Moussa Mara: « Il sera difficile d’expliquer la tenue d’un référendum quand on a indiqué précédemment qu’on ne peut tenir de législatives »

Dans une interview qu’il nous a accordée, le président du parti « Yelema, le Changement », Moussa Mara, s’est prononcé sur tous les sujets brulants de la nation, notamment la sécurité au centre du Mali, le problème des avions cloués au sol, la prorogation du mandat des députés, la révision constitutionnelle, le Dialogue politique inclusif.

Le Pays : M. le président, l’insécurité continue de grossir le lot des veuves et des orphelins. Le nord brûle, le centre est invivable, le sud est menacé. Quel est votre regard à ce sujet ? Quelle solution faut-il pour sortir de cette crise ?

Moussa Mara : La situation est, en effet,  très difficile. La première des choses à faire au centre,  est que nos autorités s’y intéressent. Pas de visites de quelques heures mais de quelques semaines. Le Premier ministre vient d’y passer 5 jours, c’est bien. Mais il faut plus et j’espère que très rapidement, il y reviendra pour suivre tout ce qui a été décidé. La seconde chose est de noter qu’il y a plusieurs centres en un, et non un seul centre,  et qu’il y a une multiplicité de sources de tensions. Pour les aborder, il faut travailler en profondeur, identifier les sources des tensions, associer les populations dans l’identification des solutions et les mettre en œuvre par les services de l’État,   sans aucune sous-traitance avec une milice ou autre force civile. Pour ce faire, il faut un retour effectif de l’Etat et l’administration correcte des services publics. En travaillant dans la durée et avec énergie, les questions du centre ne sont pas au-dessus des forces de l’Etat malien.

Dans les attaques contre Koulogon, Ogossagou, Sobane Da, … l’armée malienne est venue sur le terrain pour n’être que spectatrice du bilan macabre. Qu’est-ce qu’il faut corriger, selon vous ?

Je pense qu’il faut plus d’hommes, cela a été promis ; espérons que ça soit effectif. Il faut aussi  plus de moyens et d’équipements,  dans un cadre où nos militaires respecteront les droits humains. Il faut sans doute accélérer les enquêtes sur les massacres pour que les jugements interviennent, et pendant ces jugements,  on saura beaucoup de choses. Il est quand même bizarre que depuis trois ans où on parle du centre, que personne n’ait jamais été jugée et sanctionnée. Sans sanctions, le cycle des vengeances ne s’arrêtera pas.

En ce qui concerne l’Accord d’Alger, beaucoup de Maliens estiment qu’il est inapplicable et contribuerait à la partition du pays. Que pensez-vous de ce document ? Faut-il le réviser ?  Quel sont ses côtés sombres ?

La première des choses est de faire connaître l’Accord de paix.  Beaucoup parmi ceux qui le critiquent ne l’ont même pas lu. Lisons-le, examinons les articles et engageons les explications qu’il faut pour que nous en ayons d’abord une bonne compréhension. Même s’il s’agissait de le revoir, par quel article il faut commencer ? Comment le corriger ? Il est temps que nous sortions, au Mali, des débats théoriques pour aller dans le fond. Je  suis sûr que si tout le monde faisait ces efforts, on parlerait moins de l’Accord de paix. Ce document mérite d’abord d’être appliqué et ensuite on en fait un bilan.

Beaucoup de Maliens, même des élus, dénoncent la politique française dans la gestion de la crise malienne. Pouvez-vous nous expliquer le contenu de l’Accord de défense militaire entre le Mali et la France ? 

Cet accord a été négocié et signé quand j’étais Premier ministre. Il est disponible sur les réseaux sociaux et c’est un document public. Comme pour l’accord, beaucoup de choses sont dites dessus sans qu’on l’ait lu. Il a deux objectifs principaux : actualiser le précédent accord qui datait de la période de Moussa TRAORE et donner un cadre légal à la présence des soldats français de l’opération Barkhane, anciennement serval, qui sont arrivés sur notre sol, avec comme cadre juridique, une simple lettre adressée à la France par le Président de la transition,  Mr Dioncounda TRAORE. L’accord aborde donc ces questions et uniquement celles-ci : la formation des officiers maliens dans les écoles françaises comme cela est le cas depuis plus de 40 ans, le séjour de formateurs français dans nos structures militaires, le statut et l’encadrement juridique des actions de l’opération Barkhane. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de transfert de base malienne à la France dans cet accord comme n’importe quel autre par le passé.

Le président de la République a reconnu, dans une  interview accordée à Jeune Afrique que les avions de guerre restent au sol par faute d’entretien. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?

Il aurait été mieux que le Président nous dise pourquoi ces avions ne sont pas entretenus, qui en est responsable et quand est-ce qu’ils seront opérationnels.

Je me demande comment des avions achetés récemment sont cloués au sol ? Qu’est-ce qui a cloché dans leurs procédures d’achat ? Ce sont des questions qu’il est souhaitable que les autorités éclaircissent

Vous avez contesté la prorogation du mandat des députés qui a finalement été votée par les éluseux-mêmes. Est-ce aussi la fin de votre combat contre cette décision ?

Oui.  Car je ne vois pas concrètement quels moyens légaux nous pouvons encore utilisés. Il est vraiment dommage que nous soyons dans ce vide depuis janvier dernier et il est encore plus dommage que nous considérions désormais cela comme normal. Ce que je crains, c’est une autre prorogation qui n’est plus à exclure. Je me demande comment on va justifier la tenue d’un referendum qui est aussi une élection. Si on ne peut pas tenir d’élections législatives, comment pourrions-nous tenir un referendum ?

Voulez-vous dire qu’on ne peut pas réussir la révision constitutionnelle dans le contexte actuel de notre pays ?

Il sera difficile d’expliquer la tenue d’un référendum quand on a indiqué précédemment qu’on ne peut tenir de législatives. Maintenant, le dialogue bien mené, de manière inclusive, avec le traitement de sujets pertinents, peut déboucher sur la nécessité consensuelle de réviser la constitution.  Comment le faire ? Cela peut créer une atmosphère favorable à la tenue d’un scrutin référendaire.

Que pensez-vous du Dialogue politique inclusif tel qu’entamé  par IBK ?

C’est une bonne chose. Se parler est ce dont nous avons besoin comme un moyen de rassembler les Maliens, vers la sortie de crise. Il faut, maintenant, voir comment ce dialogue  sera concrètement organisé et comment nous allons nous entendre sur les sujets à aborder. La question des termes de références sera cruciale

En gros, vous avez proposé, sur les plateaux de l’Africable,  que le président de la République, accompagné d’une forte délégation, passe  une vingtaine de jours au centre. Le Premier ministre vient  d’y boucler une visite de 5 jours au cours de cette semaine. Quelle appréciation faites-vous de cela?

Comme je l’ai dit précédemment, cela est positif à condition que cette première soit suivie d’une seconde, d’une troisième….et à chaque fois avec suffisamment de temps de présence sur le terrain pour traiter profondément chaque dossier et s’assurer effectivement que tout se déroule sur le terrain comme prévu : le désarmement des milices, la présence de l’État, les discussions inter communautaires, les discussions pour soustraire les jeunes de l’emprise des groupes terroristes, la justice…

Réalisée par Boureima Guindo

Le pays

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