chargeur
La relecture des textes sera l’occasion de définir de façon plus précise la notion de chargeur. Là réside bien le fondement de l’allergie à ces réformes car on peut faire appel à des professions qui n’ont rien à voir avec les chargeurs pour gagner les élections au grand dam des vrais chargeurs. C’est ainsi qu’on voit des listes truffées de pharmaciens, de boulangers et autres professions qui n’ont rien à voir avec les chargeurs, mais qui peuvent imposer un présent au Cmc. Si les commerçants détaillants sont exclus du Cmc, doit-on y admettre des détaillants de médicaments et des fabricants de pain classés dans l’industrie et qui ont leur place plutôt à la Ccim qu’au Cmc ? Cette remarque faite par un ami commerçant détaillant n’est pas anodine. Bien au contraire, elle est à prendre avec beaucoup de sérieux par les Autorités publiques.
La relecture des textes devra aussi régler la question électorale car, comme précisé par le Décret n°99-426/P-RM du 29 décembre 1999 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Conseil malien des chargeurs, en son article 19 : “Les élections ont lieu au scrutin uninominal à un tour”. Mais on fait le contraire en mettant en place un scrutin de liste, en toute violation de la loi. Le scrutin de liste s’oppose diamétralement au scrutin uninominal.
Cette situation faite d’incongruité, d’illégalité et d’illégitimité n’aurait dû avoir lieu si ceux qui ont sué à grosses gouttes pour mettre en place le Cmc n’étaient pas écartés. Certains sont encore là, vivants et peuvent témoigner des déviations qui ont été imprimées au Cmc qui fonctionne actuellement de façon illégale, avec des textes inadaptés et inappropriés.
De Satomar au Cmc
Il convient de rappeler que celui qu’on peut considérer comme le père fondateur du Cmc, c’est Abdoulaye Samaké, ex directeur de Somea, ancien président de l’Organisation des importateurs d’intrants agricoles (Oriam). Il fut aussi vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali. Du haut de ses 85 ans, l’homme suit le cheminement du Cmc comme le ferait d’un géniteur envers son enfant. L’image n’est pas trop forte, jugez-en !
En fait, l’histoire du Cmc au Mali est indissociable de celle de la Société africaine de transport et d’opérations maritimes (Satomar) que voulaient mettre en place les importateurs et exportateurs de l’Afrique de l’ouest. Dans les autres pays, c’était facile d’entrer avec les concernés à travers le conseil de chargeurs qui n’existait pas au Mali. Approché par Ibra Guissé qui était le représentant du Port de Dakar au Mali, Abdoulaye Samaké s’est mis à la tâche pour établir les contacts, sensibiliser les opérateurs économiques du Mali et a même été mandaté par le président du Groupement des commerçants du Mali en ce temps-là, Tidiane Tambadou, pour participer à l’Assemblée générale constitutive de la Satomar devant se tenir à Dakar, le 31 octobre 2000.
Cette même procuration signée par Feu Tidiane Tambadou en date 09 septembre 2000 et dont nous avons pu obtenir une copie lors de nos investigations, désigne en même temps Abdoulaye Samaké comme chargé de conduire le travail de sensibilisation pour la mise en place du Conseil malien des chargeurs (Cmc).
Homme de principe et rigoureux dans le traitement des dossiers, Abdoulaye Samaké n’a pas lésiné sur les moyens pour atteindre les objectifs qu’on lui avait assignés. Mais il y allait de ses moyens propres parce qu’en ce temps-là, la Direction nationale des transports qui avait dans ses prérogatives celles actuellement dévolues au Conseil malien des chargeurs, devait lui assurer la prise en charge. Mais balloté de bureau en bureau alors que seul le Mali n’avait pas de conseil des chargeurs, il ne pouvait, par son patriotisme et son engagement, attendre les décisions d’une bureaucratie trop lourde.
Si finalement la Satomar a eu une vie éphémère, le Conseil malien des chargeurs a pu voir le jour grâce au travail de titan qu’il a abattu. Se pose maintenant la question du remboursement du préfinancement qu’il a effectué, aussi bien pour la Satomar que pour le Cmc. A ce jour, il est fatigué des promesses jamais tenues. Pourtant, lors de la 6è Assemblée consulaire du Cmc citée ci-haut, notamment celle des 10 et 11 juin 2011, la 3è résolution prenait en charge la question. Ainsi lit-on dans le procès-verbal de l’Assemblée consulaire : “Le règlement à l’amiable du différend opposant l’établissement à Monsieur Abdoulaye Samaké, membre consulaire”. Mais rien de ceci ne se fera.
Abdoulaye Samaké, qui n’est pas candidat aux élections du Conseil malien des chargeurs
Après avoir été trahi lors de la mise en place du premier Bureau du Conseil malien des chargeurs alors qu’il avait abattu tout le travail ayant abouti à la création de la structure, il est encore trahi dans le cadre du remboursement des frais engagés pour la création du Cmc.
Abdoulaye Samaké, qui n’est pas candidat aux élections du Conseil malien des chargeurs, précisons-le, ne veut qu’une seule chose : mettre le Cmc sur le droit chemin en procédant à une relecture des textes inadaptés et inappropriés, favorisant ainsi des manipulations dont le résultat est sans appel : l’illégalité et l’illégitimité.
Le Premier ministre de Transition, saisi de la question, s’est défaussé sur le ministre des Transports qui, rappelons-le, a d’ailleurs été secrétaire général du Cmc, donc en mesure de savoir ce qui se passe. Mais le Ministre fait comme si de rien n’était et tente un forcing pour organiser les élections du Conseil malien des chargeurs dans cette situation d’illégalité et d’illégitimité où tous les ingrédients sont réunis pour installer un Collège transitoire.
Un scrutin de liste à la place du scrutin uninominal prévu par la loi
En dehors des arguments développés tout au long de notre écrit, il faut ajouter la création de nouvelles régions qui nécessite leur prise en compte dans le dispositif d’organisation des élections du Conseil malien des chargeurs qui est un établissement public à caractère professionnel dont les délégations régionales doivent être mises en place. Ce que le ministre des Transports et des infrastructures routières a ignoré dans l’Arrêté qu’il a signé pour convoquer le collège électoral, notamment l’Arrêté n°2021-0070/MTI-SG du 29 janvier 2021.
En outre, les commissions électorales mises en place suite audit Arrêté, ne fonctionnent pas encore faute de moyens financiers, alors que les élections sont prévues pour le 24 avril 2004.
Par ailleurs, dans cet Arrêté, il parle de listes de candidatures, ce qui s’oppose aux textes où il est question de scrutin uninominal. En plus, aucune des nouvelles régions n’est prise en compte. Faut-il exclure des régions de chambres consulaires comme la Ccim et le Cmc ? La Transition ne devant cautionner pareilles situations, par conséquent personne ne comprend la précipitation de certains ministres à organiser des élections, notamment à la Ccim et au Cmc, en ignorant les nouvelles entités régionales dont il faut prendre le temps de leur créer leur délégation régionale.
Rappelons aussi que l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger donne une autonomie aux régions dans la gestion de leurs affaires économiques. Pourrait-on, dans ce cas-là, s’accommoder de chambres consulaires à compétence nationale ou faudra-t-il revoir l’architecture On va donc inévitablement vers de profondes réformes qui appellent d’ores et déjà à s’y préparer par une transition au niveau des chambres consulaires.
Amadou Bamba NIANG
Aujourd’hui-Mali