Pour Mme Konté Fatoumata Doumbia, femme leader politique : L’Adéma a le choix d’aligner un candidat à la prochaine présidentielle ou disparaître de la scène politique
Un discrédit frappe la classe politique ces dernières années dans notre pays, surtout depuis les événements du 18 août 2020. Et les grandes formations politiques comme l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la Solidarité et la Justice (ADEMA-PASJ) sont fortement interpellées, pense Konté Fatoumata Doumbia, ancienne maire de la commune I et figure de proue du parti de l’Abeille dans une interview accordée à nos confrères de «Mali-Horizon» (N°178 du 24 mai 2023).
«Un réaménagement gouvernemental n’est pas opportun aujourd’hui» ! Tel est l’avis de Mme Konté Fatoumata Doumbia, ancienne maire de la commune I et figure de proue du parti de l’Abeille. Son franc-parler est à la hauteur de ses convictions et de son engagement politique. Contrairement à beaucoup de nos leaders politiques, Mme Konté parle peu parce qu’elle n’est jamais dans la langue de bois. Et quand elle s’exprime, c’est parce que cela en vaut la peine. Et contrairement à beaucoup de femmes leaders, elle n’est pas non plus dans le suivisme.
Ce remaniement semble être pourtant le combat d’une grande partie de la classe politique (notamment le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, composé d’une soixantaine de partis politiques et regroupements) aujourd’hui affamée car sevrée des fonds publics.
A quelques exceptions près, les leaders politiques exercent de nos jours un chantage politique acharné sur le président de la Transition afin de le contraindre à ce qu’ils appellent «l’ouverture politique» et qui doit se traduire par la formation d’un «gouvernement d’union nationale» ou de «large consensus». Autrement, ils se battent par tous les moyens pour être associés à la gestion de la Transition pour leur permettre de se mettre quelque chose sous la dent.
Mais, pour Mme Konté Fatoumata Doumbia, cela n’est pas aujourd’hui opportun compte tenu des enjeux des réformes engagées pour la refondation de l’Etat. «Personnellement, je ne pense pas que ce soit opportun quand on sait que le gouvernement est déjà dans des concertations et la vulgarisation du texte constitutionnel. Il y a même un risque à réaménager le gouvernement dans ce contexte d’attentes et de besoins de cohésion et de solidarité…», a-t-elle indiqué.
Pour cette amazone de la scène politique malienne, «il faut plus de stabilité pour amorcer sereinement les grandes réformes, particulièrement le processus d’organisation du référendum. Je pense que, pour aller sereinement vers cette consultation référendaire, il faut plus de sérénité au niveau des gouvernants…».
L’Adéma condamnée à se présenter dans le starting-block de la prochaine présidentielle
Dans cet entretien, elle ne s’est pas encombrée de gants pour poser le diagnostic actuel de son parti, l’Adéma-Pasj. «Aujourd’hui, l’Adéma se porte tant bien que mal», a-t-elle conclu son diagnostic. Toutefois, a-t-elle expliqué, «la Direction nationale du parti, le Bureau national du Mouvement des Jeunes et des Femmes… tiennent régulièrement leurs réunions. Ils ont des contacts avec les partenaires comme les autorités nationales, les partis politiques, la société civile… Nous sommes représentés au CNT et nous avons participé à la commission d’élaboration du projet de constitution qui va être soumis au référendum dans un mois».
Quand il s’est agit d’établir un bref bilan à mi-parcours de la Transition par rapport à la bonne gouvernance, à la justice et à la crise sécuritaire, Mme Konté paraît plutôt satisfaite. «Dans les domaines de la justice de la bonne gouvernance et de la sécurité, je dois dire que la transition a un bilan globalement positif», commente-t-elle. Cependant, a-t-elle relativisé, «je dois aussi avouer que nous aurions pu faire mieux en profitant de la montée en puissance de nos forces armées. En effet, notre souveraineté proclamée le 14 janvier 2023 a raté de mon point de vue l’occasion de s’affirmer davantage». Elle a rappelé que le Dialogue national inclusif (DNI) et les Assises nationales de la refondation (ANR) ont exprimé la volonté du peuple malien pour «une relecture de l’Accord d’Alger» (Accord pour la Paix et la Réconciliation/APR). Mais, a-t-elle déploré, «l’actuel projet de constitution ne prend pas en compte la révision intelligente pour laquelle tous les Maliens seraient d’accord».
Et naturellement, en tant que souverainiste, «le respect du chronogramme» convenu avec la Cédéao et la communauté internationale est le cadet de ses soucis. N’empêche qu’elle est aussi d’avis que «si les autorités s’engagent à son respect, avec l’élection présidentielle au mois de février prochain, nous devons leur faire confiance». Le parti de l’abeille aura-t-il son candidat à la prochaine présidentielle ? «L’Adéma n’a aucune autre alternative que d’avoir son candidat à la prochaine élection présidentielle. Si jamais ce n’est pas le cas, ç’en est définitivement fini pour le parti».
Quid du discrédit qui frappe la classe politique ces dernières années dans notre pays, surtout depuis les événements du 18 août 2020 ? «Comme toute la classe politique l’Adéma-Pasj est fortement interpellée, à tort ou à raison, par le peuple malien… C’est un discrédit général et une diabolisation que nous subissons tous». Et à son avis, pour changer la donne, il ne faut pas baisser les bras, mais continuer «la réflexion» afin de trouver les moyens de concilier les Maliens avec la politique. Et d’interpeller «la classe politique, les acteurs du Mouvement démocratique» qui, de son point de vue, ne font pas assez pour «la réhabilitation de la politique et même de l’histoire dans notre pays».
Sans doute que cela explique, selon la «Dame de fer», pourquoi «la manipulation du citoyen malien pour remettre en cause la démocratie ne cesse de s’amplifier» depuis plus de 5 ans. «Paradoxalement, le nombre des partis politiques ne cesse d’augmenter. Il urge qu’on se mette ensemble pour trouver les voies et moyens afin d’arrêter toutes ces insultes et calomnies à notre endroit», a préconisé Mme Konté. En grand leader politique plus que jamais proche de la base que de l’élite de sa chapelle, elle n’a pas manqué de féliciter les «Maliens pour leur patience et leur résilience pour les besoins de sécurité et de stabilité de notre pays».
Ancien membre influent du Comité exécutif (CE) de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour l’alternance, la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ), ancien maire de la commune I du district de Bamako, Mme Konté Fatoumata Doumbia demeure l’une des «Dames de fer» de «La Ruche» de Bamako-Coura (siège de l’Adéma qui a célébré ses 32 ans le jeudi 25 mai 2023) voire de la démocratie malienne…
Moussa Bolly
Une «Lettre ouverte» au Colonel Assimi Goïta qui demeure d’actualité
On se rappelle de la «Lettre ouverte» de Mme Konté Fatoumata Doumbia (datée du 23 novembre 2022) et dans laquelle elle avait demandé au président de la Transition d’examiner le cas Mme Bouaré Fily Sissoko (l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances de feu Ibrahima Boubacar Kéita en détention provisoire depuis août 2021 dans le cadre de l’affaire dite de «l’avion présidentiel»). C’était à la veille du nouvel an 2023 que «les Maliens et Maliennes souhaitent entamer dans la paix, la sécurité, la cohésion afin de mieux réussir nos réformes institutionnelles et booster le développement» !
«La commission d’élaboration de l’avant projet de la nouvelle constitution a battu un travail incommensurable qui est à saluer. Cependant, je crois personnellement que certaines dispositions méritent plus de réflexion», a-t-elle souhaité ! L’exigence de la nationalité malienne d’origine (article 46) pour être candidat à l’élection présidentielle est-elle discriminatoire et par conséquent injuste et anti-démocratique ? Pourquoi plafonner l’âge limite à 75 ans pour la candidature à l’élection Présidentielle ? L’article 72 donne la possibilité au parlement de destituer le président de la République : quelles que soient les conditions, je puis vous assurer qu’il sème les germes d’une déstabilisation permanente.
Que dire de l’article 73 qui fait d’un ex-président de la République pénalement responsable devant les juridictions de droit commun et un mois après sa cessation de fonction des procédures judiciaires peuvent être engagées contre lui ?… Autant de questions qu’elle avait posées au chef de l’Etat dans cette «Lettre ouverte». Et de s’interroger, par rapport à la dernière question, «pour quelqu’un qui aura été le 1er responsable du pays, président du Conseil supérieur de la magistrature, président du Conseil supérieur de la défense et de la sécurité serait-il vraiment juste ou simplement humain de le poursuivre comme un vulgaire malfaiteur» ?
«Malgré tous les efforts fournis par les partenaires, notamment l’association ANBIKO, Bamako n’a jamais été aussi sale de mon mémoire. Si je pense que, en 2016 tout près, le gouverneur de Niamey est venu s’enquérir de l’expérience de Bamako, je trouve qu’il y a probablement une stratégie pour améliorer et assainir l’environnement de la capitale du Mali», avait-elle aussi souligné à l’attention du président Assimi Goïta. Et de conclure, «Excellence mon Colonel, après la Rectification, la Révolution malienne doit absolument et urgemment être Recadrée pour le Mali Nouveau auquel nous aspirons tous…», avait conclu Mme Konté. Si ce n’est pas du courage, c’est sans doute de la realpolitik !
Moussa BollyLe
Le Matin