Evaluation de la Transition: le M5 dit non à la mise en place rampante d’un régime autocratique
Une Transition plus que jamais militarisée, nonobstant les apparences, avec une persistance du népotisme et un glissement vers un régime autocratique ; des menaces très fortes sur la tenue d’élections régulières, libres, transparentes et crédibles ; et, un processus non-inclusif de révision de la Constitution forment la substance des griefs que le M5-RFP formule contre la Transition.
Voici l’intervention du M5-RFP, lors de la rencontre avec le Médiateur de la CEDEAO, présent dans notre capitale pour 48 heures dans le cadre du suivi des décisions de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO sur le Mali.
Monsieur le Médiateur de la CEDEAO au Mali, S.E.M Goodluck EBELE JOHNATAN Mme Shirley Ayorkor Botchway, Ministre des Affaires étrangères de la République du Ghana, Mesdames et Messieurs les membres de la délégation. Les partis politiques membres du M5-RFP, aimablement invités à cette rencontre ont décidé de parler d’une seule et même voix, la mienne, pour vous faire part de leurs observations sur l’évolution de la situation au Mali depuis le début de la Transition. Mais avant, nous voudrions vous remercier Monsieur le Médiateur de votre intérêt personnel et de votre souci constant pour le Mali. Nous souhaitons, à vous-même et à la délégation qui vous accompagne la plus chaleureuse bienvenue au Mali et un séjour fructueux. Enfin, nous vous saurons gré de bien vouloir transmettre notre reconnaissance et notre profond respect aux Chefs d’État de notre Communauté, en même temps que nos vœux de bonne et heureuse année 22021, aux peuples de la CEDEAO, aux Chefs d’États des pays membres, à vous-même, ainsi qu’aux membres de votre délégation. Vous vous rappellerez sans doute Monsieur le Président que depuis les évènements du 18 août 2020, le M5-RFP n’a pas eu l’occasion d’exposer à la CEDEAO ses appréciations sur la conduite de la Transition en cours qui, au stade actuel, pour nous, peuvent être synthétisées en quatre points principaux :
1- L’engagement partagé d’instaurer au Mali une Transition civile est violé. Ainsi :
-Le Président de la Transition est un Colonel-major à la retraite qui ne détient pas la réalité du pouvoir;
-Les véritables leviers du pouvoir sont détenus par le Vice-président de la Transition, un militaire chef de la Junte;
-Les postes clés du gouvernement sont détenus par les militaires membres de la Junte;
-Les 4/5 des ministres ont été désignés par la Junte sur la base des seules affinités;
-Le Premier ministre civil est manifestement dans l’impossibilité d’exercer pleinement son autorité de Chef d’un gouvernement qui lui a été imposé;
-Le Président du Conseil National de la Transition (CNT) est un militaire membre de la Junte;
-Tous les membres du CNT ont été nommés par le Vice-président de la Transition en violation flagrante et dans le mépris total des décrets sur la mise en place de l’organe et de la Charte de la Transition.
-Une majorité de gouverneurs des régions sont des militaires.
-L’essentiel des nominations au sein de l’Administration sont faites par les militaires et choisies parmi les proches de la Junte.
2- Des menaces très fortes pèsent sur la tenue d’élections régulières, libres, transparentes et crédibles.
En effet, les autorités de la Transition s’éloignent de plus en plus de la mise en place d’un organe unique et indépendant de gestion des élections qui demeure une exigence quasi-unanime de la classe politique et des acteurs sociaux et un gage de la crédibilité des élections. En lieu et place, le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, en charge de l’organisation des élections, a mis en place une cellule d’appui qui, si elle n’est pas contestée dans le principe, s’est, de façon inacceptable accaparée de certaines prérogatives de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et de la Délégation Générale aux Elections (DGE). Tout laisse croire que par ce biais, les autorités de la Transition veulent organiser une cession du pouvoir après une parodie d’élection. Un tel dessein ne saurait être accepté.
3- Un processus non inclusif de révision de la Constitution est en cours :
L’opinion nationale en général et le M5-RFP en particulier ont entendu avec effarement un membre du gouvernement annoncer que le processus de révision de la Constitution a démarré. Pour le M5-RFP, ce processus ne saurait en aucun cas être ni technocratique ni secrète mais au contraire ouverte, inclusive et consensuelle. Tel n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. C’est le lieu et le moment de rappeler qu’au Mali, trois tentatives de révision de la Constitution ont échoué à cause entre autres du caractère non consensuel du processus.
4- L’inacceptable mise en place rampante d’un régime autocratique :
En témoignent les arrestations extrajudiciaires qui se généralisent et qui sont inacceptables dans un État de droit nonobstant la présentation ultérieure des personnes « enlevées » devant les autorités judiciaires. Mais c’est la mise en place du CNT qui est l’illustration la plus achevée du mépris affiché pour l’État de droit et l’imposition, par la force et la manipulation, des désidératas de la Junte militaire qui d’ailleurs continue à exister en droit et en fait à Kati. A cet égard, le M5-RFP estime qu’un acte formel de dissolution du CNSP doit intervenir sans délai. Mesdames et messieurs, Bien évidemment l’exercice de la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble de son territoire, l’insécurité grandissante, l’impérieuse nécessité de la Refondation pour ne pas réduire la Transition à la seule organisation des élections demeurent pour le M5-RFP des préoccupations constantes.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Bamako, le 11 janvier 2021
Pour le M5-RFP Choguel K. MAIGA
Info-Matin