M5-RFP: échec et mat

Le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA, fortement contesté par un mouvement hétéroclite depuis un mois, a engagé les consultations pour parvenir à l’apaisement du climat social et politique et mettre en place le gouvernement d’union nationale qu’il a promis. Il a, dans ce cadre, reçu successivement : l’incontournable Imam Cheick Mahmoud DICKO, les familles fondatrices, les autorités traditionnelles et religieuses, la majorité présidentielle et le M5-RFP. Dans ces rencontres, dit-on, sont à l’agenda du locataire de Koulouba.

Recevant sa contestation, le Président IBK a fait état de ses préoccupations et des urgences de la Nation avant d’inviter le M5-RFP à faire partir du GUN qu’il est sur le point de mettre en place. Le M5, sans dire qu’il a remis au Président à Koulouba l’appel du « peuple » à sa démission, rouspète que le Chef de l’Etat l’ait prié de prendre langue avec la majorité pour la prise en charge de ses doléances.
L’appétit pour
les postes
Le M5-RFP qui s’était fendu d’un mémorandum pour demander la mise en place d’un gouvernement de transition qu’il nommerait en violation de la Constitution, ne rejette pas l’offre du Président IBK. Au contraire comme une meute d’affamés, les leaders se sont égosillés sur tous les plateaux avant de dire qu’ils vont se concerter et de donner leur réponse au Palais !
L’appétit pour les postes a-t-il eu raison de la détermination d’un Mouvement qui revendique la propriété exclusive du peuple malien ? Ou est-ce que par arrogance, le M5-RFP est-il tombé dans des contorsions fatales ?

En acceptant d’aller s’exhiber devant les caméras au Palais de Koulouba faisant des courbettes et la révérence au Président IBK qu’ils disent vouloir détrôner, le M5-RFP démontre, selon l’expression de M. Yassim MAIGA un petit machin de « petits messieurs ».
Le peuple qu’ils ont floué par 2 fois attendait l’annonce et l’exhibition de la lettre de démission signée de IBK à leur descente de Koulouba, mais au lieu de cela on aura vu des faux braves leaders sagement disposés comme dans une philharmonique pour chanter les cantiques du maitre des lieux !!
Cette posture de contestation soumise, aplatie, acquise, conquise, docile, malléable, maniable… minable poursuivra longtemps les dirigeants du M5-RFP. De quoi pourraient-ils désormais se plaindre ? Comme le dit l’adage : mieux ne pas entrer que entrer pour dire que tu n’as rien pris… Ce dimanche 5 juillet 2020 fera date dans les annales politiques du Mali. En tout cas à compter de ce dimanche pour la crise politique certainement la plus longue de l’histoire du Mali, on peut désormais acter :

1-retour au statu quo ante : longtemps secoué par les bourrasques contestatrices animées par son ex-ami Cheick Mahmoud DICKO, le Président IBK reprend la main et l’initiative. Un mois après le début de la crise, il retrouve pour la première fois sa posture présidentielle : arbitre au-dessus de la mêlée politique.
Dimanche, IBK a voulu être le Président de la République auquel il incombe de veiller au respect de la Constitution, d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de garantir l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale et de garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire et l’exercice des libertés démocratiques.
Il s’agit bien là d’une lecture de son rôle conforme à l’esprit de la 5e République française ou de notre 3e République. Il ne peut incarner l’unité nationale et être garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité́ du territoire, du respect des Traités et Accords internationaux (article 29 de la Constitution) s’il est encarté, élu d’une partie et non du peuple tout entier. Il est dans ce rôle le Président de tous les Maliens, Président de ceux encartés à la Majorité comme de ceux encartés à l’Opposition. Aussi, pour une recherche de solution de sortie de crise, le Président doit se mettre à équidistance de toutes les forces.
C’est donc à tort que le M5-RFP lance des cris d’orfraie accusant le Président IBK de l’avoir renvoyé à la Majorité pour discuter de ses doléances. Dès lors que tous, la Majorité présidentielle, la Contestation M5-RFP et plusieurs « médiateurs », dont la CEDEAO sont convenus et ont acté qu’il s’agit d’un problème politique qu’il faut une solution politique (déclaration de Issa Kaou N’DJIM sur ORTM), il serait aberrant et hautement préjudiciable pour l’impartialité de la République que le Président soit juge et partie dans une épreuve politique. A chacun sa chacune. Au Président de présider et trouver des solutions institutionnelles et politiques, de faire la politique et de trouver les solutions politiques. À moins qu’on veuille déléguer au Président le pouvoir de faire la politique sans les politiques.

2-L’abandon de l’exigence initiale de la démission d’IBK : contorsion positionnelle du leader moral ou Guide spirituel du mouvement, pression des médiateurs ou simples ajustements stratégiques dans la perspective de la mise en place du gouvernement ?

En renonçant à ce maximalisme, DICKO donne des gages d’assurances supplémentaires à la Communauté internationale et tous ceux qui l’accusent de rouler pour les extrémistes du Nord et du Centre et qu’il ne déstabilise pas les institutions par procuration. Quid du M5-RFP ? Quoique visiblement contraint et forcé, le M5 se taille dans un costume plus fréquentable aux yeux de la Communauté internationale et prend une option sérieuse pour entrer dans le gouvernement d’union nationale promis par IBK. Mais, a contrario, DICKO et ses amis s’annihilent cette Vox populi qui entendait faire Tabula rasa de la non-gouvernance dénoncée par DICKO pour tracer les sillons d’un avenir radieux pour le Mali. Mais hélas, mille fois hélas, encore une fois, la politique est passée par là, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Dommage. Conséquence, malgré l’optimisme populiste avancé par les leaders du M5, il n’est pas évident que « le peuple », déjà deux fois dupés, accepte de se laisser flouer une troisième fois uniquement pour permettre à 2 ou 3 personnes d’être ministres dans un gouvernement 27 membres !!!

3-Rencontre séparée DICKO et M5-RFP avec le Président de la République. La démarcation entre la personne de l’Imam qui est et se veut autorité religieuse que des citoyens ont érigé en autorité morale et guide spirituel et toute la meute de politiciens et de petits agitateurs gravitant autour des pôles a été acté à la veille de la manif du 19 juin. En effet, lors des rencontres avec la CEDEAO on a vu l’Imam reçu à part et le M5-RFP reçu à part. La démarcation n’est pas que symbolique. Les positions de l’Imam (qui n’a jamais demandé le départ de IBK, dit-il) sont devenues inconciliables avec celles du M5-RFP notamment sa frange radicale qui dès le 5 juin voulait marcher sur Sébénikoro.

4-la rupture presque consommée entre les partisans de l’aile dure incarnée par l’EMK de Cheick Oumar Sissoko et Clément Dembélé et l’aille alimentaire signataire du mémorandum est désormais consommée. Entre les deux se jouera forcément une partie de légitimité qui, sans l’Imam DICKO, pourrait largement tourner en faveur de l’aile dure qui incarne aujourd’hui les aspirations, les attentes en tout cas ce que réclament ceux qui sont sortis les 5 et 19 juin derniers. Si l’Imam ne se rallie pas à la mobilisation du 10 juillet pour demander le départ du Président IBK, ça fera flop. Or, Cheick Oumar SISSOKO, Clément DEMBELE et leurs partisans pourront difficilement réussir sans DICKO qui est désormais en divorce total avec eux.

5-L’acceptation d’entrer dans un gouvernement. Réduire tout le combat de DICKO et de ses partisans à une sordide histoire de portefeuille serait une méprise et une injure à leur engagement patriotique. Mais la question de postes, de places ou de positions dans le système n’est pas superfétatoire, elle est même centrale comme dans tous les combats politiques. En d’autres termes, c’est d’abord pour eux que les acteurs du M5-RFP se battent. Le « peuple », floué épisodiquement par vendredi est le cadet de leurs soucis. Ils voient une opportunité d’être et d’y être, ils s’agitent pour s’engouffrer.
En effet, jusqu’ici le M5-RFP n’a jamais dit officiellement comme l’Imam DICKO que son combat n’est pas pour entrer au gouvernement ou pour des portefeuilles ministériels. Ces politiciens qui n’ont plus le même Dieu que l’Imam, ne peuvent le dire, car ils seraient trahis par leur mémorandum dans lequel cette appétence est clairement mise en avant. Donc à longueur d’étapes, le M5-RFP semble laisser apparaître sa vraie motivation : le gouvernement. Le « peuple » dupé et floué par le combat pour les places va-t-il désormais se laisser trimbaler ?

6-La rencontre avec IBK. Entre les manifs, le M5-RFP avait fanfaronné en disant qu’il ne rencontrera pas IBK à sa demande. Depuis, de l’eau a coulé sous le pont des martyrs. Non seulement le M5-RFP y est allé, mais Choguel coutumier des bravades de non-reconnaissance s’est laissé aller dimanche par 5 fois d’un ou du Président de la République. Ça veut dire, au-delà de manquer à sa parole, que non seulement le M5-RFP a mis aux calendes grecques sa demande initiale, mais qu’il va entrer dans le gouvernement d’IBK. En effet, rien n’empêchait le M5 de dire comme DICKO au Président : Président vous êtes gentils, mais nous au M5-RFP on ne rentre pas dans votre gouvernement. Au contraire, ils ont eu la courtoisie intéressée de ne pas opposer une fin de recevoir à la demande du Président IBK d’aller discuter avec sa Majorité.

7-La transmission au Président IBK du mémorandum et non de l’appel du «peuple » à sa démission. «Je respecte les positions exprimées par vous et là-dessus, je vous invite à continuer et approfondir les échanges avec la Majorité présidentielle», telle est la réponse du Président IBK à la dizaine de doléances du M5 à travers le mémorandum qui lui a été remis non par les courageux leaders eux-mêmes, mais par l’Imam DICKO. En effet, pourquoi supplier ce dernier de transmettre samedi un mémorandum au Président IBK qui doit recevoir ses auteurs et défenseurs le dimanche ? À moins qu’ils n’aient sollicité une rencontre avec IBK à travers DICKO qui a bien voulu leur arranger ça…ça se saura un jour Inchallah !!!
En attendant, ça fait bizarre de voir DICKO réduit à un Postman (courrier) avec le net sentiment chez le Malien lambda que les leaders du M5-RFP ont simplement eu peur de remettre le fameux document en main propre et ont donc voulu manger leur piment dans la bouche de l’Imam. Toute chose qui montre le singulier courage des uns et des autres en dehors des réseaux sociaux et des plateaux télé. Mais vis-à-vis, ils ont un autre langage.

PAR MODIBO KONE

Info-Matin

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