Rassemblement Populaire du M5-RFP : Un bain de sang évité dans les rues de Bamako

Bamako a une nouvelle fois été le théâtre d’une démonstration de force de la coalition politico-religieuse qui réclame la démission du président Ibrahim Boubacar Kéita. A la différence de la manifestation du 5 juin dernier, l’appel de l’imam Dicko a eu une répercussion dans plusieurs localités à travers le pays, notamment Ségou, Kayes, Sikasso, avec le même mot d’ordre : la démission du président IBK et de son régime.

A Bamako, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel de l’imam Dicko et des leaders du Mouvement du M5-RFP, notamment Espoir Mali Koura de l’ancien ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko, le Mouvement démocratique et populaire (MDP) de Dr Oumar Mariko, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de Mahmoud Dicko (Cmas), Anko Mali Dron de Mme Sy Kadiatou Sow, la Centrale démocratique des travailleurs du Mali (Cdtm) et la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (Cstm). La manifestation a démarré par la prière du vendredi, célébrée sur la place de l’Indépendance par une foule clairsemée. S’en est suivie plus tard la convergence d’une imposante déferlante ayant sacrifié avec les leaders à la traditionnelle exécution de l’hymne national du Mali ainsi qu’à une minute de silence à la mémoire des soldats tombés sur le champ de l’honneur.

A l’instar du précédent rassemblement, les manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « IBK dégage » ; « IBK démission » « Non aux députés nommés » ou encore « La dictature ne passera pas. ». Et les leaders de la contestation ont également fait l’économie cette fois des longs discours pour se contenter d’une déclaration lue par le cinéaste Cheick Oumar Sissoko. En effet, après un ultimatum lancé et ignoré le 5 juin, le mouvement a décidé de passer à la vitesse supérieure. « Depuis le boulevard de l’indépendance, nous allons nous rendre au Palais de la République à Koulouba pour remettre au président IBK l’Appel à la démission. À défaut d’une réponse dans le délai d’une heure, nous exercerons notre droit constitutionnel de la désobéissance civile en occupant tous ponts, ronds-points, sorties et entrées dans toutes les villes du Mali », a lancé M. Sissoko. Mais il a fallu une nouvelle proposition de Dicko pour désamorcer cette bombe. En effet, en bon iman, Dicko a proposé aux manifestants de ne pas marcher tous sur Koulouba, mais plutôt de désigner quelques personnes pour aller remettre la lettre de l’Appel à la démission au président IBK. Parmi ces émissaires figuraient Issa Kaou Djim de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko, Choguel Maïga du Front pour la sauvegarde de la démocratie et Clément Dembélé, président de la Plateforme contre la corruption et le chômage (PCC). Néanmoins, plusieurs manifestants ont dû se résoudre à emboîter le pas à la délégation. Mais, arrivés au pied de la colline où est jonché le palais présidentiel, les forces de l’ordre ont fait barrage. La foule a tenté de forcer le passage, des heurts ont éclaté et la police dit usage de gaz lacrymogènes pour contrôler la situation. Ces affrontements entre policiers et jeunes manifestants ont continué jusqu’à la tombée de la nuit dans les quartiers de Darsalam et Bolibana. Empêchée par les forces de l’ordre, la délégation est ainsi retournée bredouille. C’est ainsi que l’imam est revenu encore à la charge pour désamorcer la tension des manifestants « Nous nous sommes engagés à ne rien brûler. Refusons l’image qu’on veut nous attribuer, nous avons la force spirituelle et morale pour obtenir pacifiquement ce que nous cherchons », a-t-il conseillé aux manifestants avant de les inviter à rentrer chez eux en attendant le nouveau mot d’ordre. «Nous allons nous organiser pour obtenir de la plus belle des manières la démission du président et de son régime», a-t-il promis.

Comme pour manifester son regret d’avoir partagé des beaux jours avec le président IBK, l’imam Dicko a rappelé qu’il avait cheminé avec lui depuis 2002. « En 2013, j’ai transformé la mosquée en QG de campagne. Nous l’avons porté à la magistrature suprême contre vents et marrées parce qu’on lui faisait confiance, mais aujourd’hui tout le monde est unanime sur la situation catastrophique du pays. Donc, il faut tirer les conséquences », a-t-il martelé. Parlant de l’adresse du président IBK en début de semaine, pour réitérer son refus de la main tendue, il dira qu’on tend la main à quelqu’un qui est loin de soi. Lorsqu’on est près de quelqu’un, renchérit-il, on n’a pas besoin de lui tendre la main. Cela veut dire, ajoute-t-il, qu’il n’est pas proche de son peuple.

La barrière d’incompatibilité entre Mahmoud Dicko et le locataire de Koulouba est manifestement devenue insurmontable. En effet, pour conclure ses propos l’iman Dicko a insisté sur le fait qu’IBK n’a plus la santé physique et morale nécessaires pour continuer à diriger le Mali. Cependant les initiateurs qui refusent de reconsidérer leur doléance seront en conférence de presse, aujourd’hui lundi 22 juin, pour décider sans doute de la date d’un troisième rassemblement. En attendant, l’iman Dicko qui dit avoir mis la balle de la raison et de la sagesse dans le camp du régime en prenant la communauté   internationale à témoin, peut se réjouir d’avoir évité un bain de sang dans les rues de Bamako.

Amidou KEITA

Le Témoin

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