Avec l’arrivée de la grippe saisonnière, ruée sur les vaccins et craintes de pénurie
Le coup d’envoi de la campagne de vaccination contre la grippe a été donné mardi sur fond de deuxième vague annoncée de Covid-19. Face à une demande accrue, certains redoutent une pénurie des doses vaccinales.
Plus encore que les années passées, l’arrivée de la grippe saisonnière est prise très au sérieux. À l’approche d’une deuxième vague de Covid-19 en France, la campagne vaccinale contre la grippe lancée mardi 13 octobre est au centre de l’attention des autorités sanitaires. Le ministère de la Santé, l’Assurance maladie et Santé publique France prévoient à ce titre un « dispositif de communication de grande envergure » pour encourager toutes les personnes à risque à se faire vacciner.
L’enjeu est de taille car les symptômes de l’infection au nouveau coronavirus – qui a déjà causé la mort de plus d’un million de personnes à travers le monde – sont similaires à ceux de la grippe. Il risque donc d’y avoir cet hiver une « cocirculation » du virus grippal et du coronavirus, ont prévenu les autorités sanitaires, qui souhaitent éviter un afflux de patients atteints d’une forme grave de la grippe, le système de santé étant déjà proche de la saturation.
Quatre Français sur dix veulent se faire vacciner
Le discours des autorités semble avoir déjà marqué les esprits. « Ce matin, nous n’avons pas arrêté », raconte à France 24 Pierre-Olivier Variot, pharmacien à Plombières-lès-Dijon (Côte-d’Or) et vice-président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. « Il y a une longue file d’attente devant la pharmacie pour obtenir ou réserver son vaccin contre la grippe. Nous avons vendu 7 à 8 fois plus de vaccins ce matin qu’il y a un an au premier jour de la campagne. J’ai pratiqué 40 vaccinations dans la matinée contre 5 l’année dernière. »
En effet, en 2019, seulement 26 % des Français avaient décidé de se faire vacciner. Quelque 52 % des plus de 65 ans avaient eu recours au vaccin et seulement 30 % des personnes à risque de moins de 65 ans. « Durant la saison 2019-2020, (…) les trois quarts des personnes admises en réanimation pour une grippe grave étaient éligibles à la vaccination car présentant un des facteurs de risque (…). Or, parmi celles-ci, moins d’un tiers avaient été vaccinées », souligne le ministère de la Santé dans un communiqué.
Cette année, quatre Français sur dix ont l’intention d’avoir recours au vaccin. De leur côté, les autorités sanitaires souhaitent « approcher les 75 % de couverture », un objectif correspondant à celui défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le spectre d’une pénurie
Dans ces circonstances, une pénurie se profile. Raison pour laquelle le ministère, qui anticipe « une demande accrue en vaccins cette année », engage « les personnes ne présentant pas de risque particulier, qui souhaiteraient se faire vacciner, à différer leur vaccination à début décembre ».
« Les officines qui se font livrer en une seule fois ne risquent pas de manquer de doses vaccinales, estime Pierre-Olivier Variot. En revanche, celles qui ont choisi de se faire livrer en trois fois risquent d’être à court. Quoi qu’il en soit, je me refuse de refuser toute demande de vaccination. Cela fait trop d’années que je me bats pour que les gens se vaccinent, je ne me vois pas leur dire non. »
En prévision d’une demande accrue, le ministère de la Santé a commandé « 30 % de doses de vaccins supplémentaires », par rapport aux 12 millions de doses consommées lors de la précédente campagne 2019-2020, en ayant recours à un approvisionnement continu auprès des laboratoires pharmaceutiques, peut-on lire dans le communiqué gouvernemental. Les fabricants mondiaux de vaccins contre la grippe ont en amont produit un nombre record de doses pour la saison 2020-2021.
Selon Pierre-Olivier Variot, « il n’est pas certain que l’on connaisse des problèmes d’approvisionnement. De mon côté, j’ai commandé 30 % de stocks supplémentaires. Pour le moment, la grande majorité des personnes venues acheter un vaccin disposaient d’un bon de vaccination de la Sécurité sociale. Seules une quinzaine de personnes sans bon se sont présentées. »
La majorité des personnes ciblées par la campagne reçoivent en effet un bon de prise en charge du vaccin par l’Assurance maladie, tandis que les autres peuvent se le faire délivrer « par leur médecin, sage-femme et, pour les personnes adultes, par leur infirmier ou pharmacien ». Cette année, près de 16 millions de personnes ont reçu ou vont recevoir un bon de prise en charge du vaccin. Parmi elles, 316 060 professionnels de santé libéraux.
Une prise de conscience ?
Sont également prioritaires les plus de 65 ans, les personnes souffrant de pathologies chroniques (insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque, diabète, insuffisance rénale, asthme, bronchopneumopathie obstructive…) et celles en obésité morbide (avec un indice de masse corporelle supérieur à 40). Les femmes enceintes et l’entourage des nourrissons de moins de 6 mois à risque de grippe grave et les personnes immuno-déprimées font également partie des personnes vivement encouragées à se faire vacciner.
« Si toutes les personnes qui ont reçu un bon se font vacciner, il n’y aura pas suffisamment de vaccins, c’est mathématique, constate Liliane Grandgeot-Keros, virologue et secrétaire perpétuelle de l’Académie nationale de pharmacie, dans un entretien à France 24. Il existe un vrai risque de rupture d’approvisionnement qu’on ne peut pas écarter. »
Chaque hiver, selon les années, entre 2 et 6 millions de personnes sont contaminés par la grippe en France, selon la Haute autorité de santé (HAS). Ces trois dernières années, le virus a tué entre 10 000 et 15 000 personnes par an. « J’espère seulement que cette année, les personnes à risque et le personnel de santé prendront conscience de l’intérêt à se faire vacciner tous les ans », conclut la virologue.
AFP