Deuxième session de la cour d’assises de Bamako: Mieux vaut tard que jamais !
En dépit des difficultés de divers ordres, cette session a au rôle soixante dix huit affaires avec une prédominance des crimes de sang.
Pendant quatre semaines, quelque 129 accusés comparaîtront à la barre de la Cour d’assises de Bamako pour répondre d’infractions dont ils sont suspectés. Ce sera lors de la deuxième session de la Cour d’assises au titre de l’année 2017-2018 dont les travaux ont débuté mardi à la Cour d’appel de Bamako. L’ouverture, présidée par le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Idrissa Arizo Maïga, s’est déroulée en présence des responsables du département de tutelle et de plusieurs membres de la famille judiciaire ainsi que des représentants des forces de sécurité.
Au cours de cette session, les magistrats et leurs assesseurs devront éplucher 78 affaires (toutes infractions confondues) dominées surtout par les crimes de sang (24 affaires). Cette infraction est suivie par celles contre les mœurs (20) respectivement, le viol (10) et la pédophilie (10). Ensuite viennent les infractions contre les biens, notamment les vols qualifiés (14) et une dizaine d’affaires liées au terrorisme. Figurent également au rôle, les atteintes aux biens publics (4), les affaires de faux et usage de faux, de traite de personnes, d’enlèvement d’enfant et de coups et blessures volontaires aggravés.
Le PG Idrissa A. Maïga a relevé qu’une vingtaine de détenus répondront de cas d’agressions sexuelles, tout en faisant observer ce « fait rare » car, estime-il, « on nous a habitués à des dossiers où les mises en liberté en ce domaine étaient systématiques, au point qu’il nous arrivait de dénoncer, aux sessions passées, la banalisation de ces crimes ». Le Procureur général, qui pense que les magistrats ont pris conscience de l’horreur et de la détresse qui accompagnent ces infractions, leur a demandé de persévérer par la rigueur dans la répression qui, selon lui, sans être la panacée, reste fortement dissuasive.
Le PG n’a pas passé sous silence les cas se rapportant à la recrudescence des crimes de sang qui caracolent en tête des dossiers de cette session. Le magistrat a regretté que cette recrudescence soit un signe évident de la perte des repères qui fait de la violence le mode d’expression désormais récurent dans les rapports humains, au détriment de la bienséance, du respect du droit de l’humain à la vie, à son intégrité physique et morale. « Tout cela nous interpelle, nous magistrats, dans le sens d’une réponse appropriée au phénomène criminel rampant et protéiforme, par le traitement rigoureux et diligent à réserver à toutes les affaires, à tous les niveaux au premier, comme au second degré », a-t-il dit.
L’organisation d’une session de Cour d’assises nécessite des moyens matériels et humains conséquents. C’est pourquoi, le premier responsable de la Cour d’appel a plaidé pour que la chambre d’accusation en soit suffisamment dotée pour lui permettre d’exercer pleinement ses attributions. Notamment le contrôle de la privation de la liberté, au niveau des cabinets d’instruction et de police judiciaire en plus de ses fonctions juridictionnelles. Toutefois, le PG a fait part de sa ferme volonté, quant au traitement diligent des affaires durant toute la procédure judiciaire. Et Idrissa Arizo Maïga d’appeler à l’indulgence habituelle de la Cour pour passer sur les insuffisances, les incohérences qui, selon lui, caractérisent bien souvent les dossiers, et ne retenir que les obstacles rédhibitoires et substantiels pour justifier des éventuels renvois.
Auparavant, le président de la Cour, Mahamane Abdrahamane Maïga, a introduit les six assesseurs en leur demandant de prêter serment avant de prendre place au présidium. Le magistrat a exprimé, une fois de plus, toute la volonté des juges à s’attacher à la paix sociale.
D’où l’organisation de cette session, juste deux semaines seulement après une longue période de cessation de travail. Le président n’a pas été du tout tendre avec les suspects dans les dossiers enrôlés. Cependant, il a précisé qu’en dépit de la gravité des infractions, les jurés ne doivent point se laisser habiter par la haine au cours des jugements et des délibérations.
A sa suite, le représentant du bâtonnier, Mamadou Koné, s’est, d’emblée, réjoui de la suspension de la grève des magistrats. Ce qui, de son point de vue, doit profiter aux détenus qui seront ainsi fixés sur leur sort au terme des jugements. Me Koné a assuré le Parquet de la disponibilité des avocats qui seront toujours présents pour assurer la défense de leurs clients. L’avocat, tout en plaidant pour une humanisation des peines, a surtout insisté sur l’application du droit.
Mohamed TRAORE
Source: L’Essor