22 septembre 1960-22 septembre 2020 : Le Mali a 60 ans
«Il importe de mener la lutte sur tous les fronts contre l’impérialisme en général, français en particulier, parce qu’ils sont les plus nocifs dans notre pays; de mener une lutte sur tous les fronts contre leurs alliés locaux, afin d’arracher et de consolider notre indépendance totale.» (Marien N’Gouabi).
Pour rappel, notre pays a accédé à la souveraineté nationale et internationale, le 22 septembre 1960. Ce jour-là, notre peuple a décidé de se prendre en charge. La première République est née avec à la clé l’orientation politique dite socialiste (même si pour nous il s’agissait bien d’une orientation nationaliste).
Le président Modibo Keïta, par cette option a voulu redonner à son peuple et à son pays leur dignité et leur honneur vilipendés par l’odieux règne colonial français. Par ce règne, la France a procédé à l’extraversion de notre identité socioéconomique et culturelle. Cette dénaturation de notre être était un gage des colonisateurs. C’est bien cette triste réalité que visaient les systèmes coloniaux en Afrique: la spoliation sauvage et sans scrupule de nos peuples. Paul Baran disait avec juste raison: «La pénétration occidentale dans les pays arriérés des colonies, qui devait apporter à ceux-ci les biens de la civilisation chrétienne, ne fut en fait qu’une sordide exploitation de ces pays, une exploitation pratiquée sans vergogne.»
Pour tout dire, la France a procédé, pendant plus d’un demi-siècle, à la dilapidation sans vergogne de notre économie. Pour réussir cette sale besogne, elle a dû comprendre qu’il faut procéder en même temps à la sape de nos valeurs de civilisation.
Lord Macaulay disait devant les parlementaires britanniques, le 02 février 1835: «J’ai voyagé à travers l’Afrique, je n’ai pas vu de mendiant, ni de voleur; j’ai vu des personnes avec de hautes valeurs morales et je pense que nous ne pouvons pas conquérir ce pays (entendons ici le continent africain), à moins que nous ne brisions ou effacions la colonne vertébrale de cette nation qui est sa spiritualité et son héritage culturel.
Par conséquent, je propose que l’on remplace son ancien système éducatif et culturel, ainsi quand les Africains penseront que ce qui vient de l’étranger et en particulier de l’Angleterre est meilleur que ce en quoi ils croyaient, ils perdront l’estime de soi, leur culture et ils deviendront ce que nous voulons qu’ils soient, à savoir une véritable nation dominée.»
Le gâchis de la colonisation est si grand aux dépens de l’Afrique que les peuples de ce continent n’avaient plus d’autre choix que de combattre les colonisateurs. Certes, ce combat a eu diverses formes, mais tous ces peuples avaient compris la nécessité de cette lutte contre l’occupant colonial. C’est dans ce contexte qu’il convient de placer l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale. Et depuis cette date historique, notre peuple a pris sa destinée entre ses mains. L’option dite socialiste visait à donner au peuple travailleur du Mali le mieux être socioéconomique, politique et culturel.
Le président Modibo Keïta a compris que ce serait là un vœu pieux à l’absence d’une assise économique nationale véritable. C’est donc pourquoi il a fait de l’agriculture et de l’industrialisation deux priorités économiques nationales. Ainsi, à partir de l’agriculture il a financé des projets d’industrialisation nationale. Les investissements agricoles avaient un caractère à effet d’entraînement intersectoriel. Feu Amadou Traoré (connu sous le nom de Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni), nous a confié: «En 1960, le Mali a récolté 125 000 tonnes de riz paddy; en 1964, 210 000 tonnes; en 1960, nous avons récolté 105 000 tonnes d’arachide en coques et 128 000 tonnes, en 1964. La production du coton a connu une augmentation de 6 500 tonnes, en 1959 à 27 370 tonnes, en 1964.»
C’est dire qu’en cinq (05) ans, le Mali a réalisé des exploits agricoles inimaginables avec les moyens de bord que l’on connaissait. C’est cette prospérité agricole qui a permis au régime nationaliste de Modibo Keïta d’engranger un vaste programme d’industrialisation du Mali. En un quinquennat le Mali a construit une vingtaine d’usines.
L’école qui est le socle de la réussite de l’avenir n’a pas été oubliée. Bien au contraire ! La vaste réforme du système éducatif national de 1962 a posé les jalons d’une libération intellectuelle de notre peuple. À l’époque, les cadres maliens étaient les plus recherchés dans la sous région ouest- africaine.
La même année le Mali a créé sa propre monnaie «le franc malien» (le 20 juin 1962). C’est dire que tout était donc bien parti avec la première République. Le plan moral, n’a pas échappé à l’attention du régime nationaliste du Mali: le Malien avait honte de mentir, de voler, d’escroquer son prochain, de détourner des fonds de l’État ou même de se rendre coupable de la surfacturation.
La France avait donc réalisé qu’avec Modibo Keïta le Mali serait indépendant. Ce qui serait un véritable manque à gagner pour elle et une touffe de cheveux dans sa soupe en Afrique et en particulier en Afrique de l’ouest.
Par sa bénédiction, un groupe de sous-officiers dirigé par le lieutenant Moussa Traoré a fait irruption sur la scène politique pour donner un coup d’arrêt à l’élan patriotique et progressiste du Mali sous l’impulsion de la première République. C’était le 19 novembre 1968. C’est ce jour que notre pays est tombé. La deuxième République est née. Alors bonjour l’anarchie: un vide politique de dix (10) ans visait à faire taire notre peuple et à lui faire subir un lavage de cerveau.
En 1979, un parti politique mort-né a vu le jour: l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). Le parti a végété, navigué pendant douze ans sous la subordination à l’homme, toujours l’unique candidat à toutes les élections présidentielles et à chaque élection il gagnait le scrutin pour 99,99% des suffrages exprimés. Quelle popularité dans un pays plongé dans la misère sous toutes ses formes !
Pendant vingt-deux (23) longues années de gestion calamiteuse de Moussa Traoré, notre peuple a trimé dans la misère la plus humiliante. La deuxième République s’est illustrée par la gabegie, l’affairisme, le clientélisme, la concussion, etc. Las des tribulations militaro-politiques de Moussa Traoré, notre peuple s’est levé comme un seul homme pour dire à Moussa: trop c’est trop ! Le président dictateur est arrêté, le 26 mars 1991.
Auparavant, le général avait promis l’enfer sur la tête des Maliens. Résultat: plus de deux cent vingt-quatre (224) morts et des dizaines de disparus. L’on retient simplement qu’il a amorcé l’option capitaliste bourgeoise qui affamait l’écrasante majorité de la population malienne.
La deuxième République fut un fiasco. Moussa est mort avec du sang des enfants du Mali sur ses mains. À son actif il faut mettre la liquidation des sociétés et entreprises d’État contrairement au faux témoignage du secrétaire politique de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), Djibril Diallo, lors des funérailles du général.
La 3ème République est née des cendres de la 2ème République. C’était donc le retour d’un espoir perdu. Mais, hélas ! Comme le dit cette locution latine: «Parturiunt montes, nascetur ridiculus mus» (les montagnes sont en travail: il en naîtra une souris ridicule).
Le régime Alpha a creusé davantage le fossé ouvert par la 2ème République. Pendant dix (10) ans, ce régime a ratatiné l’honneur et la dignité de l’homme malien. Tous les maux fabriqués par le régime de Moussa Traoré se sont développés de manière ineffable sous celui qui se faisait appeler «le rouge»
Le régime conteur d’Amadou Toumani Touré (ATT) a tout simplement assaisonné les maux qui ont assassiné le citoyen lambda sous Alpha. Les détournements de deniers publics ne se comptent plus, accélérant ainsi la descente aux enfers de nos masses travailleuses. ATT a été chassé du trône par des soldats patriotes. C’était le 22 mars 2012.
Vite, le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses hommes ont été distraits par les politiciens en mal de crédibilité. Comme pour dire qu’ils n’ont jamais eu honte des combines, ces politiciens ont tout simplement achevé d’abattre l’espoir des Maliens sous IBK. Les crimes économiques font légion. Ils ont mis le pays à sac.
Mais comme on le dit souvent, pousse-pousse s’arrête au mur. Les soulèvements du peuple ont eu raison du président Ibrahim Boubacar Kéita. Les mêmes politiciens cupides qui ont crié haro sur IBK veulent aujourd’hui, en collaboration avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), abattre les membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP).
Comme l’a dit un observateur averti de la scène politique nationale: ‘‘Si sous Modibo Keïta, le Malien avait honte de voler, sous Moussa Traoré, il avait peur de voler et sous le règne de la démocratie pluraliste, il n’a ni honte ni peur.’’ Hélas ! Bref, la 3ème République a déçu le Mali.
Que faut-il donc aujourd’hui comprendre ?
De 1960 à nos jours, il n’y a eu que deux (02) orientations politiques au Mali: le nationalisme de Modibo Keïta (ou le socialisme) et l’option capitaliste bourgeoise fondée par Moussa Traoré et entretenue par la 3ème République. Le Mali n’a que trop souffert par la faute de l’impérialisme français et de ses valets nationaux.
Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), s’il veut sauver notre pays, doit mener une lutte implacable contre tous les goujats qui ont sucé le sang des Maliens et qui veulent aujourd’hui noyer le poisson et donc distraire notre peuple par les élucubrations politiciennes et les chantages d’une CEDEAO au service de chefs d’État.
Il faut donc ici et maintenant que le CNSP s’assume pleinement et entièrement en traquant sans répit la corruption et la délinquance financière au Mali. Comme pour dire qu’il faut lutter contre la France, ses représentants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Mali. Il y va de l’avenir de notre pays car trop c’est trop. Il est temps que les Maliens, engagés pour le changement véritable fassent bloc derrière le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) pour dire merde à ces politiciens apatrides qui n’ont pour fonction que la politique politicienne.
Marien N’Gouabi disait: «Il importe de mener la lutte sur tous les fronts contre l’impérialisme en général, français en particulier, parce qu’ils sont les plus nocifs dans notre pays; de mener une lutte sur tous les fronts contre leurs alliés locaux, afin d’arracher et de consolider notre indépendance totale.»
Cela est aujourd’hui un impératif du temps au Mali tant il reste établi que tant que la France sera sur notre sol, il ne peut y avoir de vraie sécurité pour les citoyens et de mieux être socioéconomique, politique et culturel pour le plus grand nombre.
La transition doit poser les pierres angulaires de la refondation du Mali épris de paix et de justice véritable.
Une fois encore, si les militaires se laissent distraire par ces politiciens en mal de crédibilité, ils creuseront ainsi leur propre tombe !
Fodé KEITA
Source: Inter De Bamako