Transition: le CNSP jette le masque !

« La CEDEAO donne une semaine au CNSP pour désigner un civil à la tête du pays. Faute de quoi, un embargo total sera imposé sur le Mali à partir du mercredi 23 septembre à minuit ». L’information est du colonel-major Ismaël WAGUE, porte-parole du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), au cours d’un point de presse, hier, à Kati. Quel était l’objet de la mission du CNSP, la demande la CEDEAO, le bilan de cette mission diversement commentée ? Les réponses du colonel-major WAGUE.

Le rejet d’une transition militaire
La voix de la junte au pouvoir depuis le 18 août dernier, lors du mini-sommet sommet des chefs d’État, tenu à Accra, au Ghana, auquel a pris part le Président du CNSP et certains compagnons, a expliqué les raisons de leur déplacement : « nous étions partis à Accra avec deux objectifs: partager avec les chefs d’État de la CEDEAO les conclusions des concertations nationales et voir avec eux la levée des sanctions sur le Mali». (…) Nous avons dit à la CEDEAO que nous sommes au service du peuple, dans la mesure où la majorité a parlé d’une transition militaire, nous avons suggéré qu’on puisse aller dans ce sens. La CEDEAO a refusé »
Selon le colonel-major WAGUE : « la CEDEAO exige que le Président et le Premier ministre de la transition soient des civiles et cela est non négociable ». Le président de la CEDEAO, le Ghanéen Nana Akufo-Addo avait en effet déclaré : « Aujourd’hui (NDLR : mardi 15 septembre) est censé être le jour où la junte militaire au Mali doit mettre en place un gouvernement qui devrait répondre aux critères que nous avons définis lors de notre dernier sommet du 28 août 2020. Cela n’a pas été fait. Aujourd’hui, les circonstances de la vie au Mali exigent que l’on mette un terme à cette affaire dès maintenant’’.
Un sursis d’une semaine
Le porte-parole du CNSP a, dans la dynamique de la désignation d’un Président et d’un Premier ministre de la Transition civils, fait savoir l’attente de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest : « (…) Et ils nous ont demandé de donner notre accord sur ce principe, afin qu’ils fassent un communiqué sur le champ. Nous leur avons dit que cela est impossible, car nous sommes uniquement là pour leur présenter les conclusions des concertations nationales et non signer un quelconque accord. Nous devons donc revenir en discuter à Bamako avant de donner une réponse définitive. (…) Les Chefs d’État de la CEDEAO nous ont dit être en mesure d’imposer un embargo total pour nous asphyxier rapidement… Pour les sanctions, ils nous ont donné une semaine pour adhérer à leurs exigences avant de les lever…
Nous avons répondu avoir compris, mais que, quel que soit ce qu’ils nous demandent nous ne pouvons décider sur place…
Il n’y a pas eu d’accord sur la transition à Accra. Ce n’était pas notre mission. Nous étions partis pour partager avec eux les résultats des concertations, mais non pour aller signer un accord ».
Sur le vif, il semble que cette réponse du CNSP a été perçue comme une défiance à l’égard de l’organisation régionale. Certains observateurs nationaux sont allés jusqu’à féliciter la junte pour avoir tenu la dragée haute à la CEDEAO. Mais, est-ce bien de cela qu’il s’agissait à Accra dans la capitale ghanéenne pour les représentants d’un pays failli réduit à sous-traiter sa sécurité, socialement et économiquement vivotant ? Pas si sûr. En effet, le porte-parole du CNSP, le colonel-major Ismaël WAGUE, lors de son point de presse hier à Kati a annoncé que des actions sont en cours pour la mise en place d’un collège de désignation du Président de la Transition. « C’est le collège dont la mise en place a démarré aujourd’hui, qui sera chargé de mettre en place le Président de la transition, le Premier ministre et tous les organismes de ladite transition…
«Nous avons dès aujourd’hui, commencé la mise en place d’un collège pour mettre en place rapidement une transition. Quoi qu’on dise, l’État est en train de fonctionner à travers les Secrétaires généraux des ministères ». Le collège est une des recommandations de la Charte de la Transition issue des concertations nationales des 10, 11, et 12 septembre, au Centre international de conférence de Bamako (CICB). Ce qui entache cette recommandation, c’est que l’assemblée a fait l’honneur au Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) de décider de la composition de ce collège qui a entre ses mains le destin de la transition par son choix.
En tout état de cause, il a été acté par la CEDEAO que la date butoir du 15 septembre 2020 n’a pas été tenue par les militaires pour mettre la désignation d’un Président et d’un Premier ministre de la Transition. Aucune sanction excepté celles en vigueur n’était connue. Mais, pour l’échéance du mercredi 23 septembre, la junte et les Maliens savent à quoi s’attendre : l’embargo total. Qu’est-ce que cela veut dire ?

La sanction totale…
Le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO dit en son article 45 :
‘’1. En cas de rupture de la Démocratie par quelque procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits de la Personne dans un État membre, la CEDEAO peut prononcer à l’encontre de l’État concerné des sanctions.
2. Lesdites sanctions à prendre par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement peuvent aller par graduation : Refus de soutenir les candidatures présentées par l’État membre concerné à des postes électifs dans les organisations internationales ; Refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans l’État membre concerné ; Suspension de l’État membre concerné dans toutes les Instances de la CEDEAO ; pendant la suspension, l’État sanctionné continue d’être tenu au paiement des cotisations de la période de suspension.
3. Pendant ladite période, la CEDEAO continuera de suivre, d’encourager et de soutenir tout effort mené par l’État membre suspendu aux fins de retour à la vie institutionnelle démocratique normale.
4. Sur proposition du Conseil de Médiation et de Sécurité, il peut être décidé à un moment approprié de procéder comme il est dit à l’Article 45 du Protocole’’.

Le bilan de la mission
Quel est le bilan que tire le Comité National pour le Salut du Peuple de cette mission diversement commentée, tant au plan national qu’international ? Le colonel-major WAGUE confie : « nous pensons que le voyage d’Accra n’est pas forcément un échec contrairement à ce qui se dit à droite et à gauche. Le Président du CNSP a été invité expressément par le Président du Ghana. C’est une forme de reconnaissance ». Revenant impliquant à son idée du Transition militaire, le porte-parole du CNSP réaffirme : « Notre intention avouée est d’être du côté de la majorité du peuple ? Mais cette possibilité dépendra d’autres facteurs que nous comprenons et avons intégrés ».
Au regard de tous ces développements, les jours à venir s’annoncent décisifs pour notre pays dont la situation de fragilité ne lui permet de se mettre à dos la CEDEAO et la Communauté internationale.

PAR BERTIN DAKOUO

Info-Matin

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