Mali-niaiserie ! La justice ou le chaos: Rectifier la trajectoire de la transition pour construire une alternative démocratique

À ceux qui s’interrogent dans l’obscurité actuelle, il y a une lumière en chacun de nous. Mettons les ensemble le chemin sortira de l’ombre, en ayant conscience que le Mali ne survivra pas à la prochaine manipulation électorale. Nous savons tous combien les mauvaises décisions, administratives, judiciaires, policières ou politiques ont couté chers à notre pays, à la cohésion sociale et à l’unité nationale.

Aussi face à ce que les Maliens vivent comme l’espoir confisqué, la justice, l’équité et la transparence doivent être le maitre mot de la conduite de la transition qui pour le moment tente de mettre la démocratie et les libertés sous les casques. En prenant le devant, il nous faut crier avant que d’avoir mal et ça commence à trop faire. Autrement, le chaos sortirait de la prochaine présidentielle que nul n’en sera étonné en Afrique encore moins au Mali.

Il convient de ne pas s’arrêter seulement à ce qu’on voit, les missions de complaisance de la CEDEAO ou de l’Union Africaine, pourraient n’être que des cautions à l’inacceptable demain, si nous ne nous arrêtons qu’au seul décor défiguré qui nous est donné à voir, à savoir la propagande, le spectacle et la politique d’affichage hérités du pouvoir IBK. Les limites de ce système hors-service ont été par le passé largement montrées dans ces pages. C’est pourquoi, il faut se garder de rester sur l’écume des choses.

C’est truisme de dire que le Mali est à un seuil crique de son histoire. La nouvelle carte de l’insécurité publiée l’atteste éloquemment. La survie du pays et du personnel politique. L’autoritarisme, la fraude électorale, l’incompétence, la corruption massive, l’impunité et le népotisme ont vidé les institutions de toute substance et profondément laminé la classe politique et la société civile. Culture et pratiques mafieuses et bureaucratique ont privatisé l’Etat et spolié la nation sous le pouvoir IBK.

Cet héritage de fraiche date laissé par IBK, ne semble pas déranger la junte au pouvoir qui a la fâcheuse tendance de s’investir dans la propagande des succès militaires là où il n’y a que détresse des populations entre autres, l’exemple de Farabougou en témoigne. Ce faisant la ligne d’horizon pour la refondation du pays et la restauration de nouvelles valeurs de gouvernance, se perd.

Nul n’a, six mois après la chute du pouvoir IBK, de lisibilité des reformes politiques nécessaires au développement et de l’ambition géostratégique digne de notre histoire et de nos potentialités humaines et matérielles.

Pendant ce temps le niveau de vie ne cesse de se dégrader. Les citoyens affrontent les mêmes difficultés de pouvoir d’achat, de chômage, d’éducation, de médiocrité du système université, de logement, de santé et hygiène, de sécurité, de transport, d’électricité, d’eau, de culture et de loisirs… comme en témoigne la récurrence des grèves. La cohésion sociale et l’Etat s’effondrent, altérant le vouloir vivre ensemble.

Notre région se modifie, des bouleversements considérables s’y opèrent sans que nous ayons une prise sur le futur. Aucune offre nouvelle, sauf à mettre notre diplomatie au service de l’achat de la complaisance de puissances extérieures. Plutôt que de rassembler la junte au pouvoir s’épuise à vouloir opposer les Maliens, pour dit-on changer de classe politique, la Transition joue à l’exclusion, aux petit arrangements, fausse les critères de légitimité et de représentation. Pendant ce temps, le pays réel, malgré une grande présence militaire étrangère, disparait. En témoigne la nouvelle carte sécuritaire établie.

Une grande présence militaire étrangère et plus d’insécurité* !

Quelle lecture faut-il avoir, cinq mois après son l’installation,  l’implication des soutiens de la junte dans le mouvement pour retrait des troupes françaises de notre pays ? Le pouvoir IBK faisait la même pratique croyant pouvoir brouiller les grilles de lecture de la panne de son régime. Quel est ce pays, occupé par plus de vingt mille soldats étrangers au côté d’une armée nationale, qui voit chaque jour l’insécurité augmentée  et se rependant ?  Qu’est-ce que ne marche pas dans la présence militaire étrangère et/ou la collaboration avec l’armée nationale ?Faut-il invoquer la formule mathématique qui veut que si produit de deux facteurs est nul au moins un facteur est nul ?

Otage de lutte de clans et autres obsessions internes à la junte, notre pays reste livré à la prédation nationale et internationale. En absence de mécanismes pacifiques de régulation politique, le pays risque de définitivement sombrer dans le chaos si aucune construction politique n’est en perspective.

La rhétorique anti parti politique en cours, pourrait être la première étape à toute tentation d’instauration de la dictature civile ou militaire. Certes, le mépris du politique est lié à tous les excès non réprimés, mais il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain.

En s’arrêtant aussi à ce qu’on voit, l’autoritarisme s’installe, toutes les libertés sont en péril… L’Etat de non droit et de toutes les fragilités est exacerbé. Apres avoir combattu la jungle sociale, économique et politique qu’IBK a laissé s’instaurer, le Mali ne peut accepter de vivre une vie de zoosous la houlette d’un quinté de colonels.

Pour qu’il en soit autrement, la classe politique, les intellectuels et les universitaires doivent sortir de leur démarche de zerbie, du nom de ce petit rongeur caricatural et craintif, pour aborder l’avenir démocratique du pays dans l’espoir de faire évoluer la transition vers plus de démocratie et de justice.

Pour ce faire, ils doivent sortir de leur repli, de leur asile intérieur pour se mettre au service du pays. Cette entreprise demande aujourd’hui un détachement intellectuel plus profond au regard du fait que notre société, peu armée à faire face aux mutations subversives en cours, perd de plus en plus, sans réagir, ses derniers repères sans en avoir construit d’autres.

Sans esprit de polémique, on peut observer que les tenants des idéologies d’hier consacrent aujourd’hui leur activité à justifier la passivité et la révérence aux régimes politiques quelle que soit leur nature ou même leur illégitimité.

En attendant, force est de constater que c’est une architecture verticale du système dont la dorsale est le CNSP, organe politique de la junte militaire, qui a vocation à disparaitre mais qui résiste contre le Mali et la communauté internationale, met l’hypothèque sur la réussite de la transition. Elle révèle le pouvoir exorbitant de l’Exécutif dans la conduite de l’Etat.

Dans un tel contexte, la victime d’abus de pouvoir pourrait être un journaliste de l’information générale ou de l’investigation, un intellectuel pour lequel le débat d’idées est la marque d’un régime de qualité, un politique jugé imprudent dans son propos.

Faudrait-il à l’avenir emprisonner l’un ou l’autre pour « empêcher les cerveaux de fonctionner » ?

A ce propos, au rythme et à l’allure des arrestations extrajudiciaires, nous n’aurons à terme, à la clé que le discrédit de l’un des services le plus stratégique dans la protection du pays.

Les facteurs adjuvant de ces péripéties du spectacle et de la propagande ne doivent pas tromper. Les scandales de corruptions étalés sans suite judiciaire, les chantages à l’unité nationale, à l’insécurité ne doivent pas voiler les vrais enjeux.

La Transition s’embourbe. Pour lui donner un souffle politique il convient de dissoudre le CNT pour illégalité et illégitimité dans la procédure de désignation de ses membres. Le M5-RFP a d’ailleurs introduit une requête en annulation dans ce sens auprès des juridictions compétentes.

Il faut aussi convaincre en donnant des gages que l’ère de la cooptation des Présidents est révolue et qu’aucune tentative dans ce sens ne sera acceptée. Le droit à l’autodétermination libre des citoyens doit s’imposer. Il est la seule façon de mettre un terme à la descente aux enfers pour jeter les jalons de la refondation.

Que faire pour congédier un statu quo régressif et conjurer une catastrophe dévastatrice ?

Le Mali continue au plan sécuritaire à être peint au couleur rouge vif du sang de ses enfants. Ce qui préoccupe à Bamako ce n’est plus ni moins que des préoccupations domestiques, des petites ruses et autres intrigues de sous-préfectures des tenant du pouvoir.

Il est temps de mettre un terme aux projets de réformes clandestines sous le manteau de la junte. Ils ne seront d’aucune utilité en absence d’une dynamique démocratique qui cristallise et libère les forces et les propositions d’une classe politique et d’une société civile bâillonnées par des années de verrouillages autoritaires. La prochaine élection présidentielle si elle est transparente peut être une chance de sortie de l’impasse institutionnelle et de l’errance économique à la condition d’en faire un objectif refondateur du retour à la démocratie.

Ce qui suppose une rectification de la trajectoire actuelle qui ne semble respecter aucune règle de droit et de convenance politique. Cette perspective passe par une dynamique de mobilisation citoyenne et institutionnelle. Les Maliens attendent une démarche patriotique de rassemblement pour construire l’espoir.

« Lorsque dans une société les Politiques et les universitaires sont de plus en plus discrédités, il n’y a plus de remparts pour alternative démocratique et populaire. Le plus grand perdant dans l’opération devient la population ». Cette assertion du chercheur Cherif SalifSy résume la situation au Mali.

L’alternance à IBK qui devait avoir pour objectif de guérir le Mali de la déception du mandat de sang en travaillant à crédibiliser, l’action publique, les institutions et les partis politiques auxquels il n’y a pas encore d’alternative pour le renforcement d’une démocratie. Car, on ne sait que trop, tous les succès remportés par les démocraties ne l’ont été qu’avec des partis politiques forts.

C’est pourquoi, il faut réinvestir dans l’énorme potentiel démocratique militant marginalisé par l’autoritarisme et l’exclusion d’IBK et présentement entretenu par la junte.

Cette lutte doit rassembler les acteurs sociaux et politiques aux côtés des forces syndicales, associatives, des jeunes, des chômeurs, des étudiants, des femmes et des personnalités patriotiques qui se revendiquent du changement. Il nous faut construire un rapport de force populaire pacifique en faveur d’un projet de société démocratique et républicaine.

Faut-il le rappeler, les forces du changement, l’ensemble des patriotes ont un devoir impératif de se confédérer. Il faut conquérir la double ouverture pour notre pays à réussir une transition démocratique pacifique et de l’élection présidentielle à travers la liberté du scrutin à la vocation de rétablir un Etat civil moderne où l’Armée et les services de sécurité, une fois pour toujours, se vouent à leurs seules missions constitutionnelles de défense et de sécurité. La prééminence de la souveraineté populaire et le suffrage universel dans le respect des droits et de tous les droits et libertés.

25 janvier 2021

Souleymane Koné, ancien ambassadeur

Le Pays

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