Mamadou Naman Keïta, directeur national des routes : « La plupart des routes du Mali ont atteint leurs limites de vie… »

Dans une interview exclusive qu’il nous a accordée, le directeur national des routes, Mamadou Naman Keïta nous parle entre autres des missions de sa direction, de l’état des lieux du réseau routier au Mali, de la politique de décentralisation en matière d’infrastructures routières, des difficultés de mobilisations des ressources, des projets en cours d’exécution dont la route Kati-Kolokani-Djidiéni qui a fait grincer les dents récemment et des perspectives. « Les travaux de réhabilitation de la route Kati-Djidiéni ont démarré le 23 octobre 2018 par la société SATOM pour un délai d’exécution de 30 mois ». a-t-il dit. Il ajoutera : « le réseau routier du Mali est actuellement dégradé et nous sommes arrivés à une phase où il faut un véritable programme de réhabilitation… »

Républicain : Quel est le rôle de la Direction national des routes en matière d’infrastructures routières ?

Selon la loi de création de la Direction nationale des routes (DNR), elle a pour mission d’élaborer des éléments de la politique en matière de construction et d’entretien des routes. Il s’agit également d’élaborer des stratégies afférentes et mettre en œuvre les négociations apaisées.

Aujourd’hui, Monsieur, le directeur national, quel est l’état des lieux de la dégradation des routes à Bamako ?

Aujourd’hui, la situation du réseau routier du Mali actuellement dégradée et nous sommes arrivés à une phase où il faut un véritable programme de réhabilitation c’est-à-dire en un moment donné, nous réalisons des routes qui ont leur vie tout comme l’être humain. Donc, la santé de l’homme doit être entretenue tout comme les routes doivent être entretenues. Il y a des phases d’entretien dont l’entretien courant, périodique et la réhabilitation. L’entretien courant consiste à réparer les petites dégradations chaque année selon les types de routes. L’entretien périodique intervient lorsque la route atteint 5, 10 ou 20 ans toujours selon les types de routes. Il faut aussi réhabiliter au bout de la durée de vie selon les types de routes. La plupart des routes du Mali ont atteint leurs limites de vie donc il faut les réhabiliter pour leur donner une nouvelle vie. Les entretiens ordinaires que nous faisons ne servent à rien lorsqu’une route atteint ses limites. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous nous efforçons de maintenir le réseau routier dans un état acceptable mais nous sommes conscients qu’il faut faire plus.

Des nombreuses routes sont dans un état de dégradation avancée, par exemple : l’axe Kati-Kolokani-Djidiéni, quelles sont les dispositions prises par vos services dans ce sens ?

La route de Kati-Kolokani-Djidiéni-Kayes jusqu’à la frontière du Sénégal est, aujourd’hui, le premier corridor d’approvisionnement du Mali. C’est une route qui a été bitumée grosso-modo autour des années 2000 à 2006 grâce à une subvention de l’Union Européenne avec le standard minimum des routes bitumées. Aussitôt, la route réalisée, il y a eu la crise en Côte d’Ivoire qui a engendré le basculement du trafic du corridor d’Abidjan – Bamako et du corridor de Dakar – Bamako. Ce basculement du trafic a fait que cette route s’est trouvée fortement dégrader au bout de 5 ans. En 2011, il y a eu une première reprise d’une partie de cette route entre Diéma et Kayes. Aussi, nous avons effectué des efforts pour réparer les autres sections de route d’année en année autour d’un à deux milliards par an. Mais, réellement, le niveau de trafic basculé sur cette route ne correspond pas au standard de ladite route actuellement. Face à cette situation, nous avons élaboré des stratégies depuis l’année 2015 pour la reprise de cette route qui se dégrade de plus en plus. Cette fois, nous avons proposé le relèvement du standard pour qu’elle puisse répondre aux trafics lourds et importants. La première stratégie en 2015 que nous avons proposée concernait l’entretien périodique de la route en la renforçant sur un paiement échelonné sur trois ans n’a pas été concluante. Cette stratégie a été buttée à un problème de mobilisation des ressources. Finalement, le gouvernement à travers le ministère de l’Economie et des Finances a accepté le financement sur budget national la reprise de la section de Kati-Djidiéni environ 150 Km pour un montant global de 78,4 milliards de Francs cfa. Conformément à notre plan d’activités, nous avons pu démarrer les travaux de cette route, le 23 octobre 2018 sous la conduite de la société SATOM pour un délai d’exécution de 30 mois. Les agissements des populations ont trouvé déjà un programme de démarrage des travaux calé pour le mois d’octobre 2018 sinon il est impossible de mobiliser 78,4 milliards de Fcfa de financement en un mois. Mais, au-delà de Kati-Djidiéni, nous sommes conscients que les autres sections de cette route vont se trouver dans la même situation aujourd’hui que Kati-Djidiéni d’ici la fin de ces travaux de réhabilitation si nous ne prenons pas des mesures pour ces sections (Djidiéni-Diéma-Kayes jusqu’à la frontière). Nous sommes en train d’élaborer des plans d’action en vue de maintenir les autres sections en bon état.

Monsieur le directeur, pendant l’hivernage, nous avons vu vos services en activité à l’intérieur de la ville de Bamako. Quels sont les axes concernés par ces travaux ?

Nous avons déjà réalisé les études de réhabilitation des routes de Bamako mais les travaux de réhabilitation coûtent énormément chers. Pour ce faire, nous allons solliciter la mairie du district de Bamako. Conformément à la politique de décentralisation, la part de responsabilité de l’Etat est environ 60 km seulement sur environ 450 km du réseau routier du district de Bamako. Ces routes sont des routes d’intérêt national à savoir : la partie de la route Bamako-Koulikoro qui rentre à Bamako, la partie de la route Bamako-Kayes qui rentre à Bamako, la partie de la Bamako-Sikasso qui rentre à Bamako, la partie de la route Bamako- Siby qui rentre à Bamako etc. Donc, les différentes communes de Bamako ont leur réseau routier qu’elles doivent porter conformément à la politique de décentralisation notamment, l’entretien courant, périodique et même la réhabilitation et nous sommes là pour leurs accompagner techniquement (appui-conseil). Cependant, nous sommes en train d’élaborer un programme pour le réseau routier du district de Bamako qui ne répond plus aux normes de routes avec l’ensemble des collectivités de Bamako. Nous allons examiner ensemble ce programme pour trouver des financements avec les partenaires techniques et financiers. La réhabilitation de l’ensemble du réseau routier de Bamako coûtera environ 250 milliards de Francs FCA.

Quelles sont les routes concernées par ces genres de travaux à l’intérieur du pays ?

Nous sommes en train de réaliser un programme pour l’intérieur qui relie entre les capitales régionales entre elles et les pays riverains. Il s’agit notamment de la route de Ségou à Gao, la route de Sikasso-Koutiala jusqu’à Bla, la route Kati-Kolokani-Djidiéni etc.

Selon vous de nombreuses routes sont actuellement dans un état dégradé. Alors, l’entretien routier coûte combien à l’Etat ?

Comme nous l’avons dit, le réseau routier est actuellement dégradé, donc le coût de l’entretien augmente d’année en année selon la nécessité. L’année dernière, le besoin s’élevait à 80 milliards de F CFA mais nous n’avons obtenu qu’environ 25 milliards de F CFA parce que l’Etat a d’autres priorités également que nous comprenions. L’entretien routier 2018 était de l’ordre de 80 à 83 milliards de FCFA mais nos besoins sont généralement satisfaits à hauteur de 30 à 40% ce qui fait que le reste des besoins s’ajoute d’année en année. Nous avons inscrit la question de l’entretien routier dans les axes prioritaires de notre politique sectorielle. Globalement, il est nécessaire de revoir le mécanisme de financement de l’entretien routier au Mali. Lorsqu’il y a la dégradation quelqu’un doit être à mesure de se lever pour réparer la partie sinon entre le temps d’identification des parties dégradées et le temps de réparation d’autres parties seront encore dégradées et qui deviennent plus prioritaires que les premières parties identifiées. Donc, l’identification et la réparation doivent être des actions immédiates dont nous sommes en train de travailler dans ce sens. Egalement, nous sommes en train de travailler pour l’appropriation par les collectivités de leur réseau routier qu’elles doivent entretenir, réparer et réhabiliter. Le Mali dispose 89024 km de routes identifiées dont l’Etat doit avoir en charge les routes d’intérêt national qui s’élèvent à un peu plus de 14 milles km et chaque commune dispose son réseau routier sur le reste.

Propos recueillis par Moussa Dagnoko et Fakara Faïké

Source: Le Républicain

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