Transition : L’heure des grandes vérités

Tout le monde s’attend à ce que les militaires rendent leur tablier le 26 mars prochain, considéré comme terme final de la Transition. Mais ce faisant, ils laisseraient la place vacante à qui d’autres mieux lotis qui viendraient agir en continuum pour la restauration de l’État de droit ? Et qui est mieux placé que qui pour remporter l’unanimité sur son compte parmi tous ces virtuels candidats à une élection ou à un poste de pouvoir et de direction ? D’où l’urgence est ailleurs en ce mois-anniversaire du Coup d’État du 26 mars 1991 d’Amadou Toumani Touré contre le Général Moussa Traoré. Il y a 33 ans ! Il est temps de songer au bilan et d’ouvrir les perspectives immédiates pour la suite de la Transition. Mais aussi, il est surtout l’heure de se dire de grandes vérités, sans refoulement ni retenue, qui font le charme de l’art oratoire chez les Maliens. Sans peur, ni complaisance, ni pressions extérieures exercées contre les autorités. Une tradition bien de chez nous depuis 1991. À quelques encablures du prochain scrutin, quoi remettre en cause ? Quoi faire de plus ? Seul un nouveau gouvernement de mission pourra nous le dire et activer à ce moment-là les ressorts qui vont propulser le Mali Kura vers cet horizon désiré des Maliens qui se focalisent sur ces cinq points-focaux : Paix, Stabilité, Cohésion Sociale, Inclusion et Réconciliation Nationale. Analyse.

Selon le porte-parole du Gouvernement de la Transition, «la durée de la Transition au Mali est fixée à 24 mois, à compter du 26 mars 2022, conformément à l’article 22 de la Loi N°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la Transition». Si l’on fait les comptes, le bilan de 18 mois est augmenté de 24 mois éculés ce 26 mars 2024 (mardi prochain). Mais, entre temps, la Cedeao, lors de la rencontre extraordinaire des Chefs d’États tenue à Accra le 4 juin 2022, l’organisation commune avait maintenu les sanctions imposées le 9 janvier 2022 au Mali, en enjoignant aux autorités actuelles du Gouvernement de la Transition «de poursuivre le dialogue dans le but de parvenir à un accord devant permettre la levée progressive des sanctions, à mesure que les étapes du chronogramme de transition sont réalisées», dixit.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Que s’est-il passé depuis entre les parties prenantes au processus collectif de restauration de l’État de droit et de retour à l’ordre constitutionnel normal ? Que reste-t-il à faire ? Un petit rappel historique s’impose pour éclairer nos lanternes. Sans remonter très loin dans le temps, contentons-nous de revisiter la rectification du 24 mai 2021. En effet, en l’espace de neuf mois, la parenthèse du président Bah Ndaw et de son Premier ministre Mokhtar Ouane est vite refermée, mettant ainsi fin aux velléités de tensions entre civils et militaires qui tentaient de fragiliser l’État en paralysant son fonctionnement. Il est clair que cette rectification est le fruit de la maturité d’Assimi et ses compagnons, qui, après mûre réflexion, ont choisi de s’assumer et de conduire sans complexe les destinées du pays vers son terme indiqué, qui est l’alternance démocratique à travers des élections générales transparentes. C’est dans ce contexte particulier qu’est intervenu le choix du Premier ministre Choguel Maïga, afin d’apaiser la pression populaire qui avait tendance à disputer le pouvoir aux militaires, notamment du côté du M5 RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques).

 Depuis juin 2021, le gouvernement de la Transition a opéré un rectificatif qui prolonge la Transition

L’ère des anti-Ibk étant révolue, l’éviction des colonels-ministres du gouvernement ayant échoué, le pouvoir est désormais entre les mains du Vice-président de la Transition, Assimi Goïta, qui a porté son choix sur le porte-parole du M5-Rfp pour diriger le nouveau gouvernement en lui assurant une assise populaire. Donc, de juin 2021 à ce jour, le gouvernement de la Transition a opéré un rectificatif qui prolonge la Transition de 24 mois, et au-delà. Si l’on prend en compte les Conclusions des Assises remises le 30 décembre 2022, il faudrait comprendre que la Transition c’est 5 ans, en tout.

Dans cette redistribution des cartes, beaucoup de choses vont se passer, liant ainsi davantage le Mali à des États tiers comme le Niger et le Burkina Faso (Liptako gourma, AES), rapprochant la Russie et les autorités actuelles de la Transition, en finissant de régler définitivement la question de la souveraineté nationale repossédée et retirée des mains de la France. Une nation qui se faisait passer pour porte-parole, «courtier-Vrp» du Mali dans les instances internationales et sur toutes les médiations liées au règlement définitif de la question du Nord Mali. Ce sont tous ces faits conjugués qui ont convergé vers une reconfiguration de la présence territoriale des forces armées étrangères (Barkhane, Takuba, Minusma, Eufor etc.), finalement contraintes d’acter leur retrait et leur départ du territoire malien.

De cette sorte, si l’on tient un discours à rebrousse-poil, à travers un militaire, auteur impromptu d’un livre ostensiblement hostile à l’armée, ou encore, par le biais de certains politiques qui multiplient les sorties inopinées et inexplicables, on ne saurait non plus venir nous tenir un autre discours lénifiant pour amadouer les populations si l’on se défie des autorités en place. À ce moment là, que devrait-on dire à tous ceux-là qui sont si pressés de voir la Transition échouer ? Rien d’autres que les belles vérités que prêchent les musulmans pacifiques et apolitiques à leurs contemporains : à savoir, rester sobres, vertueux, soudés, solidaires et vigilants face aux tentatives répétées et de plus en plus fréquentes de noircir le tableau de la Transition. On aurait dit que certains politiciens encagoulés de la classe politique malienne n’entendent pas garder raison sur les actes posés jusque-là par les autorités de la Transition, dans la voie de la résolution de la crise sécuritaire et de la poursuite du processus électoral. Deux points-focaux qui ont valu au Mali la reprise de la citadelle de Kidal des mains des rebelles en décembre 2023, et le lancement du processus électoral avec l’adoption de la Constitution de la 4ème République du Mali, lors du troisième Référendum organisé le 18 juin 2023. Qu’à cela ne tienne ! Les dépenses militaires en équipements et en réarmement, par l’entremise de la Russie, ont fini de placer les Fama sur orbite pour refléter la montée en puissance de nos forces armées et de sécurité. Toutes choses qui n’agréent ni la France, ni les États-Unis, encore moins l’Algérie. Or, il est difficile de naviguer juste dans le Grand Sahel sans encombre avec la présence de groupes armés terroristes et les factions rebelles des oppositions locales fortes, qui transcendent le dessein collectif et national de s’émanciper largement de toutes ces forces ennemies. Parmi ce lot, on retrouve de plus en plus de voix discordantes dans la capitale et qui n’opèrent pas pour la paix ni pour la réconciliation nationale, mettant en avant le caractère politique de leurs revendications : à savoir la tenue des élections à bonne date et l’indication de la fin de la transition.

Que devrait-on dire à tous ceux-là, si pressés de voir la Transition échouée ?

C’est pourquoi nous disons que l’heure est au bilan d’étape seulement, d’ici la tenue du prochain scrutin présidentiel ; mais surtout, avant ça, il est l’heure aussi de se dire les crues et vertes vérités qui ne peuvent plus attendre ni manquer, si l’on tient à vraiment avoir une emprise sur les affaires publiques et les questions intérieures, en toute solidarité avec les autorités de la Transition. Pour dire qu’Assimi Goïta et l’ensemble des militaires aux postes et en fonction, ne sauraient se dédire de leurs premiers mots : « Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’histoire, d’assurer la continuité de l’État et des services publics ». Pour preuve, ils ont tenu à organiser le Référendum, au sortir des Assises nationales de la Refondation, qui ont donné naissance à des recommandations élaborées et fixant le terme de la Transition à 5 ans, validant de la sorte la rectification intervenue le 24 mai 2021.

Et maintenant, quel gouvernement de mission devrait remplacer l’équipe actuelle ? On pense plus à un gouvernement de large ouverture et de forte inclusion comme il a été procédé avec l’installation du Comité de pilotage du Dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Pour que les compétences priment sur les « figurines politiques engoncées » qui perturbent le sommeil des âmes paisibles en agitant la peur des conséquences du retrait du Mali de la Cedeao, ou celles nées du départ de la Minusma ou encore qui s’installent suite à la rupture avec la France d’Emmanuel Macron.

Parmi ces nouvelles missions à assigner à ce nouveau gouvernement, il y a le renforcement des moyens logistiques de l’armée, pour maintenir nos forces combattantes à niveau face aux nouveaux périls liés à l’accès et à l’exploitation des ressources du sous-sol malien. Il y a une politique sociale généreuse et humaniste du genre « Opération Sounkalo Solidarité », à lancer en faveur des couches défavorisées, des populations déplacées, des zones de conflit et des familles maliennes civiles et militaires impactées. Il y a bien évidemment la résolution de la crise énergétique par le déploiement d’initiatives heureuses et multiples concourant à apaiser la tension actuelle. Il y a également la surveillance des prix sur les marchés pour dompter l’inflation provoquée par des commerçants peu sourcilleux, pas du tout patriotes et qui ne mettent en avant que leurs intérêts particuliers en plaidant pour le maintien du statu quo qui les arrangent. En dépit de l’opération « Sounkalo Solidarité » que conduit à merveille le conseiller du président Assimi, en la personne d’Aguibou Dembélé, avec des dons multiples, quelque soit l’appartenance des organisations faîtières et la place qu’elles occupent auprès des citoyens Maliens.

Khaly Moustapha LEYE (KML)

L’Aube

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