A Monsieur Cheick Oumar Cissoko du M5: ‘‘je vous prie d’inviter vos camarades à plus de retenue’’
Avec beaucoup de modestie, Baba Bourahima CISSE, Président du Groupe de Réflexion et d’Actions pour un Mali émergent (GRAME-Mogoya), s’adresse à Cheick Oumar SISSOKO, responsable du M5-RFP. S’il reconnait les qualités exceptionnelles de l’homme ainsi que celles d’autres responsables de son mouvement, le tableau qu’il brosse de la conjoncture nationale l’amène à croire que le moment est mal choisi pour poser des revendications ; pis, s’arc-bouter sur la démission de la première institution constitutionnelle. D’où son appel à la retenue. Lisez sa lettre ouverte.
Très cher aîné, notre tradition ancestrale n’offre pas généralement l’opportunité à un jeunot le privilège de s’adresser aux anciens (les personnes âgées) voire de les interpeller.
Je vous saurais gré de bien vouloir m’accorder exceptionnellement de cette faveur.
Comme de nombreux jeunes Maliens et Africains, je suis admiratif de votre brillantissime parcours professionnel et politique. Nul n’ignore le rôle prépondérant que vous avez joué aux côtés de vos autres compagnons de l’époque pour l’avènement de la démocratie au Mali.
Vous aviez honoré plusieurs fois notre pays en raflant des prix par le biais de vos chefs-d’œuvre parmi lesquels on peut retenir sans le moindre risque de se tromper : ‘’Guimba’’, réalisé en 1995, qui vous a valu le prix, une année après, du meilleur long métrage du 6e Festival du Cinéma Africain de Milan et l’Étalon de Yennenga au Fespaco. Vous aviez à nouveau remporté l’Étalon de Yennenga au Fespaco en 2000 avec la ‘’Genèse’’ entre autres. En somme, vous êtes une icône du 7e Art en Afrique ainsi que partout à travers le mode.
Aujourd’hui, votre ‘’fils’’, un jeune citoyen, un Malien lambda, a décidé de prendre son courage à deux mains et de vous parler à travers le présente lettre ouverte. En toile de fond, la crise politico-institutionnelle, née de l’exigence d’un regroupement (auquel vous appartenez) et composé d’associations et de formations politiques, réclamant illico presto la démission de la première institution ainsi que son régime.
Estimé aîné, cette situation peu confortable laisse perplexe la jeunesse malienne dans son écrasante majorité. Une jeunesse déjà frappée de plein fouet par le spectre du chômage et en perte vertigineuse de repère.
Ma motivation n’est et ne saurait être d’autre que celle d’apporter ma modeste contribution à la décrispation de cette crise sociopolitique et institutionnelle. Et cela, conformément à cette célèbre maxime de John Fitzgerald KENNEDY, ancien président des États-Unis : « ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux bien faire pour ton pays ».
Cher aîné, le Mali traverse depuis 2012, une crise politico-sécuritaire, accentuée par la démission forcée du Président Amadou Toumani Touré. Ce qui a inflige un coup dur à notre démocratie et les conséquences fâcheuses continuent aujourd’hui à fragiliser davantage le pays. À l’instar de plusieurs États du Sahel, le Mali est confronté à une guerre imposée par le terrorisme. Comme si cela ne suffisait pas, se sont ajoutés, au Centre du pays, un conflit intercommunautaire et une exacerbation du marasme économique. Et cela, en dépit des efforts consentis par les plus hautes autorités ainsi que les partenaires au développement.
Cher père, c’est un secret de polichinelle que de dire que le Mali, votre pays que vous aimez tant, est vulnérable.
C’est cette période tumultueuse que votre regroupement semble choisir pour exiger la démission du Président de la République et de son régime. Loin de moi toute prétention de juger de la pertinence des griefs que vous soulevez contre l’actuel locataire de Koulouba (en plein mandat constitutionnel), mais pour beaucoup d’observateurs avertis, le moment est très mal indiqué, car les forces du mal sont encore là. Qu’il ne plaise à Dieu, une autre déstabilisation des Institutions livrera notre pays aux terroristes comme cuisse de poulet dans une assiette. Ce n’est pas tout, elle conduira à coup sûr (que Dieu nous en préserve), à une guerre civile dans la mesure où les prémices semblent déjà réunies.
Cher estimé doyen, la question que les Maliens se posent aujourd’hui est de savoir quelle alternative vous proposez au cas où interviendrait une éventuelle démission du Président IBK et de son régime. Ce, quand on sait que vous serez confrontés à un problème de légitimité, donc de représentativité. Inutile de vous rappeler que nous sommes 20 millions de Maliens. Si le combat de votre mouvement est pour le Mali, pourquoi décliner toute offre de dialogue, en faisant une fixation sur le départ forcé de la première Institution sans aucune espèce de concession possible ?
Pourtant, Mohandas Karamchand GANDHI nous enseigne que : « la règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents ».
Je vous prie d’inviter vos camardes à plus de retenue, à sortir des positions tranchées avec des concessions et des compromis pour sauver le Mali d’un saut dans l’inconnu.
Patriote, et visionnaire que vous l’êtes, je sais compter sur votre compréhension. Vous avez dans vos rangs des personnalités émérites qui n’hésiteront pas, pour l’intérêt supérieur de la Nation, à reconsidérer leurs positions en acceptant la main tendue du Président de la République.
C’est sur cette note d’espoir et d’espérance, je vous prie d’agréer l’expression de ma considération distinguée…
Votre ‘’fils ‘’
Baba Bourahima CISSE
Président du Groupe de Réflexion et d’Actions pour un Mali émergent (GRAME-Mogoya)
Info-Matin